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La Création, vue comme genèse et évolution ♥♥♥


Introduction (Science & Foi) :

Michel SalamolardScience & Foi remercie chaleureusement Michel Salamolard pour cette série concernant une réflexion pour considérer la création comme genèse et évolution dans la Bible, évolution non pas d’un point de vue biologique ou scientifique mais comme dynamique de vie.
M.S. est prêtre catholique du diocèse de Sion (Suisse), diplômé de l’Institut catholique de Paris. Il a exercé des ministères variés : en paroisse, auprès d’enfants et de jeunes en difficulté et auprès d’adultes (formations aux services de l’Eglise). Le fil rouge de ses engagements est l’annonce et l’approfondissement de la foi au contact de l’expérience humaine. » (extrait de sa présentation tirée de son livre en finir avec le « péché originel? » chez Fidélité).

Comme invité sur ce blog, les propos de M.S. n’engagent pas Science & Foi. Nous avons précisé « ce que nous croyons » dans cette rubrique.


 

LA CRÉATION, VUE COMME GENÈSE ET ÉVOLUTION

Partie 1 : L’ÉTRANGE SEMAINE DE GENÈSE 1

Par une série d’indices qui sautent ou devraient sauter aux yeux, parce qu’ils se trouvent dans la lettre même du texte, le premier récit de création s’inscrit dans une « semaine » qui n’a rien à voir avec le temps qui passe. Cette semaine enveloppe et condense en elle la totalité du temps. On se condamne donc à ne rien comprendre au message de GENESE 1 si on situe ce récit dans le temps, que ce soit dans l’intervalle d’une de nos semaines de 6 ou 7 jours ou que ce soit dans l’intervalle de milliards d’années. Deux types de lecture de ce texte magnifique risquent de nous égarer :

  1.  une lecture faussement nommée « créationniste » (qui méconnaît en fait la notion de création) ;
  2.  une lecture superficiellement concordiste, fondée davantage sur les sciences physiques et biologiques plutôt que sur la compréhension du donné révélé.

Voyons donc quelques-uns des indices évoqués plus haut, qui devraient nous conduire sur la bonne piste.

Le temps qui passe n’est annoncé que le 4ème « jour », avec la création des luminaires qui présideront à la succession des jours et des nuits. Les « soirs et matins » de GENESE 1 sont d’un autre ordre. La semaine inaugurale ne fait pas nombre avec les autres. Elle n’est pas mesurée par leur durée ni par aucune autre durée.

Durant six « jours », Dieu ne FAIT rien, il CRÉE. « Dieu dit… et cela fut ». L’effet est instantané. Et il est répété à chaque fois (7 fois). Chaque « jour » coïncide donc avec cet instant sans durée. Conférer à cela une durée, de 24 heures ou de milliards d’années, n’a pas de sens (biblique). Le Psaume 146 dit la même chose que Gn 1 en se passant fort bien d’un cadre temporel : « Il a fait le ciel et la terre, la mer, et tout ce qu’ils renferment » (v. 6). Mais le cadre hebdomadaire permet de fournir davantage d’informations (théologiques, pas scientifiques). Voici les trois principales :

  1.  Créer, pour Dieu, c’est dire (« Dieu dit » : 10 fois). Dix Paroles créatrices avant Dix paroles données au Sinaï. Le rôle fondateur de la Parole est posé dès l’origine. La Parole est l’origine (Jean 1 s’en souviendra.)
  2.  Tout est déclaré bon, très bon (7 fois). Tout est originellement bon parce que Dieu est tendresse et bonté, ce sera explicité plus tard.
  3. Tout est centré sur l’être humain, établi intendant de la création, chargé de dominer comme Dieu, sans violence, avec douceur (cf. le régime alimentaire végétarien).

Quand Dieu crée les végétaux, le 3ème « jour », l’auteur insiste lourdement sur le fait qu’ils sont pourvus de leur semence, capables donc de se reproduire « tout seuls », sans « intervention » divine. La vie contient en elle la capacité de se perpétuer. Ce sera pareil pour les animaux. Végétaux et animaux se multiplieront donc « selon leur espèce » (10 fois), c’est-à-dire selon ce que Dieu inscrit dans la nature dès l’origine, toute « intervention » ultérieure étant exclue parce que superflue, convenant peut-être à un démiurge, mais pas au Dieu biblique qui n’a rien d’un démiurge.

On peut songer ici à « l’évolution créatrice » de Bergson. On peut aussi, comme chrétiens, se réjouir que la théorie scientifique de l’évolution, loin de contredire cela, le confirme plutôt. Non que la foi, fondée sur la Parole de révélation, dépende de cette confirmation, elle peut très bien s’en passer, l’auteur de Genèse s’en passait fort bien. Mais ne pas se réjouir de cette confirmation, comme d’un signe adressé à notre raison, relève d’une étrange attitude qui ne débouche pas sur la louange biblique adressée à Dieu pour les merveilles de sa création, comme dans le Psaume 104 . Un homme biblique de notre temps a de quoi compléter ces louanges émerveillées en glorifiant Dieu pour les myriades de galaxies, les mystères des particules, pour les dinosaures disparus, pour les Néandertaliens et pour l’ancienneté de Homo Sapiens, augmentée récemment de cent mille ans !

Le 7ème jour, Dieu chôme. Et pourtant, c’est juste après cette solennelle déclaration que, sans transition, Dieu… commence à travailler dans l’histoire. Le shabbat est l’aboutissement de la création. Il n’est suivi d’aucune nuit. Il est éternel.

Tentons quelques conclusions de notre lecture attentive à la lettre du texte, non pas pour nous y enfermer, mais pour comprendre ce que la lettre désigne, à savoir le sens. En hébreu, le mot ‘ôt désigne aussi bien la lettre que les luminaires créés le 4ème jour : la lettre écrite et les corps célestes sont des indicateurs, des signifiants.

Le premier récit de création ne dit pas un seul mot du « comment » des choses, du commencement du cosmos, de l’apparition des êtres. Il ne dit pas le commencement ni la durée, mais l’origine éternelle, permanente. En répétant à l’envi « Dieu dit… et il en fut ainsi », l’auteur nous crie qu’il ne sait rien du « comment », que cela lui importe peu. En revanche, il attire notre attention sur ce qui le passionne lui-même : la parole créatrice de Dieu, le « fondement perpétuel des choses » (cf. Franz Rosenzweig).

La non-semaine de GENESE 1 est en rupture totale avec toute conception cyclique du temps, qu’on trouve en d’autres cultures de l’Antiquité, sinon en toutes. Selon ces conceptions, tout se répète, rien de neuf n’apparaît, l’histoire du cosmos et celle des vivants tournent en rond, sans origine ni fin.

La non-semaine de GENESE 1 enveloppe la totalité du temps, tout en concentrant cette totalité dans l’instantané éternel de la Parole créatrice

Un indice supplémentaire est caché par nos traductions du v. 2, 4a. TOB :

Telle est la naissance du ciel et de la terre LORS de leur création

Traduction littérale :

Telles furent les engendrements des cieux et de la terre quand ils furent créés, LE JOUR où YHWH Dieu fit terre et cieux .

Rachi commente : « Ce qui t’apprend bien que tout avait été créé dès le premier jour ». L’instant éternel de création… Le vague « alors » occulte « le jour », un jour qui en annonce peut-être un autre, que les prophètes appelleront le Jour de YHWH.

Cela dit, la non-semaine de création indique non seulement l’origine du temps et de tout ce qui existe, mais aussi sa direction. La création ne tourne pas en rond, n’est pas statique non plus, elle va quelque part, vers le shabbat. Notons déjà un renversement intéressant dans le même v. 2, 4a, que nos traductions dissimulent aussi, sans doute par (mauvaise) habitude. L’expression « le ciel (ou les cieux) et la terre » est répétée plusieurs fois dans le premier récit de création. Mais dans le dernier verset (voir la traduction littérale ci-dessus), Dieu fit « terre et cieux » et non plus « cieux et terre ». Les cieux semblent indiquer l’aboutissement, terre et ciel un itinéraire de l’une à l’autre. Le shabbat serait-il synonyme des cieux ?

(à suivre)

Crédit illustration : NASA HUBBLE – « Les Piliers de la création » dans la nébuleuse de l’aigle 
(Nurserie d’étoiles)


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