David Vincent, jeune historien, fait désormais partie de l’équipe science et foi. L’aspect historique des relations science et foi/théologie chrétienne est en effet une clé essentielle pour une juste compréhension des ramifications et des origines complexes de l’état actuel de la discussion, en particulier dans les milieux évangéliques. Vous avez déjà pu apprécier la maturité et la rigueur de sa réflexion sur son site récemment remanié.
Bonjour David, merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions et de permettre ainsi aux lecteurs de Science et foi de te connaître mieux, puisque tu fais désormais partie de notre association.
Quel âge as-tu ?
Je suis né en avril 1993, j’ai donc 21 ans au moment de cet entretien.
Quel est ton parcours universitaire ?
Après un bac ES, j’ai commencé une licence d’histoire à l’Université de Nanterre (Paris X) dans le but de devenir professeur d’histoire-géographie au Collège ou Lycée. Cependant, durant ma deuxième année de Licence, j’ai découvert la collection « Sources chrétiennes ». Cette collection est une édition des écrivains chrétiens de l’Antiquité. La lecture de ces auteurs m’a tout de suite donné envie de m’orienter vers la recherche en histoire religieuse.
Après ma Licence j’ai donc effectué un Master recherche en Histoire Ancienne à l’Université de Nanterre puis un Master recherche en Sciences des Religions et Société à l’Ecole Pratique des Haute Etudes (EPHE).
Quels sont les sujets sur lesquels tu as travaillés récemment ?
Mon premier mémoire, effectué sous la direction d’Hervé Inglebert, s’intitulait « L’influence de la paideia sur l’exégèse chrétienne dans l’Antiquité Tardive. Etude comparée des traditions d’Antioche et d’Alexandrie. »
Mon second mémoire, que je rédige actuellement sous la direction de Jean-Paul Willaime, porte sur « Les Pères de l’Eglise dans la théologie évangélique contemporaine. »
Tu as un projet de thèse. Quel en sera le sujet ?
Mes deux sujets de mémoire reflètent assez bien mes intérêts. Si l’intitulé exact de la thèse reste à définir, j’aimerais bien travailler sur un sujet qui me permette de réfléchir aux rapports entre théologie et histoire. Sous réserve d’éventuels changements, l’intitulé de ma thèse serait à peu près celui-ci : « Ecrire et enseigner l’histoire dans les facultés protestantes de théologie. »
Quand et pourquoi es-tu devenu chrétien ?
Je suis né dans une famille chrétienne évangélique. J’ai donc toujours fréquenté les églises évangéliques. D’abord une « Megachurch » pentecôtiste, puis deux assemblées de frères. J’ai donc connu les deux pôles « extrêmes » du monde évangélique.
Toutefois, mon engagement personnel a réellement commencé en 2008. Chaque année mon église locale distribuait à l’occasion du nouvel an des promesses avec un verset. Cette année là, j’ai reçu le verset de Jean 16 : 23-24 : « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé. Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite. »
Au départ, je n’y ai pas vraiment prêté attention, puis au cours de l’année je m’en suis souvenu et j’ai commencé à prier en me basant sur ce verset. C’est à partir de ce moment que j’ai vu concrètement la main de Dieu agir dans ma vie. J’ai donc demandé le baptême qui a eu lieu le 6 juillet 2008.
Ce baptême marque le début de ma véritable conversion et de mon engagement personnel, puisque toute une série d’évènements a fini par transformer la foi que j’avais reçue en une foi personnelle. Cette transformation est passée par un questionnement puis une réappropriation des différentes vérités chrétiennes.
J’ai tout d’abord été convaincu de l’existence d’un Dieu créateur et personnel. Les nombreuses interventions divines rendaient le choix de l’athéisme impossible.
Une fois la certitude d’un Dieu créateur acquise, je me suis cependant interrogé sur la religion à suivre et je me suis tout particulièrement intéressé au Judaïsme et à l’Islam, qui représentaient pour moi les seules alternatives crédibles au christianisme. A cette occasion, j’ai découvert la littérature rabbinique (Midrash, Talmud, Commentaires bibliques) et j’ai lu le Coran.
Après avoir été persuadé que Jésus, tel que nous le présentait la Bible, était bien la vérité, je me suis cette fois questionné sur les autres confessions chrétiennes. Je me suis surtout renseigné sur l’orthodoxie et le catholicisme. Pour cela, j’ai lu plusieurs théologiens orthodoxes ainsi que le dernier catéchisme de l’Eglise Catholique. Mes études d’histoire m’ont cependant définitivement confirmé dans mes convictions protestantes et ont en particulier renouvelé mon attachement au principe du « sacerdoce universel » qui est pour moi le véritable gêne du protestantisme.
Toutefois, je rajouterai un dernier point : pourquoi je suis resté chrétien. En effet, si je suis devenu chrétien parce que j’ai vu Dieu répondre à mes prières et intervenir dans ma vie, je ne pense plus aujourd’hui que cette raison soit décisive. Je crois toujours que Dieu est bien intervenu dans ma vie, mais je pense qu’il peut tout autant répondre à des prières de musulmans ou de juifs. La réponse aux prières n’est donc plus pour moi un critère de vérité.
Si je suis resté chrétien, c’est donc essentiellement parce que je suis convaincu, au regard de l’ensemble de l’histoire humaine, que la vision chrétienne de Dieu et Son rapport au monde est la seule vision cohérente.
Quel est ton engagement en tant que chrétien ?
Mon engagement peut se décliner en trois sphères.
Au sein de mon église locale, je participe en tant que moniteur à l’école du dimanche. C’était déjà le cas dans mon église précédente. Par ailleurs, j’ai aussi été plusieurs fois animateur dans des colonies chrétiennes.
Dans le cadre de l’Université, j’ai été impliqué dans les études bibliques et les réseaux G.B.U. depuis maintenant trois ans. Cette année j’ai un peu moins de temps et je n’organise donc plus de réunions bibliques hebdomadaires.Toutefois, je continue à animer une fois par mois un « Café théo » en coopération avec l’aumônerie étudiante de Nanterre.
Enfin, ma dernière implication est sur internet. Depuis septembre 2012, j’ai commencé un blog (philochristos) où je partage mes réflexions sur toutes sortes de sujets en rapport avec la foi chrétienne. Depuis, la rentrée 2014, j’ai changé de blog (didascale.com) pour des raisons techniques. J’ai profité de ce changement pour restructurer quelque peu mes articles et affiner mes objectifs, mais le principe de départ reste le même.
En lisant les nombreux articles de ton blog, on prend conscience que la question des rapports entre Bible et histoire n’est pas sans point commun avec celui des sciences « dures » et des Ecritures. Est-ce aussi ton avis ?
Tout à fait. C’est ce que je souhaitais développer sur mon blog et c’est pour cela que j’ai accepté de rejoindre « Science et Foi ». Je reviendrai un peu plus en détail sur ce sujet dans la dernière question.
Le monde évangélique a souvent l’impression de représenter pour la société d’aujourd’hui le « christianisme primitif ». Que penses-tu d’un tel sentiment ?
Grosso modo, il y a deux visions dominantes dans le monde chrétien. La première « catholico-orthodoxe » voit l’histoire de l’Eglise comme une longue tradition ininterrompue et considère que leur Eglise existe telle quelle depuis les origines. La seconde, « protestante », propose au contraire une vision de « rupture-retour ». L’Eglise est tombée dans l’apostasie et il s’agit maintenant avec la Réforme de revenir au fonctionnement de l’Eglise primitive.
Une étude historique et objective des textes antiques montre cependant qu’aucune de ces deux conceptions n’est juste. Les chrétiens de l’Antiquité n’étaient, au sens actuel des termes, ni catholiques, ni orthodoxes, ni protestants. Ils étaient simplement eux-mêmes. Revenir à un christianisme primitif, me paraît plus une illusion qu’autre chose.
Par ailleurs, le cadre d’existence (rapports à la société, au pouvoir, etc.) et les mentalités sont totalement différents et il n’est plus possible de revenir à un quelconque christianisme primitif.
Dans quels domaines et sur quels sujets penses-tu pouvoir apporter une contribution au dialogue constructif entre foi chrétienne et science que notre association Science et Foi essaie de promouvoir ?
Je pense pouvoir contribuer principalement dans deux domaines.
Tout d’abord en rapport avec les sciences dures, je peux apporter une perspective historique sur les rapports entre les chrétiens et les connaissances profanes tout au long de l’histoire. Même si les questions actuelles, comme la théorie de l’évolution, peuvent paraître nouvelles, elles renvoient en réalité à des problématiques qui se sont posées tout au long de l’histoire de l’Eglise.
Deuxièmement, je pense qu’il peut être intéressant que l’association science et foi intègre aussi les sciences humaines et pas seulement les sciences dures. Si le terme de « science » évoque tout de suite les « sciences dures », il me semble aussi pertinent de s’intéresser aux sciences humaines et sociales. Comme tu l’as toi-même souligné dans une question précédente, les rapports qui peuvent se poser entre l’histoire et la Bible par exemple sont aussi les mêmes qu’entre les « sciences dures » et la Bible.
Pour parler de mon domaine plus spécifique, les sciences historiques, il ne fait aucun doute que ces disciplines (sciences bibliques et histoire du christianisme) ont connu des progrès considérables depuis deux siècles et qu’on ne peut plus les ignorer, comme le fait encore trop souvent le monde évangélique. Si on peut, de manière tout à fait légitime et pertinente, critiquer certaines conclusions de l’exégèse libérale, il me parait en revanche impératif de prendre en compte un certain nombre d’acquis des disciplines historiques et je suis fermement convaincu que la « politique de l’autruche » et l’isolationnisme fondamentaliste n’ont aucun avenir et ne pourront pas tenir dans un monde de plus en plus connecté.
Merci David d’avoir pris le temps de répondre !