Introduction (Benoît Hébert)
J’avais promis à Marc d’écrire un article particulier concernant le déluge de Noé et le Nouveau Testament. Comprendre que le déluge de Noé tel qu’il est décrit dans la Genèse (universel) n’a pas existé est déjà un pas énorme à franchir pour la grande majorité des évangéliques. Les allusions à ce déluge par Jésus lui-même ou par Pierre ne viennent qu’ajouter à la confusion. Le raisonnement typique est celui-là: « Si Jésus lui-même en a parlé comme d’un événement universel, c’est que ce déluge l’a été, car notre Seigneur dit toujours la vérité! Sinon comment faire la différence entre ce qui est « vrai » de ce qui ne l’est pas? »
Il faut attaquer cette difficulté sans chercher à l’esquiver. Il s’agit certainement ici d’une façon non intuitive de lire le texte biblique, qui fait appel au principe d’accommodation du Saint Esprit dans le processus d’inspiration. L’analyse de Denis Lamoureux dans Evolutionary Creation nous sera d’un grand secours.
« Jésus lui-même a fait écho dans les Ecritures à l’interprétation littérale traditionnelle du déluge. Le Seigneur avertit :
“ Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul. 37 Comme aux jours de Noé ainsi en sera-t-il à l’avènement du Fils de l’homme. 38 Car, dans les jours qui précédèrent le déluge, les hommes mangeaient et buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche ; 39 et ils ne se doutèrent de rien, jusqu’à ce que le déluge vienne et les emporte tous ; il en sera de même à l’avènement du Fils de l’homme.” (Matthieu 24:36-39)
Premièrement, il faut noter que le contexte et l’intention de ce passage n’est pas ici de traiter de l’historicité du déluge de Noé. Jésus enseigne à propos de la fin des temps et de son retour. Deuxièmement, le Seigneur utilise des catégories anciennes dans sa révélation. Il affirme plus tôt dans ce passage que dans les derniers jours, les étoiles tomberont du ciel et les corps célestes seront ébranlés.” (Matthieu 24:29) et que les anges : « rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre. » (Matthieu 24:31). Bien entendu, cet événement futur n’aura pas lieu littéralement de cette façon, parce que l’univers n’a pas trois parties. De la même façon, Jésus utilise la notion historique ancienne d’un déluge universel, qui n’a jamais littéralement eu lieu, pour délivrer son message de foi. Le déluge de Noé est ici typologique. En faisant référence au prologue du déluge (Gen 6 :1-6), il révèle que le péché sera rampant dans le monde avant sa deuxième venue, et que l’humanité sera sur le point d’être jugée par Dieu. Les chrétiens peuvent se sentir réconfortés, parce que Noé est l’archétype de la grâce de Dieu qui sauve ce qui sont justes et obéissants. Les croyants seront épargnés de la colère à venir au jugement denier.
L’apôtre Pierre nous donne aussi une preuve biblique persuasive de la vision traditionnelle d’un déluge universel. Dans sa première lettre, il place le récit du déluge à côté de la réalité historique du sacrifice du Christ et de sa résurrection. Il écrit :
« En effet, Christ aussi est mort une seule fois pour les péchés, lui juste pour des injustes, afin de vous amener à Dieu. Mis à mort selon la chair, il a été rendu vivant selon l’Esprit. 19 Par cet Esprit, il est aussi allé prêcher aux esprits en prison, 20 qui avaient été rebelles autrefois, lorsque la patience de Dieu se prolongeait, aux jours où Noé construisait l’arche dans laquelle un petit nombre de personnes, c’est–à–dire huit, furent sauvées à travers l’eau. 21 ¶ C’était une figure (grec : antitupos) du baptême qui vous sauve, à présent, et par lequel on ne se débarrasse pas de la souillure de la chair, mais qui est la demande (adressée) à Dieu d’une bonne conscience, par la résurrection de Jésus–Christ 22 qui, monté au ciel, est à la droite de Dieu et à qui les anges, les pouvoirs et les puissances ont été soumis.” (1 Pierre 3:18-22)
Là encore, le contexte de ce passage et l’intention de l’auteur nous montre qu’il ne s’agit pas d’un débat à propos de l’historicité de Noé. Le point concerne la mort de Jésus sur la croix pour vaincre le péché et la mort. De façon subtile, Pierre utilise la notion d’un univers en trois partie pour conceptualiser les événements avant et après la résurrection de Jésus. A partir de cette catégorie ancienne, il envisage que le Seigneur soit descendu dans le monde souterrain pour prêcher avant de monter au ciel pour s’asseoir à la droite de Dieu. Finalement, Pierre utilise le récit du déluge de façon typologique. Il affirme que l’eau du baptême est l’ »antitype » (c’est-à-dire l’accomplissement figuratif) des eaux du déluge. Cela représente symboliquement le jugement duquel les chrétiens sont sauvés.
Les références à Noé et au déluge par Pierre et Jésus ne prouvent pas l’historicité de cet homme ou de l’événement destructeur. Pas plus que leur mention dans le NT ne fait de Gen 6-9 des chapitres historiques. L’existence de Noé et la réalité d’un déluge universel étaient des faits de l’histoire pour les juifs et les premiers chrétiens. Mais ces notions faisaient partie d’une compréhension ancienne de l’histoire. L’apparition de Noé et du déluge dans le NT ne confirme pas plus leur réalité ni ne leur confère l’historicité plus que les références à un univers en trois parties par Jésus et Pierre n’établissent ce modèle comme la structure du cosmos. »