Le généticien Dennis Venema et l’influent théologien du Nouveau Testament Scot McKnight viennent de publier un livre intitulé « Adam et le génome » J’attendais la parution de ce livre depuis un moment déjà, ayant eu connaissance de ce projet lors de nos rencontres avec les lauréats soutenus par la fondation BioLogos, au sein du projet « évolution et foi chrétienne » dont Science & Foi a fait partie.
La grande question soulevée par ce livre est celle de la pertinence d’une interprétation « historique » et « concordiste » d’Adam et Eve, étant donnés les progrès de la génétique concernant les origines de l’homme.
Jim Stump introduit une série d’articles contradictoires sur le blog de BioLogos. Il a invité Peter Enns (théologien américain), qui défend une interprétation non concordiste de Genèse 1-11, Ken Keathly, un baptiste « du sud » des EU, et Denis Alexander, un généticien britannique qui dans le passé a soutenu une interprétation historique et concordiste d’Adam proche de celle de Blocher ou du RSE en France.
Scot Mc Knight et Dennis Venema répondront à tous ces articles. J’essaierai de vous faire une petite synthèse.
Pour Jim Stump, ce livre va jouer un rôle significatif dans la réflexion sur cette question ultra délicate chez les évangéliques.
En effet, l’approche à cette question, tout comme la question du déluge de Noé dont nous avons parlé très récemment touche directement la conception de l’inspiration biblique qu’ont beaucoup d’évangéliques.
Pour Stump :
Il ne fait pas de doute que certaines critiques affirmeront qu’il s’agit là encore d’un exemple où la science prend le dessus sur ce que dit la Bible. Mais ce serait mal lire et une approche erronée pour essayer de comprendre sérieusement ce que Venema et McKnight ont écrit.
Ces auteurs remettent en effet en question une longue histoire d’interprétation biblique, mais rappelle que l’histoire de l’interprétation biblique est jalonnée de tels épisodes. A titre personnel, je n’ai découvert qu’assez récemment que la doctrine de « l’enlèvement de l’église » suivie d’une période de « grande tribulation » pour ceux qui sont restés sur la terre , datait de Darby et du milieu du XIXème siècle…
On peut constater toute l’actualité d’une telle discussion quand on remarque à quel point l’interprétation littérale, historique et « biologique » d’Adam est constitutive de la construction théologique de certains évangéliques. Un bon exemple est l’article récemment paru sur le blog « le bon combat » intitulé « doctrine de la chute de l’homme » qui met en lien la confession baptiste de 1689.
« Le cadre théologique dans lequel les réformés expriment la chute et le péché est l’alliance des œuvres. On dit parfois que pour bien comprendre l’histoire de la rédemption, il faut d’abord comprendre adéquatement le Jardin d’Éden. Une mauvaise compréhension des trois premiers chapitres de la Bible faussera la lecture de tous les autres chapitres. »
Cette confession de 1689 affirme que :
« 3. Puisqu’ils étaient la souche du genre humain, et, par le vouloir de Dieu, ils représentaient toute l’humanité, la culpabilité du péché a donc été imputée, et la nature corrompue a été transmise par eux à toute leur postérité par le processus normal de la génération (6). Leurs descendants sont maintenant conçus dans le péché (7) et sont, par nature, des enfants de colère (8), des serviteurs du péché, assujettis à la mort (9) et à toutes sortes de misères spirituelles, temporelles et éternelles, à moins que le Seigneur Jésus ne les libère (10).
4. De cette corruption originelle par laquelle nous sommes complètement infectés, incapables et ennemis de tout bien et entièrement portés à toute sorte de mal (11), proviennent toutes les transgressions actuelles (12). »
On comprend donc toute la difficulté de maintenir une telle interprétation, à moins de rejeter en bloc les acquis de la génétique moderne au nom du « dogme »…
Dans la première partie du livre, Venema expose les données de la génétique concernant les origines évolutives de l’humanité. Plusieurs lignes de preuves indépendantes nous montrent que la population humaine n’a jamais été réduite à moins d’environ 10 000 individus. L’idée d’un seul couple donnant génétiquement naissance à l’humanité est donc plus que problématique.
Le but de Scot McKnight est de remettre les écrits de Paul concernant Adam en contexte scientifique et historique. Il plaide pour une utilisation « littéraire » d’Adam par Paul dans le but d’illustrer son propos à but théologique. Il est complètement légitime d’affirmer que Paul écrivait dans un style littéraire qui traitait « l’histoire » de façon très différente dont nous le faisons aujourd’hui.
L’interprétation traditionnelle qui fait d’Adam et Eve les parents génétiques de toute l’humanité, ayant transmis une nature pécheresse génétique à toute l’humanité va bien au-delà des intentions de Paul.
Si la science peut nous aider aujourd’hui à mieux comprendre le texte biblique, nous devrions en profiter.
A suivre