Article 1 sur un total de 2 pour la série :
Jésus croyait-il au péché originel chez l'enfant ?
Crédit image : https://fr.123rf.com/profile_wckiw
Jésus enseignait-il que les enfants naissent corrompus à cause de la désobéissance de leurs lointains parents Adam & Ève ?
Avant-Propos : Pourquoi s’intéresser au péché originel ?
Marc Fiquet- Webmaster
Les chrétiens sont tous d’accord sur le fait que tous les Hommes doivent être réconciliés avec Dieu, que chacun éprouve des difficultés à faire le bien. Naturellement l’Homme « manque la cible », il lui est impossible d’accomplir la justice à laquelle il aspirerait lui-même. C’est sous le terme bien galvaudé aujourd’hui de « péché » que cette attitude est définie dans la Bible.
Pour tenter d’expliquer cet état de fait, Augustin à proposé la doctrine du péché originel qui a été largement revitalisée par les réformateurs Luther et Calvin au XVIe s. Pour de nombreux croyants, remettre en cause la doctrine du péché originel, c’est remettre en cause la doctrine du Salut chrétien, or elle ne fait que tenter d’expliquer l’origine du péché et ne remet pas du tout en cause le fait que tout homme « manque la cible » et ait besoin d’accomplir sa vocation en Jésus-Christ.
Si Science & Foi porte un intérêt particulier à ces questions théologiques, c’est pour montrer combien il peut être enrichissant d’établir un vrai dialogue entre certaines de nos traditions chrétiennes et les données de la science moderne (la génétique nous montre que l’humanité ne descend pas d’un couple unique) pour que notre théologie soit cohérente avec la révélation des Ecritures entières et celle de la Création.
Nous sommes tous habitués à lire les paroles de Jésus
avec l’arrière-plan théologique
que l’on nous a inculqué en toute bonne foi,
bien qu’ils soient directement redevables aux premiers conciles
et aux pères de l’Église historique, tel qu’Augustin.
Mais que se passerait-il si, comme Marie,
nous nous nous mettions aux pieds du Seigneur
pour l’écouter comme une première fois ?
Fait divers
Le petit Jonathan a cinq ans. Depuis sa naissance, il entend ses parents se plaindre de leur voisin. Une fois de plus, son père est aujourd’hui aux prises avec le mauvais coucheur qui, par-dessus la haie, l’insulte de tous les noms d’oiseaux à propos d’une histoire de tondeuse à gazon jugée trop bruyante. Jonathan rentre à la maison, va chercher le révolver de son papa, ressort et tire sur le voisin, sans que son père ait eu le temps de faire le moindre geste pour l’en empêcher. Malgré tous les efforts du père pour contenir l’hémorragie, le voisin meurt avant même l’arrivée de l’ambulance.
Commentaires
La presse parlera-t-elle d’un criminel, d’un voyou, ou d’un assassin à propos du jeune meurtrier ? C’est peu probable. Par contre, elle ne manquera pas de blâmer le père pour avoir laissé une arme chargée à portée d’un si jeune enfant. On l’accusera certainement d’irresponsabilité si l’on apprend qu’il lui a montré comment enlever le cran de sécurité de son arme. Certains relanceront sans doute le débat sur le droit des particuliers de détenir des armes à la maison. D’autres réactiveront la polémique relative aux films et dessins animés où les protagonistes tuent impunément tous ceux qui les contrarient… Bref, les commentaires partiront dans tous les sens, mais personne ne remettra en cause le fait qu’un enfant de cinq ans est encore irresponsable de ses actes, et personne ne suggèrera qu’il faut le mettre en prison ou en maison de correction pour mineurs. Son père, par contre, risque bien d’avoir des comptes à rendre à la Justice.
En privé
Tout en étant une fervente chrétienne, la maman du petit Jonathan ne s’est jamais interrogée sur la relation qu’il peut y avoir entre la responsabilité et la culpabilité. Pour elle, le péché originel fait de son enfant un pécheur de naissance. Aussi, quand Jonathan fait quelque chose de mal, elle ne manque pas de l’encourager à demander pardon à Jésus qui a été puni à sa place en mourant cloué sur une croix, en saignant beaucoup et en ayant très mal. Dès lors, à chaque bêtise qu’il commet, le petit Jonathan se sent étreint par un profond sentiment de culpabilité en évoquant les souffrances de Jésus… Même si au fond de lui-même, il estime qu’avoir accidentellement renversé et brisé l’horrible vase de tante Adèle était plutôt un service à rendre à ses parents qui ne savaient comment s’en débarrasser de façon diplomatique. Mais aujourd’hui, la maman de Jonathan a vraiment de quoi alimenter sa théologie de la substitution.
Et pour Jésus ?
Jésus s’étant vu impliqué dans les bêtises – grandes et petites – du petit Jonathan, il semble juste de lui demander ce qu’il en pense.
Marc 9.36-37 :
Jésus prit un petit enfant, le plaça au milieu des disciples, et après l’avoir embrassé, il leur dit : Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits enfants, me reçoit moi-même, et quiconque me reçoit, ne me reçoit pas moi-même, mais celui qui m’a envoyé.
À première lecture, on pourrait penser que « recevoir un enfant au nom de Jésus » signifie accueillir cet enfant de la même façon que Jésus l’accueillerait. Cela semble une façon légitime de comprendre la parole du Seigneur… Et pourtant, ce n’est pas cela qu’il a dit. En réalité, Jésus affirme que « recevoir un enfant en son nom », c’est le recevoir, lui Jésus, et même plus, puisque c’est recevoir Dieu lui-même !
Cela nous interpelle à plus d’un titre. Et tout d’abord, sachant qui il est, comment accueillerions-nous l’enfant Jésus aujourd’hui ? Avec un esprit de supériorité et de condescendance ? Ou avec respect, malgré son jeune âge ?… Dès lors, comment accueillons-nous les enfants qui veulent s’approcher de lui ? N’oublions-nous pas trop facilement qu’accueillir un enfant au nom de Jésus, c’est accueillir Dieu lui-même !
Mais alors – deuxième sujet d’étonnement – qu’en est-il du péché ? Dieu serait-il pécheur ? Car si c’est Dieu que j’accueille à travers un enfant pécheur – fût-ce un « état » de péché, plutôt qu’un péché « commis » – j’ai un sérieux problème avec le « péché originel » dont seraient atteints tous les enfants… et dont la Bible ne parle d’ailleurs nulle part ! Posons donc la question à Jésus pour voir ce qu’il en pense.
Marc 10.13-16 :
Des gens lui amenèrent des petits enfants pour qu’il les touche. Mais les disciples leur firent des reproches. Jésus, en le voyant, fut indigné et leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour leurs pareils. En vérité, je vous le dis, quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera point. Puis il les embrassa et les bénit, en leur imposant les mains.
Il peut paraître surprenant d’entendre Jésus proclamer que le royaume de Dieu est pour ceux qui sont « pareils » à nos enfants… Il doit pourtant savoir que nos bambins sont loin d’être toujours sages comme des images ! Le mal ne se manifeste-t-il pas en eux dès le plus jeune âge ? Que faut-il penser de la colère du nourrisson quand le biberon ne vient pas assez vite ? Ou de la jalousie qui le porte à repousser papa qui vient embrasser maman, alors qu’elle le tient sur son sein ?… Colère, jalousie : on parle bien de péchés, n’est-ce pas ? Faut-il alors être pécheur pour hériter du royaume de Dieu ?
Ne devrait-on pas poser la question autrement, et se demander si le « mal » est nécessairement « péché » ? Peut-on dire – par exemple – que le lion qui tue une antilope commet un péché ? Ou que deux lions qui se battent commettent un péché ? Ou encore, que ces lions commettent des péchés, parce qu’ils sont nés en état de péché ?… Il n’est pas un chrétien qui ne trouverait pareilles questions complètement absurdes : même ceux qui pensent que les lions sont devenus carnivores après la « chute d’Adam » ! N’est-il pas évident qu’un lion suit ses instincts, qu’il n’est donc pas moralement responsable de ses actes, et qu’en conséquence, il ne peut être tenu pour coupable du mal qu’il fait à d’autres êtres vivants. En d’autres termes, nous sommes tous disposés à admettre la nécessité de distinguer la notion de mal et la notion de culpabilité, du fait que cette dernière est intimement associée à la notion de responsabilité… D’où l’absurdité d’introduire la notion de péché concernant un lion.
Disons les choses autrement. Puisque le lion n’est pas moralement responsable de ses actes quand il fait le mal, on ne peut pas le déclarer coupable, et encore moins pécheur. Il apparaît donc clairement que la notion de péché est étroitement dépendante de la notion de responsabilité morale. Dès lors, avant de déclarer un petit enfant pécheur, la question qui s’impose est de savoir si l’on peut le dire moralement responsable de ses actes ? Le fait divers raconté en préambule paraît significatif : certes, Jonathan a fait quelque chose de mal, et même de très mal ! Mais tous s’accorderont à dire que n’étant pas encore responsable de ses actes, on ne peut considérer ce petit garçon comme coupable.
Dès lors, bien que sa maman paraisse ignorer le lien entre responsabilité et culpabilité, il est hors de question de parler de péché à propos de cet enfant. Partout dans la Bible, aussi bien dans le Premier Testament que dans le Nouveau, la notion de péché est indissociable de la notion d’expiation. Or, qui dit expiation dit péché, qui dit péché dit culpabilité, et qui dit culpabilité dit responsabilité… En d’autres termes : en dehors de toute responsabilité, pas de culpabilité, pas de péché, et nul besoin d’expiation. La porte du royaume de Dieu est donc largement ouverte aux petits enfants ; dès lors « exit » le péché originel qui est supposé leur en interdire l’accès !
Voici donc l’état de non culpabilité – on ne parle pas d’un état dont le mal est absent – qu’il appartient aux adultes de retrouver pour devenir comme les petits enfants et pouvoir entrer dans le royaume de Dieu. Pour le moment, le comportement du petit enfant répond à sa nature animale ou instinctive. Cette nature, il devra apprendre à la maîtriser à travers l’éducation reçue de ses parents, et avec l’aide de Dieu, s’il croit en lui. Cette éducation est indispensable pour poser les jalons destinés à préparer sa maturité et sa responsabilité morales. À ce propos, tout le monde connaît le passage de Matthieu 1.23 citant une prophétie d’Ésaïe ; mais on en néglige souvent les implications.
Ésaïe 7.14-15 :
C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe, Voici que la jeune fille est enceinte, Elle enfantera un fils Et lui donnera le nom d’Emmanuel. Il mangera de la crème et du miel, Jusqu’à ce qu’il sache refuser ce qui est mauvais Et choisir ce qui est bon.
Vrai Dieu, vrai homme
On a parfois tendance à oublier que Jésus a été un bébé comme tous les autres, tétant sa mère, pleurant et faisant dans ses langes. Puis qu’il est devenu un petit garçon comme les autres, prenant progressivement conscience, à travers l’éduction qu’il recevait, du fait que certaines choses sont bien et que d’autres sont mal. Ensuite, toujours éclairé par ses parents, il a encore grandi en maturité, prenant conscience de sa nature divine et de son destin particulier :
Ne saviez–vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ?
(Luc 2:49)
Mais l’on peut imaginer que cette prise de conscience ne fut pas facile à vivre, puisqu’il doit attendre d’avoir une trentaine d’année avant que Dieu lui confirme explicitement son statut divin à travers une voix venant du ciel :
Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection.
(Matthieu 3.17)
Affirmation que le diable mettra aussitôt en question avec beaucoup d’insistance :
Si tu es Fils de Dieu… Si tu es Fils de Dieu…
(Matthieu 4.3,6)
Certes, nous n’ignorons pas que Jésus « a été tenté comme nous à tous égards, sans [commettre de] péché. » (Hébreux 4.15) Mais comme nous l’avons vu, ne pas commettre de péché ne veut pas dire qu’un petit enfant ne fait jamais rien de mal en absolu. Qu’en est-il de Jésus ? La Bible n’en dit rien, sinon qu’il a dû apprendre « à refuser ce qui est mauvais, et à choisir ce qui est bon. »… Ce qui ne veut rien dire et tout dire à la fois ! Il n’est donc pas question de préjuger de quoi que ce soit. Mais on ne peut toutefois pas s’empêcher de penser qu’un petit garçon qui ne fait jamais la moindre bêtise ne serait pas vraiment tout-à-fait normal. Aussi, trêve de spéculations concernant Jésus, puisque c’est de nos enfants et de nous-mêmes qu’il s’agit ici.
Or, nos enfants ne sont pas simplement des petits animaux qu’il nous faudrait « dresser » à faire le bien plutôt que le mal. Car, on le sait aujourd’hui, la capacité de distinguer le bien du mal – en dehors de tout avantage personnel – est une faculté qui n’apparaît qu’à un certain stade du développement d’un enfant. Généralement, cette capacité apparaît vers l’âge de douze ou treize ans. Bien que fixé de façon empirique, ce n’est donc pas par hasard que cet âge est celui de la barmitsva dans le Judaïsme et le la confirmation dans le Christianisme, puisque c’est l’âge où l’enfant accède à la responsabilité morale. Aussi, les nombreux passages bibliques qui exhortent les parents à corriger leurs enfants ne leur demandent pas de frapper leurs enfants, mais – comme l’on met un tuteur à une jeune plante – de leur fixer des repères qui les conduiront à devenir des êtres moralement responsables, plutôt que demeurer des êtres strictement instinctifs.
Mais revenons aux parles du Seigneur. En disant
quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera point
Jésus considère que cette réception du royaume de Dieu est déjà chose faite pour les petits enfants… Sinon sa phrase n’aurait aucun sens ! Ou alors, Jésus aurait dû préciser pour quels enfants c’est possible et pour quels autres ce ne l’est pas. On serait de nouveau en pleine spéculation. Prenons donc la parole de Jésus pour ce qu’elle affirme et posons-nous la question qui vient tout naturellement à l’esprit. Si un petit enfant se trouve tout naturellement dans le royaume de Dieu, et si devenu adulte il se trouve invité à y entrer, c’est qu’à un moment ou l’autre, il est sorti du royaume de Dieu ?
Évidemment, la doctrine du péché originel prend de plein fouet l’enseignement de Jésus pour qui, le petit enfant n’est manifestement pas condamné aux flammes éternelles pour le seul crime d’être né en ce bas-monde : ce qu’il n’a d’ailleurs demandé à personne, pas plus à Dieu qu’à ses parents ! Aussi, relisons le même récit dans l’évangile de Matthieu en acceptant – fût-ce comme une hypothèse d’école – l’idée qu’un enfant est déjà dans le royaume de Dieu, dès la naissance et même avant ! Nous verrons que cette conception est la plus naturelle et la plus cohérente avec les paroles de Jésus : bien plus que l’idée d’un nouveau-né pécheur, privé du paradis !
Matthieu 18.1-5 :
À ce moment, les disciples s’approchèrent de Jésus et dirent : Qui donc est le plus grand dans le royaume des cieux ? Alors Jésus appela un petit enfant, le plaça au milieu d’eux et dit : En vérité je vous le dis, si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. C’est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux. Et quiconque reçoit en mon nom un petit enfant comme celui-ci, me reçoit moi-même.
Prenons les choses dans l’ordre. Première remarque, l’enfant en question n’est pas un nouveau-né, puisque Jésus l’appelle pour qu’il vienne à lui. C’est donc bien un petit enfant, avec tout ce que cela implique d’espiègleries en tous genres. Or, Jésus présente l’objectif de la conversion comme étant de devenir comme ce petit enfant placé au centre du cercle de ses disciples. Voici donc clairement affirmée la nécessité de devenir comme cet enfant pour entrer dans le royaume de Dieu. Notons au passage que l’humilité de cet enfant n’en fait pas un saint. Il a certes conscience de la dépendance dans laquelle il se trouve par rapport à ses parents, mais cela ne l’empêche pas de faire des choses qui sont mal… Tout comme la conversion nous fait entrer dans la dépendance du Christ et de la rédemption, bien que nous continuions à faire le mal. Il est vrai qu’un adulte est responsable du mal qu’il fait, alors qu’un petit enfant ne l’est pas.
Mais si le but de la conversion est de nous faire entrer dans le royaume de Dieu, cela ne répond toujours pas à notre question : Quand l’enfant qui est en moi a-t-il quitté le royaume de Dieu où il se trouvait depuis sa naissance ? Aussi, continuons notre lecture.
Matthieu 18:6-9 :
Mais si quelqu’un était une occasion de chute pour un de ces petits qui croient en moi, il serait avantageux pour lui qu’on suspende à son cou une meule de moulin, et qu’on le noie au fond de la mer. Malheur au monde à cause des occasions de chute ! Car il est inévitable qu’il se produise des occasions de chute, mais malheur à l’homme par qui elles se produisent ! Si ta main ou ton pied est pour toi une occasion de chute, coupe-les et jette-les loin de toi ; mieux vaut pour toi entrer dans la vie manchot ou boiteux, que d’avoir deux pieds ou deux mains et d’être jeté dans le feu éternel. Et si ton œil est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi ; mieux vaut pour toi entrer dans la vie borgne, que d’avoir deux yeux et d’être jeté dans la géhenne de feu.
Pour l’instant, oublions ces amputations symboliques pour nous concentrer sur une question théologique essentielle : la perte du salut est-elle inhérente au seul fait de naître – voire même d’être conçu dans le sein maternel – ou est-elle un accident de parcours ? Qu’en dit Jésus ? Dans le passage précédent, il affirmait implicitement que les petits enfants sont déjà dans le royaume de Dieu. Ici, partant du principe que l’enfant a déjà entendu parler de lui, Jésus laisse entendre qu’un petit enfant n’a pas de difficulté à croire en lui : ce qui se vérifie dans nos familles chrétiennes. Par contre, Jésus va pointer du doigt deux séries de facteurs qui, très rapidement, risquent d’éloigner les enfants de lui et, plus généralement, de la foi en Dieu.
Notons que ce texte est l’un des rares passages de la Bible où la notion de péché est assimilée à une « chute » : ce n’est pas le cas pour Adam et Éve, notamment ! Pour le Seigneur, une première série d’occasions de chute relève de facteurs extérieurs à l’enfant. Il s’agit de personnes qui vont décourager l’enfant de croire en Jésus et en Dieu. Ce peut être le discours matérialiste athée d’un professeur, des copains, des médias, etc. Mais ce peut être aussi l’attitude de proches qui vivent en contradiction avec la foi chrétienne qu’ils prétendent confesser. Que ce soient des athées sans scrupules ou des chrétiens irresponsables, ces personnes vont distiller le doute dans le cœur de l’enfant qui, dès lors, se trouve en danger de ne plus faire confiance au Seigneur et de l’abandonner.
Mais Jésus relève aussi une série de facteurs de chutes qui ne sont plus extérieurs à l’enfant, mais qui lui sont propres : tels son pied, son œil, sa main… C’est-à-dire les médias d’une nature charnelle – livrée à ses instincts naturels – dans laquelle les séductions de ce monde trouvent un terrain propice à la chute. Ici encore, l’enfant va s’éloigner de Jésus et de Dieu car, comme Jacques (1.14-15) le fait remarquer, nous n’avons pas toujours besoin que quelqu’un nous fasse un croc-en-jambe pour tomber. En matière de chute, nous nous suffisons largement :
Mais chacun est tenté, parce que sa propre convoitise l’attire et le séduit. Puis la convoitise, lorsqu’elle a conçu, enfante le péché ; et le péché, parvenu à son terme, engendre la mort.
Bref ! Que ce soient des facteurs extérieurs ou intérieurs, les occasions de chute ne manquent pas… Or, paradoxe des paradoxes, Jésus nous dit tout tranquillement que
dans ce monde, il est inévitable qu’il se produise des occasions de chute.
– O.K. ! Et nous, qu’est-ce qu’on fait avec un pareil constat ? On le met en poche, notre mouchoir par-dessus, et on devient fataliste ?… Non, bien sûr ! Mais alors, plus sérieusement : Pourquoi Dieu permet-il cela ?
L’enfance perdue
Pour répondre à la question, il suffit peut-être d’inscrire notre réflexion dans l’ensemble de la Révélation biblique… et du bon sens commun. Comme on l’a dit, les enfants ne choisissent pas de naître : pas plus dans leur famille selon la chair pour être aimés de leurs parents, que dans leur famille spirituelle pour être aimés de Dieu. Par contre, si les parents ne choisissent pas toujours d’aimer leurs enfants, Dieu, pour sa part, ne manque jamais d’aimer les siens. Voyons plutôt la suite de notre texte.
Matthieu 18.10-14 :
Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car je vous dis que leurs anges dans les cieux voient continuellement la face de mon Père qui est dans les cieux. Car le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu. Qu’en pensez-vous ? Si un homme a cent brebis, et que l’une d’elles s’égare ne laisse-t-il pas les 99 autres sur les montagnes, pour aller chercher celle qui s’est égarée ? Et, s’il parvient à la retrouver, en vérité je vous le dis, il s’en réjouit plus que pour les 99 qui ne se sont pas égarées. De même, ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu’il se perde un seul de ces petits.
Comme on le sait, ce passage a donné lieu à la doctrine des « anges gardiens ». Chacun en pensera ce qu’il veut : tel n’est pas notre propos, si ce n’est pour noter que rien de ce qui arrive aux petits enfants n’échappe à l’attention de notre Père céleste. Ce qui est intéressant pour tout le monde, puisque nous avons tous été petits avant de devenir grands. Or, Jésus est catégorique sur ce point : « Ce n’est pas la volonté de votre Père qui est dans les cieux qu’il se perde un seul de ces petits. » Si donc nous nous sommes perdus en grandissant, ce n’était donc pas la volonté de Dieu ! La preuve ? Dieu a tout fait pour nous récupérer : « Le Fils de l’homme est venu sauver ce qui était perdu »… Comment ? En nous offrant de faire aujourd’hui le bon choix que nous n’avons pas fait hier !
Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu !
(Matthieu 23:37)
Dieu, en effet, ne veut pas s’imposer à l’être humain : on le voit déjà dans le récit de l’Éden. Il veut être aimé pour lui-même, librement : ce qui implique de choisir entre lui et… autre chose ! Or ce genre de choix n’est possible que chez des êtres en âge de prendre leurs responsabilités. Car ce choix implique un amour adulte, désintéressé, dont le petit enfant est en grande partie incapable, tant que son immaturité naturelle le laisse centré sur lui-même. – Soit dit en passant, dans un monde de plus en plus narcissique, cela reste le lot de pas mal d’adultes. – Quoi qu’il en soit, dans le monde des adultes, chacun est appelé à faire librement le choix d’aimer Dieu en retour de son amour manifesté en Jésus. Comme nous le savons, cette démarche se fait par la conversion à Jésus-Christ, la communion du Saint-Esprit et l’adoption par le Père.
Finalement, tout l’enseignement de Jésus est une invitation à retrouver l’enfant qui est en nous et qui s’est perdu lorsque nous avons grandi. S’il en fallait une autre preuve, Jésus nous raconte la parabole de la brebis perdue. Car, notons-le bien : avant de se perdre, cette brebis faisait bien partie du troupeau du Seigneur, de ces « petits » dont le Père ne veut voir aucun se perdre ! Aussi, comme Jésus l’a fait pour chacune et chacun d’entre nous, il lui faut lui-même aller la chercher là où elle se trouve, afin de la ramener dans son troupeau… On dit bien la « ramener », puisque c’est là qu’elle était avant de se perdre. Or, comme on l’a vu, Jésus ne fait aucune ségrégation entre les petits enfants. Cela concerne aussi bien ceux qui connaissaient Jésus avant de se convertir que ceux qui ne le connaissaient pas.
D’une certaine façon, cette dernière précision se trouve confirmée par l’attitude différente des deux frères dans la parabole dite « du fils prodigue ». L’aîné n’a jamais connu son Père, bien qu’ayant toujours vécu dans sa présence et dans le respect des règles de bonne conduite. Ne croyant pas à l’amour de son père, il ne pouvait lui faire confiance et donc avoir foi en sa grâce. Le cadet, bien qu’ayant abandonné son père et toute règle de bonne conduite, connaissait suffisamment l’amour de son père pour revenir à lui dans un esprit de repentance et confiant dans sa grâce. Ces « retrouvailles » correspondent à ce que Jésus – dans son entretien avec Nicodème – nous a présenté comme une « nouvelle naissance », indispensable pour hériter du royaume des cieux dès ici-bas.
Jean 3.3-8 :
Jésus lui répondit : En vérité, en vérité je te le dis, si un homme ne naît de nouveau il ne peut voir le royaume de Dieu. Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? Jésus lui répondit : En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : il faut que vous naissiez de nouveau. Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de quiconque est né de l’Esprit.
2 Articles pour la série :
Jésus croyait-il au péché originel chez l'enfant ?
- Jésus croyait-il au péché originel chez l’enfant ?
- Jésus croyait-il au péché originel chez l’enfant ? (2)