Denis O. Lamoureux est professeur  de science et de religion à l’Université d’Alberta. Sa nomination à ce poste est le premier cas de titularisation dans cette discipline au Canada. Il détient trois thèses d’état (dentisterie, théologie et biologie). Lamoureux soutient que, si les limites du christianisme évangélique et de la biologie évolutive sont respectées, alors les relations qu’elles entretiennent sont non seulement complémentaires mais aussi nécessaires. Il est membre du conseil de direction de l’American Scientific Affiliation du Canada et membre de l’ASA (American Scientific Affiliation).

Denis Lamoureux

 

Ceci est un extrait de Evolutionary Creation aux éditions Wipf and Stock

 

L’origine de Genèse 1-11

 

Les récits mésopotamiens et égyptiens des origines précèdent Genèse 1-11 de plusieurs siècles. Il n’est pas possible de déterminer exactement quand les motifs dans ces récits païens ont été conçus.

 

On peut distinguer les motifs majeurs

  • La création De Novo des organismes vivants, créés complètement et instantanément par les divinités.
  • L’âge idyllique perdu dans lequel les hommes vivaient sans la dure réalité de la nature.
  • Le grand déluge qui a dévasté l’humanité et laissé un très petit nombre de survivants.

 

Des motifs mineurs

  • Un état chaotique avant la création dominé par les eaux
  • La grande longévité des hommes avant le déluge
  • La mission de reconnaissance des oiseaux après le déluge
  • Les chérubins…

 

Certains de ces motifs sont incontestablement nés dans les traditions orales très tôt et  ont été mis par écrit après l’invention de l’écriture en Mésopotamie et en Egypte vers 3000 avant J.C. Les écrits de ces deux civilisations nous révèlent que ces motifs étaient bien établis dans tout le Proche Orient vers 1500 avant J.C. En d’autres termes, les concepts tels que la création De Novo, l’âge idyllique perdu, le grand déluge, etc., constituaient les paradigmes historiques de l’époque. Les similarités frappantes entre les motifs des origines mésopotamiens et égyptiens nous indiquent qu’Israël en a hérité de ses voisins. Il existe une série d’explications probables à propos de la façon dont ces motifs sont entrés dans la communauté des Hébreux, mais la détermination du processus exact est impossible. Israël a débuté en tant que peuple pré lettré et l’environnement oral a facilité la modification et le façonnement des motifs par ce peuple.

 

Abraham est venu d’Ur en Chaldée et a très certainement utilisé  des motifs mésopotamiens des origines dans une tradition hébreux orale qui contenait une alliance avec un Créateur Saint. Moïse a été élevé au milieu de la royauté égyptienne et a été exposé à beaucoup de récits anciens des origines du Proche Orient. Etant lettré, il a peut-être mis par écrit l’une des sources de Genèse 1-11. Et comme Israël se situait géographiquement entre la Mésopotamie et L’Egypte, Il a très certainement été exposé aux motifs de ces deux grandes civilisations, parce qu’à cette époque, les voyages et les échanges étaient courants. Ainsi, les motifs dans les récits des origines étaient des catégories intellectuelles répandues dans tout le Proche orient ancien quand, sous la direction de l’Esprit Saint, la tradition orale derrière Genèse 1-11 a été conçue, plus tard mise par écrit, et enfin ces sources finalement compilées ensemble.

Reconnaître que les caractéristiques anciennes derrière Genèse 1-11 a une implication significative- les chrétiens doivent apprendre à respecter ceci quand ils lisent la Bible. C’est certain, c’est contre-intuitif. Pourtant, nous faisons déjà cela avec la révélation naturelle. Par exemple, y a-t-il des chrétiens qui n’ont pas expérimenté la puissance de révélation d’un coucher de soleil ? Bien sur, c’est naturel pour eux de voir le soleil « disparaître » derrière « l’horizon ». Mais quand ils s’arrêtent et y pensent, ils savent qu’il y a là derrière une réalité physique plus profonde qui n’est qu’incidente à cette révélation non verbale de Dieu dans la nature. Le « mouvement » du soleil n’est en réalité que le résultat de la rotation de la terre, et l’aspect « plat » de l’horizon n’est due qu’à la vision étroite, parce qu’ils ne peuvent pas voir que la terre est ronde. Pourtant, alors que les croyants regardent un coucher de soleil et expérimentent ce moment divin, beaucoup pensent-ils à la réalité astronomique sous-jacente ? La connaissance des faits scientifiques derrière le phénomène nuit-elle au fait que la révélation d’un coucher de soleil déclare la gloire de Dieu ? Non.

 

De même, il est naturel de lire Genèse 1-11 comme de l’histoire littérale. La plupart des chrétiens en ont fait autant au travers des âges, et ceci a révélé leur caractère et leur relation avec Dieu. Mais il y a des réalités conceptuelles plus profondes (traditions orales, épistémologie ancienne, motifs anciens, sources écrites) dans ces premiers chapitres de la Bible qui nous montrent que ces événements ne sont pas historiques au sens moderne du terme. Tout comme la connaissance astronomique moderne, les anciennes catégories de Genèse 1-11 ne changent en aucun cas le message de foi. Au lieu de cela, une plus grande appréciation  du processus de révélation divine émerge, et ceci est analogue à la compréhension des mécanismes  réglés précisément d’un coucher de soleil. Faire comprendre aux chrétiens modernes ces réalités conceptuelles anciennes sera comparable au moment où les croyants ont pris conscience de l’astronomie de Galilée. A cette époque, il était contre intuitif d’accepter que la terre tourne, et il en est de même aujourd’hui pour croire que Genèse 1-11 ne constitue pas un « DVD » des origines de l’homme. Pourtant, l’église du 17ème siècle a fini par digérer la science de Galilée, et les chrétiens du 21ème siècle finiront par saisir le fait que cette conception ancienne de l’histoire dans les premiers chapitres de l’Ecriture n’est que secondaire.