Un résumé très détaillé de l’ouvrage d’Alfred Kuen est disponible à l’adresse suivante :
Je fais une analyse bien plus détaillée dans la rubrique discussion de livres du blog création et évolution.
https://scienceetfoi.com/series/discussion-a-propos-du-labyrinthe-des-origines-dalfred-kuen/
Alfred Kuen est un des auteurs évangéliques les plus lus et les plus prolifiques de la francophonie. Le monde évangélique reconnaît en lui un auteur doté d’une grande capacité de synthèse et d’une connaissance biblique et extrabiblique impressionnante.
La force de ce livre réside dans la diversité des thèses présentées, même si elles sont parfois contradictoires. Cela permet au lecteur de confronter un certain nombre d’opinions et d’interprétations différentes.
Les interprétations de la Genèse
Alfred Kuen met en évidence les difficultés insurmontables posées par la théorie de la restitution et par celle d’une lecture littérale d’une création en 6 jours de 24 heures il y a 6000 ans environ. Il n’adopte pas totalement l’interprétation littéraire défendue par Henri Blocher (et par les fondateurs de ce site) qui met en évidence la structure parallèle entre les trois premiers jours de la création et les trois suivants. Ainsi, constatant une correspondance relative entre l’ordre de la science et celui de Genèse 1, Alfred Kuen semble privilégier une interprétation semi concordiste et semi littéraire.
La volonté de conserver une forme de correspondance avec la science dans l’interprétation de Genèse 1 est profondément enracinée dans la culture évangélique. J’y vois pourtant plus une projection des connaissances du XXIème siècle qu’une véritable intention du texte, d’autant plus que cette correspondance n’est que partielle et que l’ordre de Genèse 2 est différent de celui de Genèse 1 avec par exemple la création des oiseaux.
Dieu a-t-il révélé par avance la connaissance scientifique à l’auteur de Genèse 1 ? Et s’il l’a fait, alors pourquoi seulement à moitié ? Ne pouvait-il pas le faire complètement ? Fallait-il attendre les connaissances du XXIème siècle pour comprendre quelle était la véritable intention de l’auteur et faire le tri entre ce qui était « vrai » scientifiquement et ce qui ne l’était pas ? L’interprétation de la Genèse est-elle conditionnée aux découvertes de la science ? Si oui, de la science de quelle époque, car la science progresse sans cesse ?
Toute l’étude de la Bible nous montre au contraire que Dieu n’a pas cherché à dépasser le niveau de connaissance scientifique des auteurs inspirés mais qu’il s’en est servi pour révéler une vérité théologique éternelle qui transcende les cultures et les peuples. Bien sur, nous pouvons affirmer bibliquement que l’univers n’est pas éternel car Dieu est le créateur de la matière et du temps. Ceci entre en résonance avec la théorie du Big Bang. Il serait pourtant audacieux de prétendre que Dieu a voulu révéler cette explosion initiale dans sa Parole. Il manque donc une comparaison détaillée entre le texte de la Genèse et les mythes babyloniens, mésopotamiens ou égyptiens qui nous permet aujourd’hui de comprendre le contexte culturel et scientifique de l’auteur et des premiers auditeurs, et en quoi la Genèse divinement inspirée se démarque et contredit le polythéisme de l’époque.
Aucune place n’est laissée pour l’ «accommodation » du Saint Esprit dans le processus d’inspiration, alors des théologiens comme Calvin l’avait reconnu.
« Ce n’a point été l’intention du Saint Esprit d’enseigner l’Astronomie…Bien que Saturne soit plus grand que la Lune, toutefois parce qu’à cause de la longue distance icelui n’apparaît pas devant les yeux, le Saint-Esprit a mieux aimé, par manière de dire, bégayer, que de fermer le moyen d’apprendre aux ignorants et aux idiots. » Calvin, Commentaire sur le Psaumes 136 .4-9
De même, Alfred Kuen n’aborde pas en détail la comparaison de la cosmologie des anciens Hébreux (terre plate avec des extrémité, un océan primitif séparé en deux masses d’eaux, celle d’en haut et d’en bas par la création du firmament le 2ème jour…) avec le texte biblique. D’autres théologiens évangéliques « conservateurs » reconnaissent pourtant que la Genèse a été écrite avec cette description (par exemple John H. Walton du Wheaton College dans The Lost World of Genesis 1 ).
La recherche d’une correspondance nécessaire entre la Bible et la science semble donc être l’une des lignes directrices de la pensée d’Alfred Kuen, ce n’est pas (plus !) la mienne.
L’âge de la terre et de l’univers
Mon passage préféré concerne l’analyse de l’âge de la terre et la réfutation des thèses du « créationnisme de la jeune terre ». Alfred Kuen est tout à fait conscient que l’on ne peut pas séparer le processus d’interprétation biblique des données de la science et que cette dernière nous aide à choisir entre plusieurs interprétations théologiquement valides. Ses connaissances en matière de physique et de géologie lui permettent d’y voir clair dans ce débat !
La critique de la théorie de l’évolution
Malheureusement, Alfred Kuen sépare artificiellement deux domaines de la science, la physique et la biologie. Je crains que ses réticences à reconnaître l’évolution biologique des espèces, et leur ascendance commune l’homme y compris, ne soient dus à des lacunes dans ce domaine. Malheureusement, comme beaucoup d’évangéliques, il n’a pas pris la pleine mesure de la puissance des preuves de l’évolution, en particulier dans le domaine génétique. C’est la grande lacune de ce livre, une analyse aussi pertinente en anatomie comparée, en biogéographie, en paléontologie et en génétique que celle qui est effectuée en géologie aurait certainement changé la ligne d’argumentation. Alfred Kuen semble très conscient des fraudes qui ont jalonnées l’histoire de la paléontologie, mais il l’est beaucoup moins des nombreux fossiles d’hominidés et d’autres espèces de transitions découvertes ces dernières années (de poissons à amphibiens, de reptiles à oiseaux, de reptiles à mammifères, de mammifères terrestres à mammifères marins…).
Comme chez beaucoup de chrétiens qui n’acceptent pas l’évolution, les preuves réelles sont sous estimées par réaction vis à vis de l’évolutionnisme matérialiste athée qui est souvent indûment associé à cette théorie. Je souscris d’ailleurs à 100% avec la dénonciation qui en est faite par M. Kuen. Certains préjugés théologiques bien compréhensibles orientent aussi sa réflexion dans ce domaine.
Conclusion
Le principal mérite du Labyrinthe des Origines d’Alfred Kuen est de faire prendre conscience de la complexité et de la diversité d’opinions dans le débat création/évolution. Le problème n’est pas celui de choisir entre la Bible et la science. La critique du créationnisme de la jeune terre est tout à fait pertinente, par contre, la critique de la théorie de l’évolution aurait requis une connaissance plus approfondie des différentes lignes de preuves INDEPENDANTES qui la soutiennent.
B. Hébert