Philippe Fleutot, journaliste chez médiapart a écrit un article intitulé : « le créationnisme : un combat politique pour une théocratie. », introduit par Louise Mailloux.
Cet article est plutôt bien informé, et on y trouve tous les arguments scientifiques et philosophiques classiques que nous partageons (cependant dans un autre état d’esprit) à propos du créationnisme « scientifique », ou plutôt des différentes formes de créationnismes : « littéralistes, concordistes, ou le dessein Intelligent (ID) ».
Nous abordons ces questions en détails dans cet article: La création, le dessein intelligent (I.D.) et l’éducation des sciences
Il y a pourtant une nouveauté dans cet article par rapport à des textes du même genre déjà parus dans la presse. Il ne s’agit plus simplement de critiquer ceux qui pensent que l’on doit faire de la Bible un livre de science ou qui pensent pouvoir démontrer scientifiquement que Dieu a créé les espèces. Il s’agit de stigmatiser ceux qui tout simplement croient que Dieu est le Créateur, et de les mettre sur le même plan que les autres. Franchement, une telle attitude laïciste sectaire, ça fait peur !
Extrait :
« – le créationnisme théiste, selon lequel Dieu a créé les lois de la nature et s’abstient d’intervenir dans sa création. Avec ce type de créationnisme, on franchit une dernière étape dans l’intégration de l’épistémologie scientifique. On accepte ici non seulement les travaux scientifiques les plus pointus, mais on va jusqu’à refuser l’idée d’un « hasard guidé », chère aux militants de l’Intelligent Design. La position est la suivante : oui, Dieu a créé le monde, car, comme l’écrivait Saint Augustin, « la Nature est ce que Dieu fait », sa beauté et sa complexité étant considérées comme un signe du divin. Mais on ne prétend pas qu’il a guidé les processus évolutionnistes. Dieu serait un « premier moteur » (Aristote), sachant qu’ensuite, le vivant aurait évolué selon ses lois propres, sans qu’il soit besoin de démontrer l’intervention, étape par étape, d’une force surnaturelle. »
J’ai déjà mentionné la position de Guillaume Lecointre, du Museum d’Histoire naturelle de Paris (un athée bien connu), ou celle d’Armand de Ricqlès du collège de France lors de leur série de conférence « Evolution ? Evolution ! », destinée notamment aux professeurs de science et vie de la terre pour les informer du phénomène créationniste en France.
Ces deux scientifiques s’accordaient sur le fait que croire en Dieu est compatible avec la démarche scientifique, à condition que l’on sépare les deux approches. Le laïcisme militant de Philippe Fleutot lui a fait franchir la ligne jaune. Ce que G. Lecointre qualifiait de « créationnisme philosophique » et plaçait à juste titre hors du champ des sciences est ici qualifié de « créationnisme théiste » et mis au même rang que les créationnismes « scientifiques » mentionnés ci-dessus.
Et les amalgames vont bon train : le fondamentalisme théologique et les évangéliques en général (les évangéliques ne sont pas tous littéralistes !!), les préservatifs (?) (les évangéliques n’ont généralement pas de problème avec la contraception), le sexe ( ???) (les évangéliques considèrent que c’est un cadeau de Dieu !),…et on va même jusqu’à accuser les évangéliques de se réjouir du sida, et on les assimilent aux « fous de Dieu »!
On voit toute l’ambiguïté et l’incohérence du discours de Philippe Fleutot dans sa conclusion. Après avoir fait de la croyance en Dieu une affirmation d’ordre scientifique (donc j’imagine que l’athéisme est aussi une position d’ordre scientifique dans son esprit?), il fait l’apologie de la science et de sa méthodologie. Des scientifiques de très haut niveau, chrétiens de confession, n’ont pas attendu ses recommandations pour pratiquer leur activité avec intégrité. On peut noter la différence de traitement entre cet article et le dernier numéro spécial de Science et Vie: « Dieu et la science ».
En reprenant à mon compte l’expression de Louise Mailloux dans son introduction : »Allons-nous laisser faire cela ? À ceux qui dorment, je leur souhaite de ne jamais se réveiller ! », l’article de Philippe Fleutot pourrait avantageusement s’intituler : » Le laïcisme: un combat politique pour une France officiellement athée. »