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L'approche de Loren Haarsma concernant la question du "péché originel"


Dans un article précédent, nous avons évoqué cinq scénarios différents tenus par des chrétiens concernant Adam et Eve, et synthétisés par Loren Haarsma en vue de son projet de réflexion concernant le péché originel, dans le cadre du programme « Evolution et foi chrétienne » de la fondation Biologos.

La table ronde du programme « évolution et foi chrétienne » au cours de laquelle Loren Haarsma (au centre en rose) propose des pistes de réflexion.

Nous rappelons simplement ces cinq scénarios, Adam et Eve ancêtres récents, ancêtres reculés, représentants récents, représentants reculés de toute l’humanité ou personnages symboliques.

D’autres auteurs comme Denis Alexander se limitent à deux scénarios : représentants de toute l’humanité (modèle de l’Homo divinus) ou personnages symboliques. D’autres encore ne retiennent qu’un seul scénario, par exemple Denis Lamoureux, Peter Enns, Daniel Harlow ou Georges Daras pour qui Adam et Eve sont des types symboliques de tout être humain.

Loren Haarsma a choisi de conserver les cinq scénarios pour son étude comparative. Il souligne lui-même qu’Adam et Eve, ancêtres récents ou non de l’humanité est un scénario en contradiction avec les données génétiques actuelles, qui par plusieurs lignes de preuves indépendantes montrent que l’humanité n’a jamais été réduite à moins de plusieurs milliers d’individus. Ce qui semble exclure d’emblée les scénarios traditionnels faisant d’Adam et Eve les ancêtres de toute l’humanité.

Le fait de garder ces scénarios permet en tout cas de voir ce qui est conservé et ce qui est rejeté dans des visions plus ou moins « traditionnelles » de cette doctrine chrétienne.

J’ai trouvé très éclairant le propos introductif de Benno Van Den Toren de l’Université d’Oxford et d’Amsterdam qui étudie le même sujet dans le cadre du projet « Evolution et Foi chrétienne ».

Il ne faut pas confondre la doctrine du péché originel qui affirme entre autre l’universalité et la gravité du péché de tous les hommes et les théories doctrinales qui sont des tentatives d’explication ou de modélisation de ces doctrines.

Les théories doctrinales sont toujours améliorables, peuvent et doivent parfois être repensées, les doctrines objets de foi quant à la révélation biblique demeurent. Le problème survient bien évidemment lorsqu’on croît défendre une doctrine alors qu’en fait on défend une théorie doctrinale particulière sans hiérarchiser les deux.

Loren Haarsma a donc livré toute une série de questions qui méritent réflexion, et qui n’auront pas la même réponse suivant que l’on adopte tel ou tel scénario.

Loren Haarsma précise bien

les choses à propos desquels tous les scénarios sont en accord : tout spécialement la centralité de l’œuvre rédemptrice du Christ dans son incarnation, sa mort et sa résurrection.

Certaines de ces questions ont déjà reçus des éléments de réponse sur ce blog et ailleurs :

 

  • « L’image de Dieu 

L’idée que l’homme soit créé à l’image de Dieu fait-il référence à notre intelligence, ou à notre relation personnelle avec Dieu, ou à notre position d’intendants de Dieu sur la Terre, ou peut-être les trois ? Comment les réponses s’accordent-elles avec chacun des cinq scénarios ?

  • L’âme humaine

Quel sont les pour et les contre d’une vision dualiste-holistique et physicaliste-non réductrice ? Comment les réponses s’accordent-elles avec chacun des cinq scénarios ?

  • Prise en compte de la révélation de Dieu dans la nature 

Comment les différents scénarios tiennent-ils théologiquement compte des preuves génétiques concernant nos origines biologiques (ancêtre commun avec les autres êtres vivants) et un goulot d’étranglement large de la population humaine.

  • La mort avant la chute

Les passages qui lient la mort et le péché font-ils référence seulement à la mort spirituelle, ou leur intention est-elle aussi d’impliquer la mort physique ? Des réponses différentes pour différents scénarios.

  • Transformation miraculeuse

En plus du fait que Dieu soutient et gouverne les lois naturelles gouvernant les processus évolutifs, en plus du fait que Dieu se soit révélé aux premiers hommes, quels sont les pour et les contre dans la supposition que Dieu ait utilisé des transformations miraculeuses à un moment précis de l’histoire humaine ? Une telle transformation miraculeuse consisterait-elle simplement à une communication de la puissance de l’Esprit Saint, ou bien aussi des transformations génétiques ou neurologiques possibles ?

  • Révélation et péché

Le « péché » est un terme théologique signifiant la désobéissance à Dieu. Quel est le type de révélation divine pour qu’un acte puisse être considéré comme péché ? Un commandement explicite qui peut être violé est-il nécessaire (« Théorie du commandement divin ») ? La révélation générale et la grâce commune sont-elles suffisantes (conscience, empathie, raison, sentiments altruistes, etc.) ? (Romains 5 :13 et Romains 2 :14 ?)

  • L’intelligence originaire

Quel était le degré d’avancement intellectuel et social des premiers hommes qui ont péché ?

  • L’innocence originaire

Pour les premiers humains qui ont péché, dans quel sens étaient-ils innocents avant de désobéir ? Leur innocence ressemblait-elle à celle des animaux, ou bien une innocence morale comme celle des enfants, ou bien l’innocence d’adultes intellectuellement et moralement matures ? Ou bien s’agissait-il d’une « innocence légale » ? L’état de justice morale pleinement accompli était-il un état potentiel que les hommes étaient appelés à atteindre, ou bien s’agissait-il d’un état dans lequel les hommes ont effectivement vécu pendant un certain temps ?

  • Un seul acte ou de multiples actes ?

Devrions-nous penser à l’état pécheur de l’humanité en tant que résultat premièrement d’un seul acte de désobéissance, ou bien une accumulation d’actes sur une période de temps ? Quelles sont les conséquences théologiques de chaque réponse ?

  • Romains 5 : Adam et Christ

Même s’il est herméneutiquement approprié de considérer l’emploi d’Adam par Paul comme symbolique, l’argument de Paul implique-t-il qu’il y ait une nécessité théologique à considérer que l’état de péché de l’humanité soit le résultat d’un « seul acte » (ou au moins quelques actes sur une courte période), plutôt qu’étalé dans le temps ?

  • Transmission de notre « statut de pécheur »

Augustin en d’autres théologiens ont écrit à propos d’une « nature pécheresse » transmise par hérédité des parents aux enfants. S’agit-il de quelque chose de biologique ? Jusqu’à quel point est-ce un statut légal devant Dieu ? Jusqu’à quel point s’agit-il d’un héritage social , un statut spirituel ? Dans les scénarios pour lesquels Adam et Eve sont les représentants des autres êtres humains, quels sont les conséquences théologiques (concernant la justice et la bonté de Dieu) de leur statut de pécheur appliqué à tous les hommes qui ne sont pas leurs descendants ?

  • Le péché des hommes était-il évitable ?

Ou bien le péché de l’homme était-il évitable en principe, mais très peu probable en pratique ? Ou bien la possibilité pour l’humanité de rester sans péché était-elle une sérieuse possibilité au-delà d’être possible simplement « en principe » ? Quelle était l’intention première de Dieu : une humanité pécheresse, ou une humanité rachetée ? Et si le péché n’était pas l’intention de Dieu, pourquoi Dieu aurait-il créé des hommes capables de pécher ?

  • La justice de Dieu, sa bonté et sa souveraineté ?

Si le péché de l’homme était inévitable, comment concilier cela avec la bonté et la justice de Dieu ? Si le péché de l’homme n’était pas inévitable, comment concilier cela avec la souveraineté de Dieu ?

  • Théories du rachat ?

Différentes théories du rachat de l’homme par Jésus-Christ s’accordent-elles préférentiellement avec certains scénarios des origines de l’homme et du péché originel ? »

Toutes ces questions montrent l’étendue du « chantier théologique » en cours…


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