L’histoire biblique du déluge est l’une des plus fascinante pour l’imagination, mais aussi l’une des plus intrigantes pour les chrétiens qui prennent l’inspiration et l’autorité de la Bible au sérieux (c’est mon cas !).

Pendant de nombreuses années, j’ai été confronté à un dilemme insoluble. D’un côté et par bien des aspects, le texte biblique semble  décrire une inondation universelle, d’un autre côté, les données scientifiques : géologiques, archéologiques ou anthropologiques disent toutes absolument le contraire. Il n’y a pas eu sur la terre d’inondation qui ait recouvert tout le globe dans les derniers millénaires. Depuis des dizaines de millénaires, l’espèce humaine est éparpillée sur presque le monde entier et n’est pas issue d’un homme (Noé) et de sa famille (ses trois fils) dont le bateau aurait échoué dans le massif du mont Ararat. Les espèces vivantes, elles aussi ont évolué à partir d’ancêtres présents depuis longtemps sur les différents continents, et pas à partir de quelques animaux présents dans l’arche de Noé…

De quoi rendre perplexe bien des auteurs évangéliques.

Ainsi, Philippe Gold Aubert dans l’un de ses tous derniers articles s’est posé cette question : d’où vient l’eau du déluge ? Sans y apporter de réponse convaincante. Extrait :

http://www.science-foi.org/questions/q34.shtml

« D’où vient l’eau du Déluge?

Pendant de nombreuses années (dans le cadre de mes messages concernant le thème Science-Foi), j’ai toujours évité le thème du déluge qui me paraissait incompréhensible sur divers points. J’aurais volontiers abandonné le problème, mais restais insatisfait, étant donné les références que Jésus et les Apôtres nous laissent dans le Nouveau Testament.

Naturellement, je me réfugiais aussi (pour me taire) sur le fait que la date étant parfaitement calculable, si on accepte totalement la date très précisée dans le texte, et si l’on croit (comme moi) à l’inspiration du Saint-Esprit dans TOUTE l’Ecriture sainte, il doit y avoir une explication scientifique contrôlable à ce « Grand Déluge d’eau » « pour détruire toute chair ayant souffle de vie… » qu’annonça Dieu à Noé, selon une décision irrévocable qu’Il prit en Lui-même, en Genèse 6:7.

Or, même après de nombreuses recherches bibliographiques en diverses sciences, je n’ai pas trouvé trace d’un grand déluge universel qui correspondrait aux dates ci-dessus. La seule catastrophe « moderne » qui aurait pu être admissible, fut l’effondrement de la Mer Noire, qui dut provoquer un « déluge » local important et voisin de la région incriminée. Mais les quantités d’eau incriminées étaient bien trop faibles pour permettre d’imaginer une pareille montée des eaux. D’autre part, l’évacuation de l’eau indiquée par le texte biblique aurait été bien plus courte que le temps indiqué.

Je me rabattais donc (de guerre lasse) sur le fait bien scientifique que de nombreux déluges aient existé durant des millions d’années antérieures à l’homme, dont les souvenirs figurent historiquement dans de multiples traditions religieuses ou populaires, bien homologuées. En admettant alors, soit un déluge général particulièrement vaste parmi ceux-ci, ou partiel sur tout le Proche-Orient, on pouvait admettre l’immensité du phénomène, à condition qu’il ne se soit agi que d’un phénomène local de durée bien délimitée.

Mais, outre le fait qu’aucune date n’existe comportant UN déluge à cette époque en paléontologie, personne ne peut expliquer comment une si considérable quantité d’eau aurait pu recouvrir toute la Terre à cette époque.

Conclusion : Le dossier reste ouvert »

De même, Alfred Kuen dans son Encyclopédie des difficultés bibliques (p. 121) consacrée au Pentateuque ne semble pas savoir conclure après avoir présenté les arguments en faveur d’un déluge universel, et d’un déluge local.

« Telle est la grande question qui divise les évangéliques. De chaque côté, on peut aligner des arguments péremptoires. »

Qui croire, que penser ? Avoir foi en Dieu, ce n’est pas croire en même temps deux choses contradictoires ! Même si on peut vivre sa foi sans avoir de réponse à ce type d’interrogation, existe-t-il une solution qui réconcilie les données de la science et la foi dans la Parole de Dieu ?

Après bien des années de lecture, je me suis aperçu que plusieurs théologiens et/ou scientifiques évangéliques avaient fini par élaborer une solution qui m’a paru satisfaisante, même si elle bouleversait quelques unes de mes conceptions dans la lecture Genèse 1-11, notamment en matière de concordisme scientifique et historique (c’est-à-dire dans la recherche d’une correspondance entre la Bible et la science). La clé qui me manquait, et qui manque à la plupart des interprètes évangéliques dans l’étude de ce passage est le fameux principe d’ « accomodation » en matière d’inspiration. Cette solution est celle qui a été présentée très succinctement dans les trois articles de Paul Seely que nous avons déjà publiés, c’est aussi celle développée par Denis Lamoureux dans Evolutionary Creation.

L’enjeu de ce débat est très important, puisque toute la construction des créationnistes de la jeune terre repose sur l’importance qu’ils donnent au déluge pour interpréter le paysage géologique actuel. Dans un prochain article, nous nous poserons la question suivante :

Pourquoi certains croyants affirment-ils que le déluge de Noé a forcément été universel ?