France 5 a diffusé à plusieurs reprises ces derniers jours un documentaire remarquable dans sa conception et sa réalisation : « Il était une fois le cosmos ». Peut-être avez-vous eu l’occasion de profiter des images magnifiques et d’entendre ce grand physicien nous raconter la naissance et la mort des étoiles, la formation et la disparition annoncée de la terre et du soleil…Il semble pourtant que Stephen Hawking  ait voulu nous faire partager ses convictions métaphysiques à propos de l’existence d’un créateur. Pour lui, l’univers n’a pas besoin de Dieu parce qu’il s’est fait tout seul. Stephen Hawking est aussi  partisan de la théorie des multivers (non testable comme l’existence du créateur).  Ce n’est bien entendu plus de la science, et comme d’habitude, les voix sont beaucoup moins nombreuses pour « dénoncer »  cette intrusion d’un athéisme militant dans le discours scientifique sur le service public (!) qu’elles ne le sont pour « dénoncer » les déclarations de foi de scientifiques qui croient en l’existence de Dieu (cf les frères Bogdanov).  

Les idées de Stephen Hawking à propos de la non nécessité du créateur étaient déjà exprimées dans son dernier livre « Le grand dessein ». Il y déclare que la science a rendu obsolète la nécessité d’un créateur : « Parce qu’il existe une loi telle que la gravité, l’univers peut et s’est créé à partir de rien. La création spontanée est la raison pour laquelle il y a quelque chose plutôt que rien, pourquoi l’univers existe, pourquoi nous existons. »

Voici la brève synthèse des réponses apportées par Philip Clayton (théologien) et Alister Mc Grath (professeur au King’s College de Londres), synthèse effectuée par l’équipe éditoriale de la fondation BioLogos. 

 

Philip Clayton

 

Dans son essai « Stephen Hawking a-t-il raison à propos du créateur ? » publié dans le Huffington Post, Clayton envisage quatre réponses possibles à l’affirmation que la physique moderne a écarté la nécessité du créateur :

  • Les partisans du Nouvel athéisme ont raison ; Hawking a asséné le coup de grâce à la place de Dieu dans la réalité physique.

 

  • Dieu a effectivement une place dans les hypothèses en physique et est nécessaire pour expliquer l’ajustement précis » (fine tuning) des constantes physiques et la régularités des lois naturelles. Plus nous étudions la physique, plus nous avons de preuves de l’existence de Dieu.

 

  • La science ne devrait pas se limiter à envisager certaines questions, et la physique ne devrait pas être contrainte par la théologie. La science ne peut pas commenter l’intention divine de créer, elle ne peut être qu’en faveur du principe anthropique faible, mais pas le principe « anthropique fort » (l’univers a été conçu pour produire la vie).

 

  • Quatrième réponse possible : la science rend difficiles les conclusions à propos de Dieu, mais elle n’a pas rendu Dieu superflu. La démarche scientifique ne devrait pas être bloquée par la religion, mais les scientifiques n’ont pas supprimé la place pour le mystère et l’inconnu. Alors que la science progresse, comme le décrit Hawking, et plus cela nous montre tout ce que nous ne savons pas.

 

La quatrième option a notre préférence, c’est aussi celle choisie par Clayton. Voici sa conclusion :

Mais ici le grand physicien va au-delà de son domaine (en affirmant que la science a chassé toute notion de Dieu). Lorsque les croyants utilisent des affirmations à propos de Dieu pour court-circuiter la science, ils agissent d’une mauvaise façon. Mais aucun conflit ne se produit quand nous reconnaissons que les grands mystères sont au-delà des limites de la science. C’est là que la foi à son origine, au-delà de frontières de la démonstration empirique. Déclarer que cette région est vide de divin est un acte de foi du même ordre que d’y trouver Dieu.

 

 

Alister McGrath

 

McGrath débute son essai “Stephen Hawking, Dieu, et le rôle de la Science”  avec l’affirmation que la science n’est ni athée ni théiste, bien qu’elle puisse être interprétée à la fois de manière religieuse et anti-religieuse. Il cite l’exemple de Richard Dawkins comme quelqu’un qui brandit la science comme une arme contre la foi. Mais il cite aussi en contre-exemple Francis Collins, qui argumente sur le fait que la foi en Dieu donne plus de sens à la science que l’athéisme.

En ce qui concerne les arguments d’Hawking, McGrath écrit que celui-ci a confondu les lois avec la notion d’agent de ces lois. Les lois, remarque McGrath, ne créent rien ; elles ne font que décrire ce qui se passe. Il illustre son propos avec l’exemple de la Joconde pour montrer qu’alors que les lois physiques peuvent expliquer comment le tableau est apparue, elles ne peuvent pas nous amener à partir des équations à écrire que Léonard De Vinci n’ était pas l’auteur nécessaire de ce tableau.

De plus, McGrath remarque que d’impliquer qu’il n’y a pas besoin d’un créateur parce que les lois physiques existent ne fait que repousser la question de Dieu d’un cran, et de se demander si l’origine des lois physiques existe encore.

Finalement, McGrath écrit que les affirmations d’Hawking à propos de Dieu débordent les limites de la science :

Le grand supporter de Darwin: Thomas H. Huxley (1825-1895) a fait une déclaration célèbre en affirmant que la science “commet un suicide lorsqu’elle adopte un credo. » Huxley avait raison. Si la science se laisse kidnapper par les fondamentalistes, religieux ou anti-religieux, son intégrité intellectuelle est subvertie et son autorité culturelle est compromise.

C’est l’une des raisons pour lesquelles tant de scientifiques sont troublés par l’agenda du Nouvel athéisme. Ils voient ce programme comme compromettant pour l’intégrité de la science, la prenant en otage pour servir les buts d’une croisade anti-religieuse.