Résumé
De manière regrettable, les athées mais aussi de nombreux chrétiens évangéliques ont dressé un portrait sombre et sinistre des implications religieuses de la théorie darwinienne de l’évolution. Cela a conduit à un mythe culturel qui fait de Darwin l’un des apôtres modernes de l’athéisme. Pourtant, les écrits historiques originaux révèlent que Darwin a eu des réflexions théologiques complexes tout au long de sa carrière. Il a ainsi réfléchi aux thèmes religieux de la conception intelligente de la nature, du problème de la douleur et de la souveraineté de Dieu sur le monde. Les réflexions théologiques de Charles Darwin sont précieuses pour comprendre les défis que l’évolution biologique présente à la foi chrétienne.
Un aperçu des réflexions théologiques de Charles Darwin
Dans son célèbre best-seller L’horloger aveugle (1986), l’inimitable Richard Dawkins écrit :
« Je ne pourrais pas imaginer être un athée avant 1859, lorsque Darwin a fait publier L’origine des espèces. […] Darwin a rendu possible le fait d’être un athée intellectuellement comblé. »1
Aujourd’hui, les sceptiques et beaucoup de chrétiens évangéliques rejoignent le point de vue de Dawkins en affirmant que le père de la théorie de l’évolution biologique est aussi le père de l’athéisme moderne.2 Toutefois, est-ce vraiment le cas ? Le fait d’associer Darwin et athéisme ne serait-il pas plutôt un mythe culturel populaire, aujourd’hui largement répandu dans notre société ?
Cet article résume les principales croyances religieuses de Charles Darwin et met en lumière, à travers les écrits historiques originaux, ses réflexions théologiques sur sa théorie de l’évolution. Non seulement Darwin apporta à la science une compréhension théorique brillante des origines de la vie mais, à la surprise de beaucoup, ses pensées concernant les implications religieuses de sa théorie sont profondes et apportent un éclairage précieux à la théologie.
Les premières années (1809-1831)
Charles Darwin naît le 12 février 1809 et grandit en Angleterre dans un environnement confortable, au milieu de diverses croyances religieuses et philosophiques.3 Son père Robert, médecin, est un « libre penseur en matière d’affaires religieuses » et n’est, au mieux, anglican « que de nom ».4 La mère de Darwin, Susannah, est issue d’une famille unitarienne fervente et amène ses enfants à l’église. Malheureusement, elle meurt alors que Darwin n’a que huit ans. Ses grandes sœurs contribuent ensuite largement à son éducation et l’amènent à l’église anglicane.5 Darwin effectue sa scolarité dans une école anglicane et, dans son autobiographie, il fera référence à ses croyances religieuses d’alors, qui sont typiques de celles d’un enfant :
Je me rappelle que, durant mes premières années d’école [1818-1825], je devais souvent courir très vite pour arriver à l’heure et que je pouvais en général compter sur mes capacités à courir lestement. Mais quand, dans le doute, je priais sincèrement Dieu pour qu’Il m’aide, je me rappelle très bien que j’attribuais mon succès à mes prières plutôt qu’à ma course rapide, et j’étais impressionné de la manière dont Dieu m’avait aidé. 6
Au cours de son adolescence, Darwin lit le livre de son grand-père Erasmus, Zoonomia ou Laws of Organic Life (1794-1796), qui présente un Dieu impersonnel créant la vie à travers un processus évolutif.7 Darwin écrit plus tard que, sur le moment, la lecture de ce livre n’a eu que peu d’effet sur lui, mais il reconnaît qu’elle a ouvert la voie à une sérieuse réflexion sur les origines de la vie.
Après avoir renoncé à ses études de médecine à Edimbourg, Darwin entre en 1828 au Christ College de Cambridge pour étudier la théologie. Son père soulignera que Darwin a fait ce choix pour des raisons plus pratiques que religieuses. Le père de Darwin reconnaît que son fils manque d’orientation et que, par ce choix, il pourra au moins recevoir une éducation qui sied à un jeune gentleman britannique. Apparemment, Charles n’a pas une foi passionnée à ce moment-là, même s’il écrira :
A cette époque, je ne doutais pas le moins du monde de la vérité littérale stricte de chaque mot de la Bible. 8
Darwin achève ses études de théologie en 1831, mais décide de ne pas entrer dans les ordres. Cependant, son éducation à Cambridge lui donne un but. Il tombe amoureux de la science. Sa vision des origines de la vie est typiquement celle du début du XIXème siècle. Il reconnait que la Terre est vieille même si, à cette époque, on explique encore en géologie de nombreux aspects de la surface terrestre (par exemple les lits de gravier, les blocs erratiques, etc.) par des inondations catastrophiques. Darwin est également un partisan du créationnisme progressif9 : il croit que les espèces sont immuables et il maintient que Dieu est intervenu directement pour créer la vie, à différents moments des temps géologiques.
La vision de la nature de Darwin est plus précisément imprégnée de l’œuvre du théologien naturaliste britannique William Paley. Les livres de Paley Evidences of Christianity (Les preuves du Christianisme, 1794) et Natural Theology (Théologie naturelle, 1802) sont des lectures obligatoires à Cambridge au début du XIXème siècle, et Darwin confessera que l’étude attentive de ces travaux a été la seule partie de son cursus académique qui s’est révélée de quelque utilité pour l’éducation de son esprit. Bien connu pour son argument de l’horloger10, Paley soutient que l’univers présente les caractéristiques suivantes :
1 L’expression d’une conception intelligente11 – la beauté, la complexité et le fonctionnalité de la nature ont pour signification ultime de refléter l’esprit du Créateur ;
2 L’adaptation parfaite – chaque détail et tout détail de la création est parfaitement adapté à sa fonction ;
3 La bienveillance – la création est très bonne. Avec un regard rétrospectif sur sa carrière, Darwin reconnaîtra en 1871 :
Je ne me préoccupais pas à cette époque des prémisses de Paley ; m’y fiant d’emblée, j’étais charmé et convaincu par la longue chaîne de son argumentation […] Je n’étais pas capable d’aller contre la croyance que chaque espèce avait été créée pour un but ; et cela me fit tacitement supposer que chaque détail de structure, à l’exception des détails rudimentaires, avait un rôle particulier, même s’il n’est pas toujours connu. 12
Il est important d’insister sur le fait que la vision de la conception intelligente par Paley est statique et que les prémisses de Paley sont confondues en une seule notion, celle de la parfaite adaptabilité. Cela veut dire que chaque détail et tout détail de la création a été conçu dans un but précis, à l’exception des structures rudimentaires comme les glandes mammaires des mâles de mammifères. Par conséquent, cette vision des choses ne laisse aucune place à des structures ou à des créatures mal adaptées, en particulier celles qui évoluent, dans une création de Dieu bonne et parfaitement ordonnée.
Le voyage de l’HMS Beagle (1831-1836)
Darwin embarque à bord de l’HMS Beagle le 27 décembre 1831 avec ces postulats à propos de la nature. Dans son Autobiographie, il se souviendra qu’il est également parti avec ses croyances chrétiennes :
Alors que j’étais à bord du Beagle, j’étais un pratiquant traditionnel authentique et je me rappelle que plusieurs officiers (bien qu’eux-mêmes pratiquants) riaient de bon cœur à chaque fois que je présentais la Bible comme un livre d’une autorité incontestable pour ce qui concerne nombre de questions morales. Je suppose que c’était la nouveauté de l’argument qui les amusait. 13
Mais ce qui contribuera plus significativement au développement de la science darwinienne, c’est le fait que Darwin embarque avec le premier volume de l’ouvrage nouvellement publié de Charles Lyell, Principles of Geology (Principes de géologie, 1830-1833), ouvrage qui jeta les bases de la géologie moderne. Peu après son arrivée en Amérique du Sud, la découverte de cette région le fait accepter pleinement le principe géologique d’uniformité. Darwin s’en vante ainsi : « Je suis fier de me rappeler que mes premières observations géologiques, à St Jago, dans l’archipel du Cap Vert, m’avaient convaincu de l’infinie supériorité de la vision de Lyell sur celle de n’importe quel autre travail reconnu que je connaissais. »14
Cependant, Darwin n’étend pas ce principe d’uniformité à la biologie. A la fin de son voyage, il est encore anti-évolutionniste et, d’une manière parfaitement paleyenne, il argumente que l’évolution est « une supposition en contradiction avec la valeur adaptative actuelle établie par l’Auteur de la Nature. »15 Neuf mois après son retour en Angleterre, Darwin est toujours un créationniste progressif. Il écrit :
Une main a sûrement façonné l’univers. Un géologue suggérerait que les périodes de création ont été séparées et éloignées les unes des autres ; que le Créateur s’est reposé pendant son
travail. 16
Dans ses dernières notes du Journal du Beagle, Darwin accepte de manière évidente l’idée d’une conception intelligente :
Parmi les scènes qui sont fortement imprimées dans mon esprit, aucune ne dépasse le caractère sublime des forêts primitives [brésiliennes] […] qui sont des temples remplis des productions variées du Dieu de la Nature. Personne ne peut rester insensible à ces cathédrales de solitude, sans avoir l’impression qu’il y a plus dans l’Homme que le seul souffle de son corps. 17
Tout au long de son voyage célèbre, Darwin croit en un Créateur. Non seulement la nature le marque profondément en reflétant le dessein du Créateur, mais pour Darwin, ce Dieu est intervenu à différents moments de l’histoire géologique pour créer la vie.
Première période de réflexion religieuse (1836-1839)
L’HMS Beagle amarre le 2 octobre 1836 à Falmouth, en Angleterre, après un voyage de cinq ans autour du monde. Durant les quelques années qui suivent, Darwin entre dans sa première période d’intense réflexion théologique, comme il le dira lui-même :
J’ai été amené à réfléchir beaucoup au sujet de la religion. 18
C’est également à cette période qu’il formule sa théorie de l’évolution biologique. Sa théorie a bien sûr des implications religieuses significatives, et Darwin les reconnait. C’est à ce moment-là qu’il rejette toute sa foi chrétienne. En considérant l’Ancien Testament, il écrit :
J’ai progressivement vu l’Ancien Testament comme une histoire du monde manifestement fausse, avec la Tour de Babel, l’arc-en-ciel comme un signe, etc., etc., et, comme il attribue à Dieu les sentiments d’un tyran vengeur, je ne pouvais pas lui faire davantage confiance que dans les livres sacrés des Hindous ou de n’importe quel barbare. 19
Avec une compréhension croissante de la régularité des processus naturels, Darwin abandonne également le Nouveau Testament et ses miracles. De manière très terre-à-terre, il raisonne ainsi :
Plus nous connaissons les lois immuables de la nature, plus il devient difficile de croire aux miracles […] les gens de cette époque [premier siècle] étaient ignorants et crédules à un degré presque incompréhensible par nous. 20
En concluant avec cette période, Darwin confesse :
J’ai finalement rejeté le christianisme en tant que vérité révélée. 21
Bien que Darwin rejette le Dieu personnel du christianisme, il continue de croire fermement en un
Créateur. Plus précisément, il abandonne le théisme pour embrasser le déisme.22 A la fin des années 1830, Darwin jette les bases d’une théorie sur les origines de la vie, en y incluant l’humanité, qui ne fait pas appel aux interventions divines catastrophiques de la création progressive. Il fonde entièrement son modèle sur les lois providentielles de la nature.23 Autrement dit, il voit Dieu créant les organismes vivants à travers des processus physiques. Des extraits de ses carnets de notes scientifiques révèlent cette différence dans l’action de Dieu :
« Jadis, les astronomes auraient pu dire que Dieu a mis chaque planète en mouvement sur son orbite, chacune selon sa destinée particulière – De la même manière que Dieu placerait chaque animal avec sa forme spécifique dans un certain territoire. Mais combien il serait plus simple et sublime [de] pouvoir laisser l’attraction agir selon une certaine loi et, par voie de conséquence inévitable, de laisser les animaux être créés par les lois immuables de la reproduction. […] L’Homme, dans son arrogance, pense de lui-même qu’il est une grande création digne de l’intervention directe d’un Dieu mais, plus humblement, je crois qu’il est plus juste de considérer qu’il a été créé à partir des animaux. »24
A cette époque, Darwin commence également à poser les fondements de la psychologie évolutive et il intègre cette théorie dans un cadre théologique. Il avance ainsi qu’un « philosophe » (comprenez un philosophe de la nature ou, mieux, un « scientiste ») ferait erreur s’il « affirmait que la connaissance innée d’un Créateur a été implantée en nous (individuellement ou dans une race ?) par un acte indépendant de Dieu, et non pas comme une conséquence nécessaire et intégrale de ses lois magnifiques, que nous profanons en pensant qu’elles ne sont pas capables de produire tout autour de nous. »25 Selon Darwin, ne pas reconnaître le « pouvoir sublime » de Dieu et « les inévitables conséquences » de ses « lois magnifiques » d’évolution, c’est profaner le Créateur. Clairement, la première formulation de la théorie de l’évolution n’est pas athée.
L’origine des espèces (1859)
A la fin des années 1830, Darwin griffonne dans ses carnets de notes scientifiques une théorie déiste de l’évolution. Mais il mettra vingt ans à synthétiser l’ensemble de ses notes et rendre sa pensée sur l’origine des espèces publique, et il faudra attendre douze années supplémentaires pour que l’Angleterre victorienne lise que l’humanité a également été créée par l’évolution.26 En novembre 1959, L’origine des espèces est publiée, et les 1250 premiers exemplaires sont rapidement vendus.
De manière explicite, l’ouvrage fait sept fois référence au « Créateur ».27 Fermement opposé à la science de l’époque (création progressive), Darwin défend :
Parmi les auteurs les plus éminents, certains semblent être satisfaits de l’idée que toutes les espèces ont été créées séparément. Dans mon esprit, il s’accorde mieux avec ce que nous savons des lois imposées à la matière par le Créateur, que la production et l’extinction des espèces passées et présentes soient dues à des causes secondes comme celles déterminant la naissance et la mort des individus. 28
Clairement, Darwin rejette dans ce passage l’idée d’un Dieu interventionniste et accepte l’idée d’un Dieu qui agit de manière providentielle.29 Dieu crée la vie aussi bien dans l’utérus que sur la Terre, par les lois naturelles qu’Il a établies. En d’autres termes, Darwin voit dans son célèbre travail de 1859 l’évolution de manière téléologique.30 Ce processus naturel a un but et une finalité ultime : il est planifié par Dieu et il poursuit un but. Ainsi, Darwin ne partageait pas la vision actuelle répandue de l’évolution (athée / non téléologique), à savoir celle d’un processus conduit purement et simplement par le hasard et une nécessité irrationnelle.
La place de Dieu dans le processus évolutif apparaît mieux dans la dernière phrase bien connue de L’origine des espèces :
Il y a de la grandeur dans cette vision de la vie avec cette puissance initialement insufflée dans quelques formes de vie ou une seule ; et dans le fait qu’alors que cette planète continuait son cycle de rotation selon la loi fixée par la gravité, à partir d’un début si simple, des formes infiniment belles et magnifiques ont évolué et évoluent encore. 31
Ce même passage est encore plus explicite dans la deuxième édition de L’origine des espèces de 1860, et jusque dans la sixième et dernière édition de 1872, dans laquelle Darwin inclut cette modification : « initialement insufflée par le Créateur. »32 De manière intéressante, Darwin ne reconnaît pas, pour une raison ou pour une autre, son recours à un Dieu interventionniste pour expliquer l’origine des quelques premières formes de vie ou de la première.33 Mais les lois de l’évolution sont indiscutablement les lois de Dieu, et il y a même une indication de leur caractère révélé dans le fait que le monde créé a de la « grandeur », puisque la vie est « infiniment belle et magnifique. » Par conséquent, le fait d’associer l’œuvre de Darwin à une vision athée des origines est un mythe regrettable qui a pris racine dans notre société moderne et dans le milieu évangélique. Ceux qui ont véritablement lu le célèbre livre savent qu’une telle croyance n’est pas conforme au texte historique.34
Seconde période de réflexion religieuse (1860-1861)
Peu après la publication de L’origine des espèces, Darwin entre dans une seconde période d’intense réflexion théologique. Les collègues avec qui il travaille ont soulevé d’importantes questions, et il aborde directement les thèmes religieux de la conception intelligente de la nature, du problème de la douleur et de la souveraineté de Dieu.
Concernant la conception intelligente, Darwin échange une série de lettres avec le botaniste de
Harvard Asa Gray, qui est l’un des premiers chrétiens à promouvoir l’évolution en Amérique.35 Dans une lettre de 1860 adressée à Gray, l’affrontement entre les prémisses de Paley et la théorie de l’évolution commence. Darwin écrit :
En ce qui concerne la vision théologique de la question, c’est toujours quelque chose de douloureux pour moi. Je suis perplexe. Je n’ai eu aucune intention d’écrire de manière athée. Mais, j’avoue que je n’arrive pas à voir aussi clairement que les autres, et comme je voudrais le faire, la preuve de la conception intelligente et de la bienveillance dans tout ce qui nous entoure. […] D’un autre coté, je ne peux me contenter de voir ce merveilleux univers, et en particulier la nature humaine, et conclure que tout est le résultat d’une force brute. […] Cela me fait de la peine de dire que je ne peux malheureusement pas aller aussi loin que vous concernant la conception intelligente. Je suis conscient que je suis dans une confusion totalement désespérée. Je ne peux penser que le monde, comme nous le voyons, soit le résultat du hasard ; et, cependant, je n’arrive pas à regarder chaque chose séparée comme le résultat d’une conception intelligente. […] Une fois de plus, je suis et resterai encore dans une confusion désespérée. 36
Le plus important ici est de noter que Darwin n’est clairement pas athée à ce moment de sa carrière. Bien sûr, quand il écrit « les preuves d’une conception intelligente […] dans tout ce qui nous entoure » et « chaque chose séparée comme le résultat d’une conception intelligente », c’est William Paley qui parle à travers lui. Sa confusion, sa peine et sa perplexité sur la question de la conception intelligente peuvent se comprendre à la lumière des prémisses de Paley qui ont été ancrées dans son esprit durant son éducation à Cambridge.
D’un coté, la théorie darwinienne de l’évolution renverse les arguments de Paley de la perfection et de l’adaptation statique de chaque chose, dans chaque coin de l’univers. Pour cette raison, la dynamique du processus évolutif s’oppose par définition au monde paleyen parfaitement conçu. Comme Darwin l’écrira plus tard : « Le vieil argument d’une conception intelligente dans la nature, tel que Paley le concevait et qui me paraissait dans un premier temps si concluant, tombe maintenant que la loi de la sélection naturelle a été découverte. »37 D’un autre coté cependant, Darwin continue d’expérimenter en tant que scientifique l’impact de la beauté, la complexité et la fonctionnalité de la nature ; et il ressent ce que la plupart des gens perçoivent : il y a derrière le monde une sorte de réalité téléologique, comme un Dieu ou une force suprême.38 En d’autres termes, Darwin est partagé entre sa compréhension paleyenne de la conception intelligente et son expérience du dessein dans la nature.39 Bien sûr, c’est toujours plus facile de voir les choses a posteriori, et on peut se demander pourquoi Darwin n’envisage pas sérieusement une vision de la conception intelligente qui ne serait pas étouffée par la vision paleyenne stricte du dessein, dans chaque détail de l’univers.40
Darwin s’attaque également au plus grand défit du théisme : le problème de la douleur. Ce problème peut s’énoncer ainsi en quelques mots : pourquoi un Dieu personnel tout puissant et qui aime chaque individu permettrait la souffrance dans le monde ? Dans la même lettre de 1860 adressée à Gray, il se plaint :
Mais, j’avoue que je n’arrive pas à voir aussi clairement que les autres, et comme je voudrais le faire, la preuve de la conception intelligente et de la bienveillance dans tout ce qui nous entoure. Il y a pour moi trop de malheur dans le monde. Je n’arrive pas à me persuader qu’un Dieu bienveillant et omnipotent pourrait avoir conçu les Ichneumonidés avec l’intention délibérée qu’ils se nourrissent du corps de chenilles, ou qu’un chat devrait jouer avec les souris. 41
Une fois de plus, une prémisse paleyenne apparaît ici : la bienveillance est partout dans la nature. La plupart des gens sentent le poids de la plainte de Darwin. Pourquoi un Dieu personnel laisserait-il une guêpe Ichneumonidé pondre ses œufs dans une chenille, et alors qu’ils se développent lentement, leur permettrait-il de se nourrir des organes internes de l’hôte jusqu’à sa mort ?
Dans une précédente lettre qu’il adressa à J. D. Hooker, Darwin est encore plus explicite concernant l’absence de bienveillance dans le monde vivant. Il écrit : « Quel livre un aumônier du diable écrirait au sujet des travaux d’une nature maladroite, gaspilleuse […] et affreusement cruelle ! »42 Sur le plan personnel, Darwin est également intimement familier à la douleur. Peu après son voyage à bord de l’HMS Beagle, il contracte une maladie qui le fera souffrir d’accès de nausées, de vomissements, d’étourdissements, de douleurs de poitrine et de palpitations jusqu’à la fin de sa vie.43 De plus, de nombreux spécialistes modernes de Darwin pensent que la souffrance et éventuellement la mort de sa fille bien-aimée Annie à l’âge de 10 ans, en 1851, ont profondément traumatisé le célèbre naturaliste britannique.44 A vrai dire, la nature n’est pas du tout comme Paley l’avait envisagée, et ce n’est que très tard dans sa vie que Darwin viendra à bout du problème de la douleur subie par les créatures vivantes.
Enfin, Darwin s’attaque à la question de la souveraineté de Dieu sur le monde durant sa seconde période d’intense réflexion religieuse. Dans une lettre adressée à Charles Lyell, il écrit :
« Le point de vue selon lequel chaque variation a été arrangée de manière providentielle rend, me semble-t-il, la sélection naturelle superflue et place, à vrai dire, tous les cas d’apparition de nouvelles espèces en dehors du champ d’investigation de la science. […] Il me semble que les variations dans les conditions de domestication ou naturelles sont dues à des causes inconnues, qu’elles sont sans but et par conséquent accidentelles ; et qu’elles deviennent déterminées seulement quand elles sont sélectionnées par l’homme pour son plaisir ou par ce que l’on appelle la sélection naturelle dans la lutte pour la survie, sous certaines conditions. Je ne voulais pas dire que Dieu ne pouvait pas prévoir tout ce qui s’ensuivrait ; mais c’est ici de très près le même type de fichu imbroglio que celui qui existe entre le libre arbitre et la prédestination. »45
L’idée paleyenne de parfaite adaptation apparaît encore dans la pensée de Darwin. Mais, de manière significative, un élément non téléologique est clairement développé dans sa compréhension de l’évolution à ce moment de sa vie. Il considère que les variations biologiques « sont sans but et par conséquent accidentelles. » Cependant, il n’a pas une vision du monde entièrement non téléologique. Il continue de croire en l’existence d’un Dieu, et sa compréhension de la souveraineté divine est sophistiquée. De manière ultime, un Créateur prévoyant règne sur le processus évolutif.46
La variation des animaux et des plantes (1868) et La filiation de l’Homme (1871)
De nombreuses idées théologiques exprimées par Darwin dans sa correspondance privée durant sa seconde période d’intense réflexion religieuse deviendront plus tard publiques dans deux de ses plus importants livres scientifiques. Dans les dernières pages de son livre La variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication (1868), il reste encore influencé par ses idées paleyennes sur la nature, mais il en vient à une résolution difficile de la question théologique en employant son argument de la prévoyance divine. Dans les dernières phrases de son travail scientifique, il conclut :
Si nous assumons que chaque variation particulière était préméditée dès la nuit des temps, alors cette plasticité d’organisation qui se traduit aussi bien par des déviations de structure préjudiciables que par leur pouvoir de reproduction inutile, conduisant inévitablement à la lutte pour l’existence et, par voie de conséquence, à la sélection naturelle ou à la survie des plus adaptés, devrait nous apparaître comme une loi de la nature superflue. D’un autre coté, un Créateur omnipotent et omniscient amène chaque chose à l’existence et prévoit tout. Nous sommes ainsi conduits à un face à face dont le niveau de difficulté est aussi insoluble que celui qui existe entre le libre arbitre et la prédestination. 47
Clairement, Darwin croit toujours en l’existence d’un « Créateur » qui est à la fois « omnipotent et omniscient. » Cependant, il reconnait dans sa théorie évolutive certains aspects (« les déviations préjudiciables », « la reproduction inutile », « la sélection naturelle » et « la survie des plus adaptés ») qui semblent aller contre l’idée d’un monde créé par Dieu. Avec finesse, Darwin trouve dans le mystère de la souveraineté de Dieu un soulagement au défi de la douleur dans la nature.48
Dans La filiation de l’Homme (1871), Darwin révèle enfin à l’Angleterre victorienne que l’humanité fait partie de sa théorie évolutive. Comme je l’ai noté précédemment, l’évolution humaine fait partie intégrante de sa science depuis les premiers carnets de notes à la fin des années 1830. Par cette remarque seulement, nous comprenons que Darwin cache ce sujet dans son célèbre ouvrage L’origine des espèces :
Dans un futur lointain, je vois une porte ouverte pour des recherches beaucoup plus importantes. La psychologie sera basée sur un nouveau fondement, celui de l’acquisition nécessaire et graduelle de chaque puissance mentale et chaque capacité. La lumière sera faite sur l’origine de l’homme et sur son histoire. 49
La filiation de l’homme ouvre la porte à une théorie de la psychologie évolutive, qui inclut l’évolution de la croyance religieuse.50 Tout en anticipant les critiques des autorités religieuses d’alors, Darwin soutient son point de vue ainsi :
Je suis conscient que les conclusions auxquelles je suis arrivé dans ce travail, seront dénoncées par certains comme hautement irréligieuses ; mais celui que les dénonce se doit de montrer pourquoi il est plus irréligieux d’expliquer l’origine de l’homme en tant qu’espèce distincte descendant d’une forme plus primitive, à travers les lois de la variation et de la sélection naturelle, plutôt que d’expliquer la naissance des individus à travers les lois ordinaires de la reproduction. La naissance des espèces et la naissance des individus font partie, de manière égale, d’une série merveilleuse d’événements que nos esprits refusent d’accepter qu’ils soient le résultat d’un hasard aveugle. 51
Incontestablement, Darwin ne voit ni de manière athée ni de manière non téléologique l’évolution du genre humain. Pour cette raison, ce passage pourrait être interprété comme un argument en faveur d’une conception intelligente. Les processus embryologiques et évolutifs donnent une image « merveilleuse » de la nature tout en pointant de manière ultime leur Créateur.
L’Autobiographiede Charles Darwin (1876)
Les points de vue théologiques matures de Darwin apparaissent dans son Autobiographie (1876), dans une section intitulée « Croyance religieuse ». Il apporte lui-même des arguments et des contre arguments en faveur de l’existence de Dieu, et il les examine à la lumière de la théorie de l’évolution. En commençant par le problème de la souffrance, Darwin argumente :
Un être aussi puissant et aussi rempli de connaissances qu’un Dieu capable de créer l’univers est pour nos esprits omnipotent et omniscient, et cela est révoltant de supposer que sa bonté n’est pas illimitée. Quel avantage peut-il y avoir dans la souffrance de millions d’espèces tout au long d’un temps presque infini ? Ce très vieil argument de l’existence de la souffrance en défaveur de l’existence d’une cause première intelligente me parait un argument fort. 52
Mais Darwin répond rapidement et de manière intéressante à cette complainte. Tout en venant à bout du problème de la douleur, il écrit :
Selon mon jugement, la joie prévaut décidément […] en règle générale, tous les êtres sensibles ont été formés afin de jouir du bonheur […] la plupart des êtres sensibles profitent d’un excès de joie sur le malheur, bien que certains souffrent parfois beaucoup. 53
Pour Darwin, il ne s’agit pas de la bienveillance couvrant le cosmos telle que Paley la concevait, mais c’est un monde bon. En particulier, la vie n’aurait pu se développer si les créatures souffraient la plupart du temps. La piqûre des Ichneumonidés évoquée par Darwin durant sa seconde période de réflexion théologique semble avoir perdu de sa force si l’évolution est vue dans une perspective plus globale ou plus élevée. D’après Darwin, le problème de la souffrance n’est pas un argument contre l’existence de Dieu.
L’Autobiographie avance enfin deux arguments en faveur de l’existence de Dieu et, pour chacun d’eux, la question de la conception intelligente occupe clairement une place centrale. Dans le premier, Darwin admet avoir eu une fois ce qu’il appelle un « sentiment religieux ». Il écrit :
Actuellement, l’argument le plus habituel en faveur de l’existence d’un Dieu intelligent est issu de la conviction interne et profonde et des sentiments qui sont expérimentés par la plupart des gens […] Auparavant, j’ai été conduit par de tels sentiments […] [et ceux-ci m’ont amené] à la ferme assurance de l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme. Dans mon journal, j’écrivis qu’alors que je me tenais dans la grandeur de la forêt brésilienne, « il n’est pas possible de donner une idée adéquate des plus grands sentiments de prodige, d’admiration et de dévotion qui remplissent et élèvent l’esprit. » Je me souviens très bien de ma conviction : il y a plus dans l’homme que le simple souffle de son corps. 54
Cependant, Darwin réduit l’effet de ces expériences en les présentant comme étant simplement psychologiques, et il affirme :
Mais maintenant les plus grandes scènes ne procureraient plus de telles convictions et de tels sentiments à mon esprit. On pourrait véritablement dire que je suis comme un homme qui a perdu la vision des couleurs, et la croyance universelle par les hommes de l’existence de la couleur rouge rend, de manière évidente, ma perte présente de perception de moindre valeur. 55
Dans le deuxième argument de l’Autobiographie en faveur de l’existence de Dieu, Darwin utilise de manière plus flagrante l’argument de la conception intelligente. Il écrit :
Une autre source de conviction dans l’existence de Dieu connectée à la raison et non aux sentiments, me donne l’impression d’avoir beaucoup plus de poids. Elle est due à l’extrême difficulté ou plutôt à l’impossibilité de concevoir cet univers immense et merveilleux, y compris l’homme et sa capacité à regarder en arrière et loin dans le futur, comme le résultat d’un hasard aveugle et de la nécessité. Quand je réfléchis ainsi, je me sens contraint de regarder à une Cause Première ayant une intelligence analogue, à un certain degré, à celle d’un homme ; et je mérite d’être appelé un théiste. 56
Les spécialistes sensibles de Darwin notent que le verbe « sentir » dans la dernière phrase de ce passage est utilisé au présent.57 Cela veut dire que, tard dans sa vie, en 1876, Darwin est poussé à chercher une « Cause Première ayant une intelligence », et il soutient même que le fait de s’identifier à un « théiste » se justifie.58
Mais, comme précédemment, Darwin en vient à réfuter cet argument. Il affirme que même si la croyance en une conception intelligente était « forte » du temps où il écrivait L’origine des espèces, celle-ci « est, très graduellement et avec beaucoup de fluctuations, devenue plus faible. »59 En particulier, il est profondément troublé quand il raisonne ainsi car « l’horrible doute » surgit, et il fait cette complainte :
« Peut-on faire confiance à l’esprit d’un homme qui a, comme je le crois pleinement, été développé à partir d’un esprit aussi petit celui que possède le plus petit animal, lorsqu’il s’agit de tirer d’aussi grandes conclusions ? »60
Selon Darwin, la conception intelligente dans la nature paraît être un argument puissant et rationnel en faveur de l’existence de Dieu mais qui, en dernière analyse, ne serait pas décisif.
La conclusion à laquelle Darwin arrive dans la section « Croyances religieuses » de l’Autobiographie est que les arguments et les contre arguments en faveur de l’existence de Dieu ne sont pas concluants. Il le confesse ainsi ensuite :
Je ne peux prétendre faire la lumière sur des sujets aussi difficiles à comprendre. Le mystère du commencement de toute chose est insoluble par nous et, en ce qui me concerne, je dois me contenter de demeurer un Agnostique. 61
Les dernières années (1876-1882)
L’agnosticisme de Darwin et ses croyances théologiques fluctuantes apparaissent également durant les dernières années de sa vie. Dans une lettre de 1879 adressée à James Fordice, il écrit concernant ses croyances :
La question de ce que pourraient être mes propres croyances religieuses n’engage que moimême. Mais, comme vous le demandez, je dirais peut-être que mon jugement fluctue souvent. Dans mes fluctuations les plus extrêmes, je n’ai jamais été un athée dans le sens de nier l’existence d’un Dieu. Alors que je vieillis je crois qu’ « agnostique » correspond le mieux à mon état d’esprit, mais pas toujours. 62
Il est important de noter que dans cette lettre écrite seulement quelques années avant sa mort, en 1882, Darwin déclare très explicitement qu’il n’a « jamais été un athée dans le sens où il n’a jamais nié l’existence d’un Dieu. » Darwin n’a donc jamais embrassé à travers sa carrière professionnelle une vision athée ou non téléologique de l’évolution biologique. Qui plus est, il découle de ce passage que s’il n’a « jamais été un athée » ni « généralement, mais pas toujours » un agnostique, alors il devait y avoir des fois où il était « théiste », comme il l’a reconnu dans son Autobiographie.
Finalement, dans la dernière année de la vie de Darwin, le duc d’Argyll soulève avec lui la question du dessein intelligent dans la nature. En écrivant au sujet de cette conversation, le duc se souvient :
« J’ai dit à M. Darwin, en référence à certains de ses travaux remarquables sur la « Fertilisation des orchidées », sur « Les vers de terre » et de nombreuses autres observations qu’il fit sur des inventions merveilleuses en faveur d’un dessein intelligent dans la nature – j’ai dit qu’il était impossible de regarder ces choses sans considérer qu’elles étaient l’effet et l’expression de l’esprit. Je n’oublierai jamais la réponse de Darwin. Il me regarda très durement et dit « Eh bien, cette impression m’a souvent traversé l’esprit avec une force irrésistible » et, en secouant la tête confusément, il ajouta : « elle semble s’en être allée. »63
Ce passage est particulièrement fascinant. Seulement six ans avant, Darwin prétendait dans son
Autobiographie, avoir perdu la « vision des couleurs » au sujet du message révélé dans la nature et que « les plus grandes scènes ne [lui] procuraient plus de telles convictions et de tels sentiments dans [son] esprit. » Sans aucun doute, l’impact de « l’expression de l’esprit » au sujet de la nature a été une pierre d’achoppement poussant Darwin à ne « pas toujours » croire en un Dieu.
Conclusions et Applications
Les écrits historiques révèlent clairement que Charles Darwin n’a jamais été athée. A travers sa carrière, le père de la théorie moderne de l’évolution a pris sérieusement en considération les implications religieuses de sa science. Pour cette raison, il a souvent intégré ses croyances dans sa théorie de l’évolution comme on peut le voir dans ses carnets de notes scientifiques, sa correspondance privée et ses publications professionnelles. Darwin apporte en particulier un aperçu théologique précieux et méritant toute considération au sujet du dessein intelligent révélé dans la nature, du problème de la douleur et de la souveraineté divine sur le monde. De plus, ce bref aperçu historique des croyances religieuses intimes de Darwin soulève des questions intéressantes pour nous aujourd’hui.
Premièrement, que faisons-nous des diverses références de Darwin à l’expérience de la conception intelligente de la nature ? Devrions-nous simplement les considérer comme étant la conséquence du conditionnement social de Darwin par la religion anglaise du XIXème siècle ? Cette expérience très commune correspondrait-elle à la stimulation d’un groupe de neurones qui, par chance, donnerait à l’humanité un plaisir esthétique à observer la survie des espèces ? Ou bien Darwin n’était-il pas plutôt en train d’affirmer la réalité d’une révélation non verbale qu’un Esprit Intelligent a profondément inscrite dans la nature (Psaumes 19:1-4 ; Romains 1:18-23) ?
Deuxièmement, si la conception intelligente de la nature est bien réelle, cela s’oppose-t-il nécessairement à la théorie de l’évolution ? Comme je l’ai noté, la notion de dessein était toujours présente dans la pensée de Darwin tout au long de sa carrière et, pour autant, cela ne l’a pas empêché de donner à la science une excellente explication des origines biologiques. De manière regrettable, le principal porte-parole de la conception intelligente vient aujourd’hui du Mouvement de l’Intelligent Design (ID) qui soutient une vision des origines clairement anti-évolutive.64 Se pourrait-il que la « Théorie de l’Intelligent Design » ainsi nommée soit simplement une version moderne des prémisses de William Paley depuis longtemps discréditées ? Il est clair que la compréhension de la conception intelligente par Darwin était embarrassée et frustrée par l’interprétation paleyenne du dessein. Est-ce également le cas aujourd’hui avec le modèle prétendu « scientifique » de l’Intelligent Design qui s’infiltre rapidement à travers la société et le milieu évangélique ? De manière plus incisive, la Théorie de l’Intelligent Design n’est-elle pas une pierre d’achoppement, dans le plein sens que l’apôtre Paul en donne en 2 Corinthiens 6:2-3, entre les biologistes évolutionnistes compétents et Dieu qui créa la vie à travers un processus évolutif reflétant un dessein intelligent ?
Enfin, que devrions-nous enseigner au sujet de Charles Darwin dans nos écoles publiques ? De manière tragique, un mythe culturel moderne a fait du célèbre naturaliste britannique un démon avec sa théorie scientifique. Henry M. Morris, fondamentaliste chrétien et l’un des principaux antiévolutionnistes, donne ce jugement sévère : « Satan lui-même est l’initiateur du concept d’évolution. »65 Mais les prosélytes athées comme Richard Dawkins sont tout aussi coupables avec leur polémique souvent envenimée et usée. Le temps est venu de laisser parler la mémoire historique pour aller au-delà des mythes mal renseignés au sujet des croyances religieuses de Darwin, et au-delà des implications théologiques mal interprétées de la théorie de l’évolution biologique. Avec l’éducation de nos enfants en jeu, qui peut aller contre un tel objectif ?
Remerciements à Jennifer Shaw et à Eugene Malo.
Notes
1 Richard Dawkins, The Blind Wathmaker (L’horloger aveugle) (Londres : Penguin Books, 1991), 5-6.
2 Il est important de noter les deux types d’approche de Darwin dans les cercles évangéliques : l’une populaire, l’autre académique. La première associe sa théorie de l’évolution à l’athéisme. La seconde reconnaît qu’un modus vivendi existe entre la doctrine évangélique et la science darwinienne. Voyez à ce sujet David N. Livingstone, Darwin’s Forgotten Defenders: The Encounter Betwen Evangelical Theology and Evolutionary Thought (Grant Rapids : Eerdmans, 1987) et James R. Moore, The PostDarwinian Controversies. A Study of the Protestant Struggle to Come to Terms with Darwin in Great Britain and America, 1870-1900. (Cambridge : University Press, 1979).
3 Pour des revues historiques complètes sur Darwin, voyez Adrian Desmond et James R. Moore,
Darwin (New York : Warner Books, 1991) ; Peter Bowler, Charles Darwin: The Man and His Influence (Cambridge : University Press, 1990) ; et Michael Ruse, The Darwinian Revolution: Science Red in Tooth and Claw, 2d ed. (Chicago : University Press, 1999).
4 Charles Darwin, The Life and Letters of Charles Darwin (La vie et les lettres de Charles Darwin), ed. Francis Darwin, 3 volumes (Londres : John Murray, 1888), II:178. Référence citée ci-après LLD.
5 Charles Darwin, The Autobiography of Charles Darwin (L’Autobiographie de Charles Darwin), 1809–1882, ed. Nora Barlow (Londres : Collins, 1958), 22. Cette référence est citée ci-après ACD.
6 ACD, 25.
7 ACD, 49.
8 ACD, 57.
9 Le mot « créationnisme » comporte diverses nuances qu’il convient de définir. Le Créationnisme de la Jeune Terre est un mouvement populaire du mouvement créationniste. Il rejette les sciences modernes traitant des origines et suggère que le monde a été créé en six jours de 24 heures, il y a moins de 10 000 ans, et que toutes les strates géologiques sont le résultat du déluge de Noé. Le Créationnisme progressif (ou Créationnisme de la Vieille Terre) accepte l’âge reculé de la Terre (4,6 milliards d’années), mais rejette l’évolution biologique tout en maintenant que Dieu créa la vie en plusieurs étapes au cours des temps géologiques. La Création évolutive (ou Évolution théiste) soutient que le Dieu personnel de la Bible créa l’univers et la vie à travers un processus évolutif ordonné et soutenu. L’Évolution déiste met en avant un Dieu impersonnel qui lança le processus évolutif, mais qui depuis n’intervient plus dans l’univers. L’Évolutionnisme non téléologique (ou Évolutionnisme athée) correspond à la position la plus populaire. Il rejette l’existence de Dieu, croît que l’évolution de l’univers s’est faite par hasard, et que ce dernier est le fruit d’une nécessité irrationnelle. Pour une introduction du débat concernant les origines et de ces différentes positions, voyez mon cours audio « Beyond the ‘Evolution’ vs ‘Creation’ Debate » (« Au-delà du débat ‘Création’ vs ‘Évolution’ ») à l’adresse suivante : www.ualberta.ca/~dlamoure/beyond.html. Voyez également mon article sur la création évolutive à l’adresse suivante : www.ualberta.ca/~dlamoure/3EvoCr.htm.
10 En résumé, Paley avançait que si une montre est trouvée dans un pré, il est alors logique de proposer l’existence d’un horloger. Il en va de même pour la nature. La complexité, l’ingéniosité et le dessein visibles dans le monde témoignent d’un Créateur qui créa dans un but précis. Voyez William Paley, Natural Theology (Théologie naturelle) in Robert Lynam, ed., The Works of William Paley (Les travaux de William Paley), 6 volumes (Edimbourg : Baynes and Son, 1825), IV:1–12.
11 La notion de « dessein intelligent » ou de « conception intelligente » a été l’objet de beaucoup d’attention ces dernières années à cause du Mouvement de l’Intelligent Design. Cependant, il est important de distinguer l’interprétation moderne fournie par le Mouvement de l’Intelligent Design à la compréhension traditionnelle du dessein. Pour les théoriciens de l’Intelligent Design comme Philip Johnson, Michael Behe et William Demski, le dessein est associé à des structures biologiques (appelées « complexes irréductibles » ou « informations complexes et spécifiées ») qui, ayant été créées pour un but, ne peuvent évoluer par des processus naturels. Cependant, la conception traditionnelle du dessein insiste sur la beauté, la complexité et la fonctionnalité de la nature, et ne considère pas les mécanismes par lesquels ces caractéristiques de la nature sont apparues. Le point de vue historique du dessein reconnaît simplement que le monde agit de manière puissante sur nos esprits et qu’il fait naître en chacun de nous la croyance qu’il reflète l’esprit d’un Être Intelligent.
12 ACD, 59 ; et Charles Darwin, The Descent of Man and Selection in Relation to Sex (La filiation de l’Homme et la sélection liée au sexe), nouvelle édition, revue & augmentée (New York : D. Appleton, 1886), 61. Mes italiques.
13 ACD, 85.
14 ACD, 101.
15 Cité dans l’article de Sandra Herbert, « The Place of Man », Journal of the History of Biology (1997): 233, note 50. Darwin manuscripts, vol. 42, University of Cambridge Library (Février 1835).
16 Charles Darwin, Diary of the Voyage of H.M.S. Beagle (Journal du voyage de l’HMS Beagle), ed. Nora Barlow, volume 1 in The Works of Charles Darwin, ed. Paul H. Barrett et R. B. Freeman, 29 volumes (Londres : William Pickering, 1986), I:348 (18 janvier 1836).
17 Diary of the Voyage of H.M.S. Beagle (Journal du voyage de l’HMS Beagle), I:388 (24 septembre 1836).
18 ACD, 85.
19 ACD, 85.
20 ACD, 86.
21 ACD, 86.
22 Le théisme est la croyance en un Dieu d’amour personnel et tout-puissant. Cet Être divin est personnellement impliqué dans la vie des gens et répond à leurs prières de manière miraculeuse. A l’opposé, le déisme fait état d’un Dieu impersonnel qui n’intervient jamais dans l’univers et qui n’a aucun rapport avec l’humanité. Il est significatif de noter que 40% des scientistes américains de premier ordre sont théistes. Voyez l’article d’Edward J. Larson and Larry Witham, « Scientists Are Still Keeping the Faith » (« Les scientistes ont encore la foi »), Nature 386 (3 Avril 1997) : 435–6.
23 Sur le plan théologique, il faut faire la différence entre les différents modes d’action divine. L’interventionnisme correspond à l’activité surnaturelle et spectaculaire de Dieu. Par exemple, avant l’avènement de l’astronomie copernicienne, de nombreuses personnes pensaient que Dieu ou les anges perturbaient la trajectoire normale des planètes d’ouest en est, en provoquant de courtes boucles d’est en ouest connues sous le nom de « mouvements rétrogrades ». Darwin fait référence à ce type d’action divine dans le passage suivant. Le providentialisme est l’activité subtile de Dieu. On pourrait ainsi considérer la manière dont le Créateur utilise les lois naturelles pour créer la vie, aussi bien à l’échelle individuelle, dans l’utérus, qu’à l’échelle des populations à travers l’évolution. Darwin envisageait ce type d’activité durant les années où il était en train de formuler sa théorie de l’évolution, et cette activité était clairement incluse dans son célèbre ouvrage L’origine des espèces. Connaissant cette distinction, on comprend mieux un commentaire bien connu de Darwin. L’une des premières personnes à qui il révèle ses idées évolutionnistes est J. D. Hooker. Dans une lettre qu’il lui adresse en 1844, Darwin écrit : « Je suis presque convaincu (contrairement à l’opinion que j’avais au départ [c’est-à-dire la thèse de la création progressive]) que les espèces ne sont pas (c’est comme si je confessais un meurtre) immuables. » (Darwin à Hooker [11 janvier 1844] chez Francis Darwin, ed., More Life and Letters of Charles Darwin, 2 volumes [Londres : John Murray, 1888], I:40–1.
Référence citée ci-après MLL). Egalement trouvable chez Frederick Burkhardt & Sidney Smith, eds.,
The Correspondence of Charles Darwin, 11 volumes (Cambridge : University Press, 1987 [1985– 1999]), III:2. Référence citée ci-après CCD. Des sceptiques voient dans cette correspondance une preuve de l’athéisme de Darwin, Dieu étant la victime assassinée. Cependant, la compréhension des différentes manières d’action de Dieu remet en cause cette interprétation. L’intention de Darwin dans cette lettre est de confesser son meurtre du Dieu interventionniste de la création progressive, qui, à cette époque, est reconnu par la communauté scientifique. Comme le révèle cet article, Darwin n’a jamais été athée. Au contraire, durant la plus grande partie de sa carrière, il a cru en un Dieu impersonnel (il était déiste) qui créa la vie de manière providentielle, à travers un processus évolutif.
24 Charles Darwin, « B Notebook (Février 1837 – Janvier 1838) » chez Gavin de Beer, ed., « Darwin’s Notebooks on Transmutation of Species » Bulletin of the British Museum (Natural History) II (1960) : 101, 106. Notez que les extraits des carnets de notes correspondent aux notes brutes dont la grammaire est parfois incorrecte et le style impropre. Dans cet article, les extraits sont présentés dans l’ordre où ils apparaissent dans le texte original avec occasionnellement des mots ajoutés entre crochets [ ] pour éclairer un passage.
25 Charles Darwin, « M Notebook (Juillet 1838 – Octobre 1838) », chez Howard E. Gruber, Darwin on Man: A Psychological Study of Scientific Creativity Together with Darwin’s Early and Unpublished Notebooks, trans. & ed. Paul H. Barrett (New York : Dutton & Co., 1974), 292, #136.
26 Par souci de concision, je n’examine pas ici les nombreux passages théologiques que Darwin compose dans les années qui suivent la rédaction de ses premiers carnets de notes (fin des années 1830) jusqu’à la publication de L’origine des espèces (1859). Durant cette période, il rédige deux résumés de sa théorie qui ne seront pas publiés et resteront privés : une « esquisse sommaire » (« Sketch », 1842, 35 pages) et un « essai » (« Essay », 1844, 213 pages). Plus tard, il commence un ouvrage majeur, le « grand livre sur les espèces » (« Big Species Book », 1856–1858), connu aujourd’hui sous le nom de « La sélection naturelle » (« Natural selection »), mais qui sera abrégé pour devenir L’origine des espèces (Origin of the species). Les croyances religieuses exprimées dans ces travaux apparaissent déjà dans ses carnets de notes et sont ensuite répétées (parfois presque mot à mot) dans L’origine des espèces. Voyez Charles Darwin, Foundations of the Origin of Species: Two Essays Written in 1842 and 1844, ed. Francis Darwin (Cambridge : University Press, 1909), xxviii,
51–2, 253–5 ; et Charles Darwin, Charles Darwin’s Natural Selection; Being the Second Part of His Big Species Book Written from 1856 to 1858, ed. R. C. Stauffer (Londres : Cambridge University Press, 1975), 224–5.
27 Voyez Charles R. Darwin, On the Origin of Species. A Facsimile of the First Edition, introduit par Ernst Mayr (Cambridge : Harvard University Press, 1964), 186, 188, 189, 413 (deux fois), 435, 488.
28 Origin of Species (L’origine des espèces), 488. Dans son livre « Big Species Book », Darwin ajoute au manuscrit original : « Par ‘nature’, je veux dire les lois fixées par Dieu pour gouverner l’univers. » (Natural Selection, 224).
29 L’épigraphe de William Whewell dans L’origine des espèces dépeint le rejet de l’interventionnisme par Darwin : « Mais en considérant le monde matériel, nous pouvons aller au moins aussi loin que cela – nous pouvons percevoir que les événements sont causés non pas par des interventions isolées de la puissance divine, qui s’exerceraient dans chaque cas particulier, mais par l’établissement de lois générales. »
30 Le terme « téléologie » vient du mot grec telos qui a le sens de mouvement dirigé vers un but, une issue finale ou un accomplissement. Voyez Liddell and Scott Greek-English Lexicon (Chicago : Follett Publishers, 1954), 697 ; et W. F. Arndt and F. W. Gingrich, A Greek-English Lexicon of the New Testament and Other Early Christian Literature (Chicago : University Press, 1979), 811.
31 Origin of Species (L’origine des espèces), 490.
32 Morse Peckham, ed., ‘The Origin of Species’ by Charles Darwin: A Variorum Text (Philadelphie : University of Pennsylvania, 1959), 759.
33 De manière encore plus intéressante, le critique moderne de Darwin, Michael Behe, semble être la réincarnation du célèbre évolutionniste ! Comme L’origine des espèces, La boîte noire de Darwin (1996) propose que les « structures irréductibles » de la cellule ont été mélangées « d’un seul coup » dans une « première cellule », à partir de laquelle la vie aurait évolué. Voyez Michael J. Behe, Darwin’s Black Box: The Biochemical Challenge to Evolution (New York : Free Press, 1996), 39, 227–8. Voyez également ma réponse à un article de Behe intitulé « A Box or a Black Hole? A Response to Michael J. Behe » (« Une boîte ou un trou noir ? Une réponse à Michael J. Behe ») Canadian Catholic Review (juillet 1999) : 67–73. Cet article est également disponible sur mon site internet : www.ualberta.ca/~dlamoure/3Behe.htm.
34 Des critiques de cette vision des choses avancent que, dans L’origine des espèces, Darwin cache tout simplement ses vraies croyances dans le but que son livre soit accepté. C’est après tout les croyances de l’Angleterre victorienne. Les défenseurs de cette position citent souvent une lettre de Darwin adressée à D. J. Hooker. Darwin écrit : « J’ai longtemps regretté de m’être abaissé devant l’opinion publique et d’avoir utilisé le mot du Pentateuque ‘création’, qui pour moi signifiait en fait ‘apparition’ par un processus entièrement inconnu. » (Darwin à J. D. Hooker [29 mars 1863] in LLD, III:18 ; et CCD, XI:278). Cependant, si c’est le cas, alors le regret de Darwin est de courte durée. Dans les trois éditions de L’origine des espèces (1866, 1869, 1872) qui suivirent cette lettre à Hooker, il ne fait aucun effort pour retirer « le mot du Pentateuque ‘création’ » de son travail. Mais de façon plus convaincante, une revue au sujet des carnets de notes scientifiques personnels de Darwin, qu’il n’avait jamais été question de rendre publics, révèle que ses idées théologiques sont les mêmes que celles exprimées dans L’origine des espèces. Voyez la référence en fin de note 26.
35 Voyez Asa Gray, Natural Selection Not Inconsistent with Natural Theology: A Free Examination of Darwin’s Treatise on the Origin of Species and of Its American Reviewers (Londres : Trubner & Co, 1861).
36 Darwin à Gray (22 mai 1860) LLD, II:311–2 ; et CCD, VIII:224. Darwin à Gray (26 novembre 1860) LLD, II:353–4 ; et CCD, VIII:496. Mes italiques.
37 ACD, 87.
38 Pour ceux qui ne seraient pas d’accord avec cet énoncé, je ne fais appel à personne d’autre qu’à l’athée Richard Dawkins lui-même qui déclare : « La complexité des êtres vivants est corrélée à l’élégante efficacité d’un dessein apparent. Si quelqu’un ne reconnaît pas que ce dessein complexe demande une explication, j’abandonne. […] Notre monde est dominé par les exploits de la technique et de l’art. Nous sommes parfaitement habitués à l’idée que l’élégance complexe est un indicateur d’une conception préméditée et façonnée. C’est probablement la raison la plus puissante pour croire en une sorte de déité supernaturelle, une croyance partagée par la vaste majorité des individus qui ont vécu jusqu’ici. » (Blind watchmaker [L’horloger aveugle], xiii, xvi. Mes italiques). De plus, une étude de l’Université de Princeton de 1996 sur les croyances des Américains révèle que 96 % d’entre eux acceptent l’existence « d’un Dieu ou d’un esprit universel. » Auteur anonyme, « Religion Index Hits Ten-Year High » Emerging Trends: Journal of the Princeton Religion Research Center (mars 1996) :
4. Voyez aussi l’affirmation de Darwin sur mon point de vue dans les notes 54 et 63.
39 Ce piège des prémisses de Paley, et la frustration qu’elles produisent chez Darwin, apparaissent de manière encore plus flagrante dans une lettre à J. D. Hooker, près de dix ans après. Darwin écrit : « Ma théologie est tout simplement confuse ; je ne peux regarder l’univers comme le résultat d’un hasard aveugle. Cependant, je ne peux voir aucune preuve d’un dessein bienveillant, ou même d’un dessein de quelque sorte, dans chaque détail. Je n’arrive pas plus à croire au fait que chaque variation jamais produite a été préméditée dans un but précis qu’au fait que l’endroit sur lequel tombe chaque goutte de pluie a été spécialement planifié. » (Darwin à Hooker [12 juillet 1870] MLL, I:321. Mes italiques).
40 Darwin considère cette vue du dessein dans sa correspondance avec Asa Gray : « Je suis enclin à regarder chaque chose comme le résultat de lois fixées à l’avance, dans le détail, qu’elle soit bonne ou mauvaise, et s’accomplissant par ce que nous pourrions appeler la chance. Cette idée ne me satisfait pas du tout davantage. » (LLD, II:311–2 ; CCD, VIII:224) De manière regrettable, Darwin ne développera jamais cette idée, ni n’expliquera pourquoi elle ne lui satisfaisait pas.
41 Darwin à Gray (22 mai 1860), LLD, II:311–2 ; CCD, VIII:224.
42 Darwin à Hooker (13 juillet 1856), MLL, I:94 ; CCD, VI:178.
43 Pour une revue concise sur la condition médicale de Darwin et son possible diagnostic, voyez Lybi Ma, « On the Origin of Darwin’s Ills » (« Sur l’origine des maux de Darwin »), Discover (Septembre 1997) : 27.
44 Voyez James R. Moore, « Of Love and Death: Why Darwin ‘Gave Up Christianity’ » dans son ouvrage History, Humanity, and Evolution: Essays for John C. Greene (Cambridge : University Press, 1979), 195–229 ; Randall Keynes, Annie’s Box: Charles Darwin, His Daughter and Human Evolution (Londres : Fourth Estate 2001).
45 Darwin à Lyell (2 août 1861) MLL, I:191–2 ; CCD, IX:226. Mes italiques.
46 Pour une excellente revue de cette approche théologique, voyez Ernan McMullin, « Cosmic Purpose and the Continency of Human Evolution », Theology Today 55, no. 3 (1998) : 389–413.
47 Charles Darwin, The Variation of Animals and Plants Under Domestication (La variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication) (Londres : John Murray, 1888), II:428. Mes italiques. Darwin semble finalement abandonner son argument de la souveraineté divine. La première preuve de cela apparaît dans une lettre qu’il adressera deux ans plus tard à J. D. Hooker dans laquelle il écrira : « Votre conclusion selon laquelle toute méditation au sujet de la prédestination est une perte de temps inutile, est la seule qui soit sage, mais combien il est difficile de ne pas méditer ! » (Darwin à Hooker [12 juillet 1870], MLL, I:321). De plus, cet argument n’apparaît pas non plus dans son Autobiographie (1876) dans lequel on trouve le point de vue théologique mature de darwin.
48 Neal Gillespie reconnaît cette tension intellectuelle dans la manière de penser de Darwin. Il écrit : « Le matérialisme de Darwin [était] comparable dans son esprit avec le théisme. […] Il y avait en effet deux Darwin : l’un avait adopté la vision apportée par une nouvelle méthode ; l’autre adhérait encore à une vision plus ancienne selon laquelle la possibilité même de l’existence d’une science source de sens et de rationalité dans la nature était nécessairement liée au théisme. […] Il rejeta la doctrine créationniste de l’interventionnisme divin car c’était philosophiquement incompatible avec les principes d’une science positive émergente, […] [mais] il s’en fallut de peu pour que l’approche de Darwin ne tombe dans le positivisme complet. A cause des éléments théologiques présents dans sa pensée, il continuait de méditer […] sur les origines de la vie et il ne pouvait supporter l’idée d’un univers vide de sens, comme une vision positive complète du cosmos l’exigeait. » (Neal C. Gillespie, Charles Darwin and the Problem of Creation [Chicago : University Press, 1979], 139, 146).
49 Origin of Species (L’origine des espèces), 488.
50 Voyez la section intitulée « Belief in God–Religion » (« Croyance en Dieu–Religion ») dans Descent of Man (La filiation de l’Homme), 93–6.
51 Descent of Man (La filiation de l’Homme), 613.
52 ACD, 90.
53 ACD, 88, 89–90.
54 ACD, 90–1. Darwin fait référence dans ce passage à son Journal du Beagle. Voyez la note 17. Le commentaire de Darwin selon lequel ce « sentiment religieux » est « expérimenté par la plupart des personnes », vient compléter mon argumentation de la note 38.
55 ACD, 91. Le fait que Darwin a « perdu la vision des couleurs » semble être temporaire comme le révélera la citation 63.
56 ACD, 92–3.
57 Voyez Frank Burch Brown, « The Evolution of Darwin’s Theism » (« L’évolution du théisme de Darwin »), Journal of the History of Biology (1986), 28. Brown soutient de manière pertinente que cette déclaration de Darwin ne devrait pas être comprise comme un simple souvenir. »
58 La question se pose de savoir si Darwin utilise le terme « théiste » correctement dans ce passage, puisqu’en réalité il signifie « déiste ». La preuve qu’il emploie effectivement correctement ce terme est donnée par Darwin trois pages avant dans cette section « Croyance religieuse », lorsqu’il expose : « Je pensais peu à un Dieu personnel jusqu’à une période considérablement plus tardive de ma vie. » (ACD, 87. Mes italiques).
59 ACD, 93.
60 ACD, 93. On pourrait se demander : Est-ce que Darwin utilise un esprit « développé à partir d’un esprit aussi petit que celui que possède le plus petit animal » pour proposer cet argument ? Oui, il y a ici un problème d’incohérence auto-référentielle.
61 ACD, 94.
62 Darwin à Fordyce (1879) LLD, I:304. Mes italiques.
63 LLD, I:316.
64 Pour les travaux théoriques de référence concernant l’Intelligent Design, voyez Phillip E. Johnson,
Darwin on Trial (Downer’s Grove : IVP, 1991) et son Defeating Darwinism by Opening Minds (Downer’s Grove : IVP, 1997) ; Michael J. Behe, Darwin’s Black Box: The Biochemical Challenge to Evolution (New York : Free Press, 1996) ; et William A. Dembski, Intelligent Design: The Bridge between Science and Theology (Downer’s Grove : IVP, 1999). Pour mon débat avec Johnson, voyez Phillip E. Johnson and Denis O. Lamoureux, Darwinism Defeated? The Johnson-Lamoureux Debate on Biological Origins (Vancouver : Regent College Press, 1999) ; un résumé de mon argumentation dans ce livre est disponible sur ma page web personnelle à l’adresse suivante : www.ualberta.ca/dlamoure/3Johnson.htm.
65 Henry M. Morris, The Troubled Waters of Evolution (Les eaux troubles de l’Evolution) (San Diego : Creation Life Publishers, 1982), 75.
66 Richard Dawkins admet ouvertement : « Je veux inspirer le lecteur avec une vision de notre propre existence. […] Je veux persuader le lecteur, non seulement que la vision darwinienne du monde s’avère être vraie, mais que c’est la seule théorie connue qui pourrait, en principe, résoudre le mystère de notre existence. » (Blind Watchmaker [L’horloger aveugle], xiv. Italiques originales). Clairement, Dawkins est en train de promouvoir l’athéisme.