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Une lecture allégorique ou mythique de certains passages de la Bible remet-elle en cause son inspiration et son inerrance – son absence d’erreurs – ?

Implique-t-elle la négation du surnaturel divin ?

 

Un texte biblique peut être historique à des degrés divers, et cela, indépendamment de toute considération à l’égard de miracles qui, par nature, font normalement partie de l’histoire du peuple de Dieu, aussi bien dans l’Ancienne que dans la Nouvelle Alliance, et donc pour les croyants d’aujourd’hui. Il semble donc juste de ne pas qualifier un récit biblique de mythique sur le seul critère d’impossibilité des miracles : Dieu reste libre de suspendre, où et quand il veut, les lois qu’il a conçues pour l’univers.

 

Cela dit, un miracle peut consister dans la coïncidence heureuse de faits rationnellement explicables. Si les faits ne sont pas miraculeux en eux-mêmes, leur surgissement au moment le plus opportun peut être considéré comme miraculeux en soi. Il est vrai que de telles concordances peuvent être attribuées à « un hasard qui fait bien les choses » plutôt qu’à Dieu, mais pas quand leur occurrence se fait de façon répétitive. Ainsi, l’ouverture de la Mer des Joncs (Exode 13:18), devant le peuple hébreux poursuivi par la cavalerie de Pharaon, est attribuée à un vent violent (Exode 14:21) qui a très bien pu repousser l’eau peu profonde retenue par la masse serrée des ajoncs ou des papyrus. Le miracle réside donc dans le fait que le vent ait soufflé très fort, au bon moment et qu’il ait cessé tout aussi opportunément, pour permettre à l’eau de revenir sur les chars égyptiens empêtrés dans la boue et la végétation piétinée par les Hébreux (Exode 14:25).

 

Par contre, il semblerait illégitime de concevoir une mise en place ou un fonctionnement de l’univers reposant sur un système de miracles. Cette démarche, en effet, n’est pas seulement une atteinte au bon sens commun et une méconnaissance du travail de découverte des lois qui gèrent l’évolution et la marche de l’univers ; elle est surtout une insulte à l’intelligence de Dieu, qui se serait montré impuissant à en concevoir la « programmation » dans ses mécanismes les plus subtils.

 

Approche non littérale mais biblique

Il semble définitivement acquis qu’il serait malvenu d’assimiler les premiers et les derniers chapitres de la Bible à des récits strictement historiques. Cette lecture, en effet, ne correspond pas à leur genre littéraire, c’est-à-dire aux indices qui, dans le texte lui-même, manifestent clairement l’intention de leurs auteurs. Selon le cas, une interprétation allégorique, symbolique, et même mythique de ces textes devrait donc être privilégiée.

 

Bien qu’inhabituelles chez la plupart des chrétiens conservateurs, de telles lectures sont parfaitement compatibles avec le nécessité d’une rédemption de l’humanité, et donc avec une conception christocentrique de l’ensemble des Saintes Écritures. D’un point de vue théologique, il semble relativement secondaire de privilégier une origine de l’humanité qui soit polygénique plutôt que monogénique. Ce qui importe, en effet, c’est de ne pas faire un mythe du péché lui-même. Auquel cas, l’ensemble de la révélation biblique et surtout le sacrifice de Jésus deviendraient sans objet.

 

En outre, d’un point de vue scientifique, les approches allégorique et mythique des récits bibliques de la création présentent l’avantage, d’être conciliables avec l’évolution des espèces. Mais insistons bien sur le fait que ces deux options se trouvent motivées par un souci de conformité avec le style et l’intention des textes, sans bouder le fait qu’elles aient aussi le mérite d’encourager le concept d’une création évolutive, où Dieu n’est pas présenté comme le moteur de l’évolution, mais bien comme son concepteur.

 

Au regard d’une lecture littérale, et donc historique, des premiers chapitres de la Genèse, une lecture symbolique ou allégorique ne présente donc aucune implication dommageable pour l’histoire du salut. Si le point de vue traditionnel était seul en cause, il n’y aurait certes pas de quoi en faire une affaire d’État. Par contre, cette approche induisant nécessairement l’acceptation des thèses créationnistes, il s’avère déraisonnable d’encore y souscrire : d’un point de vue scientifique, sans doute, pour dénoncer une contre-vérité ; d’un point de vue spirituel, surtout, pour dévoiler une confusion qui discrédite la Bible dans son ensemble et décourage nos contemporains de lire les textes qui peuvent les amener au salut.

 

Par ailleurs, et dans le même ordre d’idées, certains livres bibliques – Job, Esther, Jonas – semblent se prêter à une lecture littérale aussi bien qu’allégorique ou mythique… sans que l’on puisse vraiment se poser en arbitre puisque, ici encore, l’enseignement spirituel reste essentiellement le même dans les trois types de lectures. Pour le reste, exception faites des visions prophétiques et apocalyptiques qu’ils peuvent contenir; les livres composant la plus grosse partie du corpus biblique s’inscrivent clairement dans un contexte historique… Du moins, dans l’optique qu’avaient les rédacteurs biblique de l’Histoire, et pour les croyants que le surnaturel divin ne rebute pas !

 

Il faut donc se souvenir que, dans la Bible, la notion d’historicité exige d’être nuancée, puisque tous les évènements sont rapportés de façon très subjective, puisque dans la perspective de la soumission ou de la désobéissance à Dieu. Cela signifie que des faits mineurs, mais très signifiants du point de vue spirituel, se trouvent fortement valorisés, alors que des faits historiques majeurs, mais sans implications spirituelles évidentes, se trouvent minimisé, voire même totalement « oubliés » par les rédacteurs. Par ailleurs, on ne peut ignorer que certains textes appellent quelques corrections de chiffres, de dates, voire quelques ajustements synoptiques. Mais compte tenu de ces quelques réserves, une lecture littérale reste généralement admise – telle que définie dans la deuxième Déclaration de Chicago – dans la mesure où toute autre lecture implique une mise en cause de l’honnêteté des témoins bibliques, si ce n’est de la portée spirituelle des évènements rapportés.

 

Voilà donc quelques raisons qui encouragent les croyants créationnistes à s’abstenir de toute lutte fratricide à l’encontre de leurs frères non-créationnistes. En retour, ces derniers seraient bien inspirés d’éviter toute attitude blessante, méprisante ou condescendante envers les premiers. Ne nous trompons ni d’adversaires, ni de combats !

 

Un acte de foi pas plus subjectif que d’autres

Mais comme on l’a vu, la reconnaissance du genre littéraire d’un texte biblique n’est pas tout. Elle a son importance en tant que préliminaire à l’étude des Écritures, mais elle ne peut se substituer à la démarche de foi qui la soutient, et qui n’est pas plus arbitraire que l’incrédulité des athées, agnostiques et autres libéraux. Dès lors, il est évident que s’adonner – par exemple – à une lecture littérale des paroles de Jésus constitue un acte de foi qui ne prête pas à discussion. Mais il est tout aussi évident qu’on aura besoin d’une même démarche de foi pour discerner l’immixtion du péché au sein de l’humanité dans une lecture allégorique ou mythique des premiers chapitres de la Genèse.

 

L’historicité des miracles – entre autres – que les évangiles rapportent, présente des implications théologiques autrement importantes que les évènements rapportés dans Job ou Esther dans un style dont l’historicité paraît légitimement discutable, bien que ne compromettant pas leur portée spirituelle ! Aussi, quoi qu’en disent certains conservateurs, cette approche se distingue radicalement de celle d’un athée ou d’un libéral qui ne verraient aucune objection à mettre tous les récits miraculeux de la Bible, y compris ceux concernant Jésus, « dans le même sac », celui des mythes fondateurs du Judéo-christianisme.

 

Une fois encore, si l’histoire d’Esther était une simple parabole, cela ne changerait absolument rien au message du livre. Car, même si le nom de Dieu n’apparaît jamais dans ce livre, la Providence divine s’y manifeste d’une façon toute particulière. Il est possible, cependant, que son auteur ait pris soin de ne pas « prendre le nom de Dieu en vain » pour la composition d’un récit imaginaire, même parabolique : Jésus ne le fait jamais non plus.

 

Par contre, si je venais à nier la naissance virginale de Jésus ou sa résurrection, il n’y aurait plus de Bonne Nouvelle : Jésus serait pas l’incarnation du « Verbe divin », de la Parole de Dieu, il n’aurait pas accompli l’expiation des péchés de l’humanité, et l’Évangile perdrait tout son sens, puisque n’ayant plus aucun contenu :

Le Fils de l’homme est venu […] pour donner sa vie en rançon pour beaucoup.
(Marc 10:45)

Dès lors, la foi que chaque être humain est appelé à placer en Christ serait sans objet. En effet :

Si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés et ceux qui sont morts en Christ sont perdus.
(1 Corinthiens 15:17)

 

Si l’on admettait que ces récits ne sont pas historiques, Jésus n’aurait pas seulement été semblable au commun des mortels, mais il aurait été un fou mégalomane, puisqu’il aurait tout fait pour qu’on le dise « le Christ, le Fils du Dieu Très-Haut », et se faire ainsi condamner à mourir crucifié pour cause de blasphème caractérisé. Cela impliquerait également un complot soigneusement organisé par tous ceux qui prétendent l’avoir vu ressuscité en divers endroits : ce qui ferait de tous les apôtres des faux témoins. En d’autres termes, cela signifierait que nos deux mille ans de Christianisme reposent sur une double et vaste supercherie, soigneusement entretenue par des centaines de générations de chrétiens qui, sans se consulter, un peu partout dans le monde, auraient prétendu faire la même expérience spirituelle : celle de la nouvelle naissance !

 

Il me paraît donc important de rester fidèle au principe évangélique qui – à l’inverse de celui des libres penseurs – ose affirmer : « Croire pour comprendre ! » plutôt que « Comprendre pour croire ! » Et de fait, c’est bien parce que je crois possibles les expériences spirituelles vécues par les croyants de la Bible – repentance, conversion, plénitude de l’Esprit, sanctification, pratique des charismes… – que je peux, par la foi, les expérimenter à mon tour et témoigner de leur réalité et de leur actualité pour les générations qui suivent. Alors qu’un incroyant ou un chrétien sociologique ne peut ni croire, ni comprendre à quelles réalités spirituelles la Bible fait ainsi allusion : il ne peut donc que les interpréter comme des manifestations mystiques, voire comme des délires plus ou moins hystériques. Si je crois en l’Écriture, ce n’est donc pas après l’avoir soumise à la critique de ma raison, mais c’est en réponse à ce qu’elle dit d’elle-même, c’est à cause du témoignage intérieur que me rend le l’Esprit Saint, bref : c’est suite à l’expérience de la foi !

 

 

Dès lors, à quoi tient ma conviction quant au caractère historique des récits évangéliques, par exemple ? Est-ce seulement au critère objectif du genre littéraire des Évangiles ? Certainement pas, même si ces critères entrent en ligne de compte. D’ailleurs, comme je viens de le rappeler, les Évangiles ne présentent une valeur vraiment historique que pour les chrétiens qui croient aux miracles. Pour les autres personnes, les Évangiles sont – en grande partie – le fruit d’une idéalisation de la tradition orale, autrement dit, le produit de l’imagination de l’Église des trois premiers siècles. Si bien qu’en affirmant ma confiance dans l’historicité des Évangiles j’atteste surtout un point de ma profession de foi, confirmé par le témoignage de ma propre expérience spirituelle : autant de considérations purement subjectives aux yeux d’un historien moderne.

 

Il est vrai que si la « nouvelle naissance », la « plénitude de l’Esprit », la pratique des « charismes »… relevaient d’une objectivité strictement rationnelle, de telles expériences appartiendraient au domaine temporel et non spirituel !

 

Révélation d’une histoire, non pas de l’Histoire

De ce point de vue, on notera – avec raison – que l’interprétation historique des premiers chapitres de la Genèse, proposée par les créationnistes, repose également sur un acte de foi. Et, à ce titre, les créationnistes méritent le respect comme toutes personnes de bonne foi, honnêtes avec elles-mêmes. Le problème, bien sûr, c’est que la sincérité n’a jamais été un gage de véracité : on peut être sincèrement dans l’erreur ! Or, si l’enseignement de Jésus et des apôtres peut se vérifier par l’expérience chrétienne et par le témoignage intérieur du Saint-Esprit, il n’en va pas de même des positions créationnistes. Bien au contraire, puisqu’elles se trouvent en totale contradiction avec l’observation et l’expérimentation scientifiques !

 

Il semble donc évident que l’on ne peut pas lire la révélation des origines de l’humanité, de la même façon que les enseignements et le récit de la vie de Jésus, tel qu’ils nous ont été transmis par plusieurs témoins de première main. D’un côté, nous avons une révélation spirituelle rédigée dans un style allégorique ; et de l’autre côté, nous avons un récit circonstancié de paroles et d’évènements factuels rapportés par divers témoins oculaires, même s’ils l’on fait dans la perspective d’une expérience de foi personnelle.

 

Toutefois, alors même que l’on ne partagerait pas leur point de vue, la sincérité des créationnistes nous fait un devoir de rester ouvert à tout dialogue fondé sur l’étude des Saintes Écritures. En effet, si, contre vents et marées, beaucoup de croyants conservateurs demeurent créationnistes, c’est par respect du Texte biblique ; et si d’autres croyants sont devenus évolutionniste, c’est dans le même souci. Le problème vient du fait que ces derniers voient dans le Texte des indices qui leur paraissent manifestement symboliques – un arbre de la connaissance, un arbre de vie, un serpent qui parle, la découverte de leur nudité… – alors que les premiers prennent ces éléments de façon littérale, ignorant superbement les questions qu’ils soulèvent.. Ce qui pourrait se comprendre si certains ne dénonçaient un complot scientifique athée visant à discréditer la Bible, et si d’autres ne s’acharnaient à défendre leur lecture réactionnaire à coup d’arguments pseudo-scientifiques. Les créationnistes puisent ici leurs arguments dans une science qu’ils s’appliquent habituellement à discréditer ; alors que pour leur part, les évolutionnistes, souvent accusés d’addiction à la science, fondent avant tout leur argumentation sur la fidélité au style littéraire de ces textes bibliques.

 

Cela dit, dans la mesure où la lecture allégorique, voire mythique de la création se trouve en phase avec les dernières données scientifiques, il serait décemment irresponsable d’en faire l’économie, sous prétexte qu’elles confortent les positions évolutionnistes. Il est vrai qu’à première vue, on pourrait me reprocher à cette démarche de verser dans le travers critiqué chez les créationnistes, à savoir, revisiter leur lecture de la Bible au fur et à mesure des avancées de la science.  Car en ayant proposé le concordisme d’abord, et le dessein intelligent ensuite, il est indéniable que les créationnistes asservissent la Bible à la science ; encore que tous ne le font pas, puisque les plus radicaux d’entre eux campent sur des positions strictement littéralistes.

 

En réalité, et comme on vient de le rappeler, le choix d’une lecture allégorique ou mythique des premiers chapitres de la Bible – comme des derniers, d’ailleurs – est commandée par le genre littéraire des textes en question. Aussi, on peut très bien établir une concordance entre cette lecture de la Genèse et ce que l’on sait des avancées de la science, sans nécessairement souffrir de schizophrénie intellectuelle. Encore faut-il « rendre à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ! » Entendons par là : admettre que le comment et le quand de nos origines relèvent de la science, et que le qui, le pour qui et le pourquoi de notre présence en ce monde relèvent de la foi biblique. Si bien que découvrir la grandeur et l’infinie sagesse de Dieu à travers « le grand livre de la Création » demeure un plaisir qu’un croyant aurait bien tort de bouder, d’autant que c’est dans ce cadre qu’il est appelé à vivre le projet de l’amour qui lui est réservé, et qu’il découvre dans « le grand livre de la Révélation », la Bible ! C’est ce plaisir même, pour ne pas dire cette jubilation intense, que ces quelques réflexions veulent encourager.

 

Aussi, tout ce que les historiens pourraient dire à propos des Écritures ne pourra jamais rien changer à ma relation avec le Seigneur, ni ébranler le regard que je porte sur la Bible en tant que Parole de Dieu. Et cela, pour une raison bien simple : c’est que nous n’avons pas les mêmes critères quant à l’historicité d’un récit biblique. Non qu’il faille nier l’importance de critères tels que la fiabilité des témoignages, de leur transmission ou de leur datation : ils sont d’ailleurs l’objet d’une critique textuelle toujours plus affinée de la part des spécialistes, et qui devrait retenir toute notre attention. Mais le croyant qui a véritablement vécu une rencontre avec son Dieu dans le Christ Jésus y ajoutera toujours la notion de révélation : mystérieuse révélation de la pensée divine aux rédacteurs des Saintes Écritures, et toute aussi mystérieuse révélation du Saint-Esprit témoignant à notre esprit de vérités bibliques qui resteront toujours inaccessibles à la raison raisonnante :

Mystère caché de tout temps et à toutes les générations, mais dévoilé maintenant à ses saints…
(Colossiens 1:26)

 

Mais pour un historien athée, cette expérience de la foi paraîtra sans doute bien étrange, voire quelque peu exotique. D’ailleurs, même s’il est croyant, les exigences d’une démarche historique strictement scientifique lui interdisent d’y impliquer le rôle d’un dieu, fût-il le seul vrai Dieu ! De ce point de vue, la Bible doit être considéré comme tout autre livre : une compilation d’écrits humains, rédigés en diverses langues, en diverses époques et par des auteurs différents – ce qu’ils sont à l’évidence – à propos d’un Dieu qui doit demeurer hypothétique. En fait, du point de vue de la théologie évangélique, c’est ici que réside le risque de dérapage vers le libéralisme théologique, et non dans la reconnaissance du caractère symbolique de certains textes : symbolisme qui préserve parfaitement leur portée spirituelle.

 

Révélation pour moi, pour toi, pour tous…

Quand un croyant lit les premiers chapitres de la Bible de façon littérale, allégorique ou même mythique, l’essentiel est donc de reconnaître en Dieu l’auteur du message qui nous y est transmis, et donc d’en accepter les conséquences pour l’humanité en général, et les implications, hic et nunc, pour chacun d’entre nous en particulier! Là où certains voient un récit strictement historique, il y a surtout lieu de voir la révélation d’une réalité strictement spirituelle : celle de la volonté de Dieu racontée à travers une histoire qui n’a certainement pas pour vocation de nous révéler le modus operanti de nos origines.

 

C’est comme pour les événements relatifs à la fin du monde qui se trouvent scellés dans les révélations bien mystérieuses de l’Apocalypse : tous ceux qui ont voulu les décoder sous forme de prédictions historiques s’y sont cassé les dents… ou ont sombré dans le ridicule ! À ce sujet, il serait possible d’épiloguer à l’infini ; mais qu’est-ce que cela changerait concernant notre relation avec Dieu et la mission qu’il nous confie aujourd’hui ? N’est-ce pas le sacrifice de Jésus qui fait de nous des frères, et le don de l’Esprit qui nous unit en un même corps ? A côté de cela, toutes nos spéculations exégétiques et herméneutiques paraissent bien dérisoires.

 

Par contre, si nous prétendons vraiment être les témoins de Jésus-Christ dans ce monde, il nous appartient de ne pas défigurer ou discréditer le message dont nous sommes « porteurs », l’Évangile de Jésus-Christ. – Le New Age parlerait sans doute de « passeurs ». – Or, nous le savons, cet Évangile, la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ, n’est vraiment une bonne nouvelle que pour ceux qui ont d’abord accepté la mauvaise nouvelle de leur péché et de leur perdition éternelle. L’origine de cette condamnation nous étant révélée dans la Genèse, la présentation que nous en faisons est beaucoup plus déterminante que beaucoup de chrétiens l’imaginent.

 

Si, en préambule à toute autre démarche, nous demandons à des personnes en recherche de lire au premier degré un récit de la création et de la chute qui leur paraîtra un comte de fée, il est probable qu’un grand nombre d’entre elles n’iront pas plus loin dans leur lecture de la Bible et dans leur démarche. Au lieu de porter sur l’universalité du péché, le débat ne portera plus que sur la pertinence scientifique du récit de nos origines, et chacun restera sur ses positions. Par contre, quand on a le bon sens de mettre en valeur l’enseignement spirituel d’un récit considéré comme symbolique ou allégorique, le débat portera immédiatement sur le vrai problème : l’état de rébellion envers Dieu qui est celui de tout être humain, fût-ce en toute ignorance ou en toute bonne foi. Directement confronté à sa propre culpabilité, chacun devra alors décider de ce qu’il fait de la seule réponse possible : celle offerte en la personne et l’œuvre de Jésus-Christ.

 

Ce n’est donc pas la recherche du genre littéraire d’un récit biblique qui risque d’en trahir la portée spirituelle, au contraire. Or, sur ce point précis, les créationnistes et autres chrétiens littéralistes ne me paraissent pas avoir compris la vraie nature du danger. Finalement, le paradoxe voudrait que ceux-là mêmes qui prétendent le mieux servir la Parole de Dieu, la desserve par l’opiniâtreté de leur aveuglement.

Je leur rends ce témoignage qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais sans intelligence…
(Romains 10:2)

 

Pardon pour la violence de cette citation ! Mais il semble aujourd’hui indéniable que ce sont les options exégétiques et herméneutiques les plus extrêmes qui découragent les gens – qu’ils soient « christianisés » ou non – de lire la Bible. Sur notre gauche, à force de vouloir rendre la Bible acceptable par la libre pensée et l’athéisme ambiant, la théologie libérale l’a si bien épurée de tout surnaturel, qu’il n’en reste qu’une spiritualité attiédie. Le relativisme qui en découle conduit la plupart de ces « croyants » à penser que : « toutes les opinions se valent, pour peu qu’on soit sincère », ou encore que « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! »… Sous-entendu : « Nous irons tous au paradis… s’il existe vraiment ! » Dès lors, la seule chose à retirer de la Bible, ce sont les quelques bribes d’un humanisme consensuel, après passage au crible d’une herméneutique soumise à la dictature du libre examen.

 

Sur notre droite, un créationnisme tantôt enfantin, tantôt plus sophistiqué encourage l’établissement d’un regrettable amalgame de la foi avec tous les éléments surnaturels de la Bible. Dès lors, il n’existe plus aucune distinction entre ceux qui interpellent notre foi et ceux qui questionnent la science. Si bien que le lecteur incroyant se trouve – par exemple –encouragé à rejeter certains éléments spirituels, tels l’émergence du péché, parce que celle-ci lui est présentée comme indissociable de la soudaine et miraculeuse apparition de l’homme sur la terre. Dès lors, faut-il encore s’étonner de voir les agnostiques et les athées jeter le bébé avec l’eau du bain ?… D’où, également, le tapis rouge déroulé devant les pieds des partisans de la libre pensée ou du scientisme contemporain.

 

Comme on le voit, et même si c’est en toute « bonne » foi, ne pas faire la différence entre les divers éléments du « surnaturel » biblique, tels que la création – une révélation divine, personne n’en ayant été témoin – et la résurrection – un récit biblique attesté par une multitude de témoins oculaires – contribue finalement à saper l’édifice du salut en Jésus-Christ et entraîne l’effondrement de toute la doctrine chrétienne. Si bien que le littéralisme biblique risque de porter les mêmes fruits amers que le libéralisme extrême qu’il prétend contrer. Ce qui serait dommage, car traiter de fables ou de légendes tous les récits miraculeux de la Bible, sans distinctions, n’est-ce pas exclure l’idée que Dieu puisse intervenir dans l’Histoire des hommes ? Et pourtant…