Introduction (B.H.)

J’ai traduit une bonne partie du témoignage de Mario Russo, ancien « apologète créationniste anti-évolution », dont le cheminement m’a interpellé. C’est en étudiant la Bible, armé de bons outils d’interprétation, qu’il a réalisé l’erreur de placer le texte biblique sur un terrain scientifique, en compétition avec les découvertes de la science. Vous trouverez l’intégralité du témoignage sur le blog de la fondation BioLogos.

 

L’histoire d’un ancien drogué aux « réponses » toutes faites : de la défense du créationnisme de la jeune terre à la création évolutive.

 

En tant qu’enfant, on m’a appris que la théorie de l’évolution n’était basée sur aucun fait scientifique réel et qu’elle contredisait la Bible. Je ne disposais alors d’aucune réponse biblique ou scientifique pour défendre le créationnisme (la théorie que la terre est jeune et que Dieu a créé les espèces séparément) autre que d’affirmer :’la Bible le dit”. J’ai dévoré la littérature créationniste et j’ai mémorisé ses arguments contre l’évolution. Pour la première fois dans ma vie, j’avais l’impression d’avoir la réponse aux “grandes questions” et je voulais les partager avec tout le monde.

A 17 ans, c’était clair pour moi. La Bible affirmait que Dieu avait créé toute chose en 6 jours de 24 heures. Il n’y avait pas de place pour une autre “théorie”. Si Dieu était le créateur, l’évolution était un mensonge. Mon devoir était simple : détruire la théorie de l’évolution par l’argumentation pour ne laisser la place qu’à une seule option : Dieu est le créateur.

Fournir des réponses est la tâche essentielle des défenseurs du créationnisme. J’ai entendu Ken Ham (leader du mouvement) affirmer à plusieurs reprises : “On peut trouver la réponse à toutes les questions directement ou indirectement dans les 11 premiers chapitres de la Genèse. Pourquoi nous revêtons-nous d’habits? Genèse 1-11. D’où vient la femme de Cain ? Genèse 1-11. Pourquoi Jésus est-il mort sur la croix ? Genèse 1-11.” Toutes ces réponses agissaient comme une drogue qui nourrissait mon addiction. Plus j’avais de réponses, plus j’en voulais d’autres. Je ne pouvais concevoir d’autres interprétations de la Genèse car elles remettaient en question toutes mes certitudes. Si je n’avais pas ces réponses, mais foi s’évaporerait. C’était du moins ma conviction.

J’ai fait des études de biologie et de psychologie dans une université publique aux EU. Mes parents étaient inquiets du fait que mes convictions allaient être mise en question par mes professeurs. Mais j’ai obtenu mes diplômes, encore plus convaincu que je n’étais entré à l’université, prêt à faire face à tout débat à propos des “preuves scientifiques” de l’évolution, auréolé de mes diplômes.

En 2009, j’ai commencé des études théologiques. Ma femme et moi nous sentions appelés à être missionnaires. J’ai pris des cours d’exégèse biblique, afin d’apprendre à interpréter un passage biblique.

.Je n’avais pas anticipé le fait que ce que j’allais apprendre allait complètement changer mon interprétation de la Genèse. L’une des clés était de comprendre qui l’auteur était, pourquoi il écrivait ce livre, à qui il écrivait, et ce qu’il essayait de dire…J’ai décidé me mettre mon interprétation de la Genèse à l’épreuve grâce à ces nouveaux outils. Ce que j’ai découvert m’a bouleversé.

J’ai découvert que les premiers chapitres de la Genèse avaient une signification que j’ignorais jusqu’à présent. Comprendre le genre littéraire et le contexte socio-culturel de la Genèse a complètement changé mon interprétation des récits de la création. J’espérais trouver des arguments bibliques contre l’évolution, mais j’ai découvert à la place que la Genèse n’était absolument pas concernée par les questions d’ordre scientifique concernant les origines.

 

Les premiers chapitres de la Bible nous proposaient une histoire bien plus grandiose et majestueuse que tout ce que j’avais cru jusque là. Dieu n’était pas en train de s’opposer à une théorie scientifique qui n’existait pas à l’époque. Dieu expliquait à son peuple combien il était puissant et glorieux. Il donnait à son peuple son identité et se présentait en tant que leur Dieu et roi- rien à voir avec la théorie de l’évolution.

Plus j’étudiais et j’apprenais, moins j’avais besoin de “réponses” à toutes mes questions. Je m’accommodais de plus en plus de la phrase “je ne sais pas”.

En lisant les livres des théologiens Robert Asher (Evolution and Belief) et Alister McGrath (Surprised by Meaning), j’ai compris que la science nous explique le mécanisme par lequel la vie s’est développée, mais la foi nous parle de l’agent à l’oeuvre derrière le mécanisme. Elles se complètent l’une et l’autre.

J’ai compris qu’il me fallait vivre avec des questions non résolues.

La foi chrétienne peut-elle expliquer exactement comment Jésus était pleinement humain et pleinement divin? Ou comment Dieu est à la fois unique et trois personnes. Il y a beaucoup de mystères dans la foi chrétienne, mais cela ne veut pas dire qu’elle est fausse.

Je fais confiance à Dieu parce qu’il s’est montré digne de confiance, pas parce que j’ai la réponse à toutes mes questions.

Même si je n’ai pas la réponse à tout, mes questions ne m’empêchent pas de mettre ma confiance en une théorie scientifique bien établie. Cela me pousse au contraire à poursuivre mes investigations, avec l’idée que quoique la science va découvrir, cela fait partie de la création de Dieu.