Toute vérité est vérité divine,
quelle que soit sa provenance! C’est ce que Calvin nous rappelle :
« Quand donc nous voyons aux écrivains païens cette admirable lumière de vérité, qui apparaît en leurs livres, cela doit nous admonester que la nature de l’homme, bien qu’elle soit déchue dans son intégrité et fort corrompue, ne laisse point toutefois d’être ornée de beaucoup de dons de Dieu. Si nous reconnaissons l’esprit de Dieu comme une fontaine unique de vérité, nous ne mépriserons point la vérité, partout où elle apparaîtra. » L’Institution Chrétienne 2.2.15
Une science ancienne
Les chapitres 1 à 11 de la Genèse présentent une structure, un fonctionnement et une origine anciennes de l’univers et de la vie. La figure 1 nous permet de visualiser comment les peuples anciens du Proche Orient voyaient le monde, y compris les hébreux, le peuple élu de Dieu. Certains chrétiens seront peut-être étonnés, mais on trouve cette construction du cosmos dans la Bible. Donnons quelques caractéristiques de cette conception ancienne :
- La terre est plate. Le mot « terre » apparaît plus de 2500 fois dans l’Ancien Testament (« eres ») et 250 fois dans le Nouveau (« ge »). Pas une seule fois il n’est dit que la Terre est ronde ou sphérique. Au lieu de cela, dans les Écritures, l’Univers est comparé à une tente, la terre constituant le sol (Psaumes 19 : 4, Psaumes 104 : 2, Esaïe 40 : 22).
- La terre est inébranlable. La Bible nous rapporte trois fois que « le monde reste ferme, inébranlable » (1 Chroniques 16 :30, Psaumes 93 :1, Psaumes 96 :10). La stabilité de la terre est décrite comme celle d’un bâtiment appuyé sur de solides fondations. Les auteurs bibliques font fréquemment référence à cette base stable en tant que « fondements de la terre » (Job 38 :4-6, Proverbes 8 :29, Jérémie 31 : 37). Par exemple « Il (Dieu) a fondé la terre sur ses bases, elle est à tout jamais inébranlable. » (Psaumes 104:5).
- Des réserves d’eau sont retenues au-dessus de la terre. Créées le deuxième jour de la création, les « eaux d’en haut » ont été élevées grâce au firmament, un dôme solide qui surplombe la terre (Genèse 1 : 6-8). Ces réserves célestes d’eau sont demeurées en place, même après le déluge de Noé. Comme le psalmiste le fait remarquer, Dieu « déploie les cieux comme une tenture. Il étage ses demeures au-dessus des eaux » (Psaumes 104:2-3), de même : « Louez-le, vous les plus élevés des cieux, et vous les eaux qui êtes par–dessus les cieux. » (Psaumes 148:4)
- Le soleil se déplace dans le ciel. La plupart des chrétiens connaissent bien ce récit miraculeux du soleil arrêté dans sa course durant la bataille de Josué avec les Ammonites (Josué 10 : 12-14). Ces conceptions anciennes de l’astronomie se trouve aussi dans les observations du roi Salomon : « Le soleil se lève et le soleil se couche, il aspire à ce lieu d’où il se lève. » (Ecclésiaste 1:5), dans les louanges du psalmiste : «D’un bout du ciel le soleil surgit, il vire à l’autre bout, et rien n’échappe à sa chaleur. » (Psaumes 19:6).
Bien sûr, nous pourrions faire remarquer que cette description est phénoménologique, c’est-à-dire qu’elle ne fait que refléter les « apparences ». La terre parait plate et immobile, le ciel est du même bleu changeant qu’une étendue d’eau et la pluie tombe du ciel. Le soleil se lève et se couche tous les jours. Pourtant, pour les peuples anciens comme les Hébreux, il s’agit d’une véritable description de la structure et du fonctionnement de l’Univers. Comme nous le savons par l’histoire, le fait que la terre soit immobile était un acquis jusqu’au XVIIe siècle et la controverse de Galilée.
Pour certains croyants, il est difficile de reconnaître que des affirmations de l’Écriture reposent sur une science ancienne parce qu’ils pensent que la Bible affirme à propos du monde physique de façon infaillible et sans erreur. Ils croient en effet que le Saint-Esprit a révélé des faits de nature scientifique des milliers d’années avant leur découverte par la science moderne. En d’autres termes, ces croyants acceptent le « concordisme » (ou mieux le « concordisme scientifique »). Ils pensent qu’il y a un accord entre la science et la Bible. Au contraire, nous ne nous excusons pas du fait que, de manière évidente, les auteurs bibliques utilisent d’anciennes conceptions scientifiques. Nous devrions au contraire en tenir compte dans notre façon de comprendre la révélation divine. De la même façon que le Message puissant de la Foi pénètre nos cœurs et notre esprit (Hébreux 4 :12, Romain 12 :2), nous devrions admettre que les Écritures soient véhiculées par une science ancienne et remodeler notre compréhension de l’infaillibilité et l’ inhérence biblique.
Le fait que la Bible soit écrite avec une science ancienne ne nous trouble pas. En réalité, nous nous y attendions. Établissons un parallèle avec le plus grand acte de révélation divine : l’incarnation. Le Créateur est descendu du ciel et s’est incarné en la personne de Jésus pour révéler l’amour éternel de Dieu envers nous. La Seigneur a parlé Araméen, la langue commune des habitants de la Palestine au Ier siècle. Il a prêché en utilisant des paraboles, indiquant par là qu’il utilisait les idées et les concepts ordinaires des gens de cette époque. Par exemple, Jésus a mis à profit les connaissances en agriculture de ses auditeurs dans la parabole du semeur (Marc 4 :1-9), la semence grandit en secret (Marc 4 :26-29), les mauvaises herbes (Matthieu 13 :24-30) et la graine de moutarde (Matthieu 13 :31-32). Cette dernière parabole est particulièrement intéressante. Le Seigneur s’est servi des connaissances botaniques de l’époque en affirmant que la graine de moutarde est « la plus petite de toutes les semences » alors qu’en réalité, beaucoup de graines, comme celles des orchidées, sont bien plus petites. En d’autres termes, Jésus s’est adapté et s’est abaissé au niveau des connaissances de son audience de l’époque.
De même, l’utilisation de la science ancienne dans le récit de la création est une adaptation au niveau conceptuel des Hébreux, comparable à celui de Jésus dans son ministère d’enseignement. Avant que le Saint-Esprit ne révèle au monde que cet Univers est Sa création, les hommes et les femmes ont forcément acquis une conception à propos de la nature. La science est ainsi nécessaire avant que quiconque ne puisse saisir des vérités théologiques à propos de la création. Dans le cas des Hébreux, il s’agit de la conception ancienne des peuples du Proche Orient concernant la structure, le fonctionnement et les origines de l’Univers et de la Vie. Le fait que cette description scientifique soit inexacte et qu’elle décrive correctement ou pas la réalité physique n’a aucune conséquence pour notre compréhension du Message de Foi. Ce message puissant et divin transcende le mode scientifique de communication qui s’y attache. Par exemple, les Hébreux pensaient que le bleu du ciel était dû à des réserves d’eau dans le ciel. Aujourd’hui nous savons qu’il s’agit d’un effet visuel dû à la diffusion prédominante des courtes longueurs d’onde de la lumière solaire par l’atmosphère. Malgré ces deux points de vue différents, la vérité théologique demeure : la couleur bleue du ciel est une création de Dieu. En utilisant des conceptions scientifiques anciennes dans la description de Genèse 1, le Saint-Esprit s’est adapté à leur niveau de connaissances pour leur expliquer le plus efficacement possible que Dieu est le Créateur de la structure bleue étendue qu’ils pouvaient contempler. Autrement dit, le récit biblique de la création était adapté à son audience première de la même manière que Jésus s’est adapté à nous en prenant forme humaine.
(Source: Evolutionary Creation. Ed Wipf and Stock Denis O. Lamoureux.)