Science & Foi : Bonjour Michael, sur ton site, on trouve ta « bio ». Tu es maître de conférences à l’université de Strasbourg, spécialiste de littérature hébraïque et araméenne, chercheur associé au CNRS/Collège de France, et bien d’autres choses encore. Pourrais-tu parler de la « genèse » de ta vocation ?
Michael Langlois : J’ai grandi dans une famille chrétienne et mes parents m’ont très tôt transmis leur foi. Je n’avais pas l’intention d’en faire mes études, d’autant que j’étais plutôt « matheux ». À l’université, j’ai commencé par étudier les mathématiques, la physique, la chimie, l’informatique. Je me suis spécialisé en mathématiques fondamentales. J’aimais mes études, mais je me suis senti appelé à autre chose. Une véritable vocation ! J’ai donc étudié la théologie, et me suis très vite passionné par l’étude de la Bible, sa rédaction, ses langues, son contexte historique. Cela m’a conduit à des études d’histoire et de philologie, à une thèse de doctorat, et à une carrière d’enseignant-chercheur.
Science & Foi : Je sais que tu aimes vulgariser et communiquer au grand public les découvertes concernant la Bible, sa constitution. Pourrais-tu nous donner quelques exemples.
Michael Langlois : Je prépare actuellement la publication d’anciens manuscrits, vieux de 2000 ans, qui constituent les plus anciens témoins du texte biblique. Ils sont comme une machine à remonter le temps : on accède à une étape antérieure de la rédaction de la Bible, on lit les textes comme le faisaient les Judéens et les premiers chrétiens, y compris Jésus.
Je travaille également sur des inscriptions encore plus anciennes, vieilles de 2500 ans, qui documentent le royaume de Juda avant l’exil à Babylone. On y découvre comment le royaume était administré, comment s’appelaient ses habitants, combien coûtaient les denrées, quelles étaient les formules de salutation et de bénédiction dans les lettres, etc. C’est une source inestimable pour mieux comprendre le monde qui a vu naître la Bible !
Science & Foi : Rencontres-tu un véritable intérêt chez les croyants et/ou les non croyants ?
Michael Langlois : Absolument ! Je suis régulièrement invité à donner des conférences, et le public est toujours au rendez-vous, qu’il soit croyant ou non. Pour le croyant, qu’il soit juif, chrétien ou musulman, c’est une expérience de découverte des origines de la Bible et de sa foi ; pour le non-croyant, c’est l’occasion d’alimenter sa réflexion sur la religion et sur notre héritage culturel en abordant la Bible sous un autre angle.
Science & Foi : Depuis la fin du dix-neuvième siècle et l’essor de l’archéologie et de l’étude « critique » de la Bible, certains chrétiens ont eu le sentiment qu’on cherchait à affaiblir leur foi en « attaquant » l’histoire biblique et en remettant en cause des certitudes bien établies. Penses-tu que ce soit le cas ?
Michael Langlois : Non ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, les premiers spécialistes de l’étude « critique » (c’est-à-dire analytique) de la Bible étaient croyants, ils cherchaient tout simplement à mieux la comprendre et à revenir aux sources de la révélation divine. Comme pour toute science, leurs découvertes pouvaient faire peur à des non-spécialistes. Lorsque Copernic puis Galilée ont dit que la terre gravitait autour du soleil, et non le contraire, ils se sont attirés les foudres de l’Église, qui voyait là un rejet de l’autorité des Écritures. Espérons que les scientifiques qui étudient la Bible ne seront pas contraints d’abjurer, comme Galilée a dû le faire en son temps.
Science & Foi : Quelle devrait être la réaction des chrétiens face à cette démarche et aux découvertes des sciences bibliques ?
Michael Langlois : Si Dieu nous a créés avec un cerveau, c’est pour qu’on s’en serve ! Les chrétiens ont donc toutes les raisons de promouvoir les sciences, qu’elles soient physiques ou historiques. Les scientifiques ne savent pas ce qu’ils vont découvrir — c’est le propre de la recherche fondamentale — mais il ne faut pas pour autant avoir peur de l’inconnu ; après tout, la Bible ne nous encourage-t-elle pas à avoir l’amour de la vérité ?
Science&Foi : En quoi cette démarche pourrait-elle renforcer la foi ?
Michael Langlois : Les sciences bibliques nous permettent de mieux connaître la Bible et de mieux comprendre son message. Elles nous aident à progresser dans notre foi, à éviter de tordre le sens du texte biblique. Grâce aux sciences bibliques, nous pouvons transformer notre foi souvent naïve ou superficielle — faute de connaissance — en une foi instruite, informée, recentrée, approfondie. Un véritable défi !
Science & Foi :Merci Michael d’avoir accepté de répondre à mes questions. Je renvoie sur ton site internet qui contient bien des trésors, comme cette traversée de la Bible qui est un survol audio de l’Ancien Testament, et que je recommande à tous nos lecteurs !