Un processus en plusieurs étapes :
Je n’ai pas accepté l’idée d’une origine biologique commune aux espèces vivantes (la macroévolution) d’un seul coup. Cela s’est fait en plusieurs étapes. Les psychologues expliquent très bien ce phénomène. Nous avons tous une certaine conception du monde qui nous entoure. Un certain nombre de convictions, de valeurs profondément enracinées en chacun d’entre nous façonnent notre regard et nous font interpréter les évènements de telle ou telle manière. Face au mêmes circonstances, nous pouvons réagir très différemment : « C’est Dieu qui me juge et me puni » ou bien « Dieu permet cette épreuve pour me faire progresser dans mon caractère parce qu’il m’aime et veut mon perfectionnement. »… Ces croyances personnelles, conscientes ou non dont chacun a besoin pour se construire et parvenir à une conception du monde la plus cohérente possible sont acquises sous l’influence de la famille, de l’école, de la télévision, de la tradition théologique de l’église que l’on fréquente…On n’en change pas facilement, surtout quand on a la conviction qu’il s’agit d’un élément essentiel pour sa foi. Paul invite d’ailleurs à une grande tolérance entre croyants à propos des opinions de chacun sur certains sujets secondaires (comme la valeur des jours de la semaine, celle de tel ou tel aliment.)
On est parfois surpris de voir quelqu’un changer brusquement d’opinion à propos d’une question pour laquelle il (ou elle) paraissait si sûr de lui. C’est qu’en réalité de nouvelles données sont d’abord venues susciter de nouvelles questions, puis un véritable doute quant à certaines convictions antérieures. Le basculement s’opère quand l’accumulation de données convergentes vient construire petit à petit une nouvelle façon plus satisfaisante car plus cohérente d’appréhender et d’interpréter la réalité.
Les facteurs de changement :
Steve Martin donne plusieurs raisons pour lesquelles de plus en plus de chrétiens évangéliques, en particulier ceux qui ont une certaine connaissance en biologie et/ou en théologie, ont la conviction que Dieu a choisi de créer les espèces par un mécanisme évolutif.
En voici quelques unes :
- Le fait de réaliser que certaines des affirmations traditionnelles « simples » ne sont pas si simples.
- La perte de confiance dans certains discours de certains leaders évangéliques qui défendent de manière dogmatiques des idées indéfendables.
- Une évaluation des preuves scientifiques de l’évolution.
- Un approfondissement des méthodes d’interprétation de la Bible et de la théologie biblique en général.
- Le témoignage de chrétiens véritables et équilibrés qui acceptent l’évolution, en présentent les preuves scientifiques et donnent des réponses théologiques satisfaisantes.
Le discours des créationnistes anti-évolutionnistes à propos de l’âge de la terre et de l’univers joue souvent un rôle déterminant. Puisque ces croyants sincères, mais visiblement mal informés de leur affaire, affirment si dogmatiquement que la terre a quelques milliers d’années, que Dieu a forcément créé le monde en six jours de vingt quatre heures et surtout que la Bible enseigne une telle vérité au même titre que la mort et la résurrection de Jésus, se pourraient-il que leur méthode ultra littérale d’interprétation les amène à commettre les mêmes erreurs à propos de la théorie de l’évolution ?
Ce qui m’a fait basculer dans le camp des évolutionnistes (scientifiques mais pas idéologiques), c’est d’abord le témoignage de chrétiens évangéliques qui acceptent l’évolution. Puis une évaluation personnelle et approfondie des preuves la soutenant (je suis physicien de formation). Quand un biologiste athée mêle avec ses explications scientifiques des considérations idéologiques anti-chrétiennes, il est très difficile de faire la différence entre ce qui relève de la science véritable et ce qui relève de la malhonnêteté intellectuelle. Le premier réflexe est donc de tout rejeter en bloc, le bébé (l’évolution), avec l’eau du bain (l’athéisme). Quand un spécialiste chrétien des fossiles ou de génétique vous explique les multiples preuves indépendantes et convergentes en faveur de l’évolution, et qu’il y voit la gloire de Dieu au travers des mécanismes biologiques mêmes, les croyants le reçoivent généralement différemment.
« Il y a de la grandeur dans cette vision de la vie, avec cette puissance initiale soufflée par le Créateur dans quelques formes ou dans une seule…et qu’à partir d’un début si simple, des formes infiniment belles et magnifiques ont évoluée et évoluent encore. »
Darwin, l’Origine des espèces (2ème à 6ème éditions)
Bien entendu, cela suscite une certains nombre de questions sur le plan théologique. Nous n’avons pas toutes les réponses…mais les progrès théologiques réalisés me paraissent néanmoins spectaculaires.
Il faut forcément faire confiance sur tel ou tel point à un spécialiste à un moment donné ou à un autre. Les croyants qui ont la motivation et le temps pour approfondir leurs connaissances en géologie, biologie, génétique, paléontologie (étude des fossiles), anthropologie, culture du Moyen Orient ancien, théologie biblique, histoire des rapports entre l’évolutionnisme et le christianisme…sont peu nombreux et personne ne peut prétendre maîtriser tous ces domaines à la fois. J’ai essayé de me faire une opinion sur toutes ces questions au cours des dernières années, mais je suis bien conscient qu’il reste tant à découvrir encore. L’aboutissement de mes réflexions est forcément provisoire, mais j’observe que de plus en plus de théologiens et de scientifiques de confession évangélique arrivent aux mêmes conclusions que moi.