Le groupe SVT du SNES, puissant syndicat de l’éducation nationale, » dans le cadre de l’Observatoire des pratiques et des contenus du SNES, a mis en place une journée de réflexion disciplinaire ayant pour thème « l’enseignement de l’évolution face aux croyances ».
Cette journée de réflexion a abouti à une synthèse qui est disponible en ligne.
L’un des enjeux principaux des relations entre science et foi chrétienne concerne bien évidemment l’enseignement des sciences, et en particulier le thème sensible des origines de l’humanité.
Nous avons déjà publié un remarquable article de Michael Pool sur ce sujet, que l’on peut consulter si on veut connaître le positionnement de notre association sur cette question.
Nous partageons donc les préoccupations des organisateurs de la réflexion qui a eu lieu dans le cadre du SNES.
L’un des intervenants présente le problème tel qu’il peut être vécu dans le cadre des cours de sciences et vie de la terre (SVT):
« Un jour de mars 2004, sur la liste de diffusion SVT du SNES, on pouvait lire : » Lorsque j’enseigne l’évolution, des élèves me disent » ce n’est pas ce que le prêtre dit » « .
Lors de portes ouvertes dans un lycée breton, en mars 2006, un père d’élève demande à la jeune stagiaire de SVT qui parlait de l’enseignement » vous n’enseignez pas d’autres théories ? « . La jeune collègue lui répliqua qu’elle enseignait l’évolution basée sur des faits scientifiques.
Cas isolés pourrait-on croire? Ce serait sans compter sur des mouvements bien installés dans notre pays comme certaines églises protestantes (Adventistes du 7e jour) ou comme les Témoins de Jéhovah par exemple. Mais les frontières ne sont guère perméables à ces idées: qu’une ministre de l’Education des Pays Bas, ou que celui de Turquie ne soient pas opposés à d’autres explications qu’à celle de Darwin doit nous faire réfléchir. Et ce n’est pas parce qu’un océan nous sépare des USA que l’on peut estimer qu’il n’y a pas danger en notre demeure. Les chercheurs qu’ils soient de Turquie ou de France ne s’y sont pas trompés quant ils lancent un appel à la vigilance contre le néocréationisme et les intrusions spiritualistes en sciences. » Joël Besnard, du groupe SVT du SNES.
Comment répondre à une telle situation?
Guillaume Lecoîntre du Museum d’Histoire Naturelle rappelle que la science n’est pas compétente en matière de morale ou de métaphysique:
« Ce que la science ne produit pas : des justifications ou des démonstrations proactives d’une posture morale, d’une politique, d’une métaphysique, de valeurs particulières. La science s’occupe de faits, pas de valeurs. Les valeurs doivent être choisies dans le champ moral et politique, sur des arguments moraux et/ou politiques. «
Le CNEF (conseil national des évangéliques de France) a publié un petit ouvrage remarquable qui rappelle à chacun, et en particulier aux croyants, élèves, parents et enseignants, leurs droits en matière d’expression de leur foi dans le cadre de l’école:
Il y est rappelé en s’appuyant sur les différents textes de loi en vigueur que:
« Les enseignants ont droit au respect de la liberté de conscience mais sont soumis au devoir de neutralité dans leurs fonctions. »
« Depuis la loi du 9 décembre 1905 et la Constitution française de 1948, la liberté de conscience des enseignants est reconnue mais limitée en raison de la laïcité de l’Etat. Le devoir de neutralité s’applique ainsi aux enseignants dans le cadre de leur fonction. A l’école publique, les enseignants doivent user de réserve quant à leurs propres convictions. Leur liberté pédagogique ne peut servir de prétexte pour diffuser des convictions religieuses, politiques ou philosophiques. »
La synthèse du SNES présente toute une série d’arguments à la fois scientifiques et épistémologiques expliquant pourquoi les enseignants en biologie accomplissent bel et bien leur fonction en enseignant l’évolution aux élèves. La plupart de ces arguments sont idéologiquement neutres…mais pas tous!
On peut sincèrement s’interroger sur la neutralité idéologiques de certains propos…
« Le développement de mouvements religieux affirmant que l’Homme, voire les Etres Vivants, ont été » créés » ou » conçus » par une Force, un Designer, un Dieu, d’autres Etres (supérieurs) n’est pas nouveau: il est constitutif de la plupart des religions. Mais ce qui peut nous poser problème, c’est leur ténacité face au développement de la recherche scientifique, tout premièrement celle de Darwin. Cette ténacité cache à peine une forme de pensée opposée à celle que nous cherchons à donner à nos élèves.
Mais elle ne cache même plus les conséquences de cette forme de pensée sur la société: un refus de l’évolution, des changements dus au hasard, une fixité de l’espèce est porteur d’une sclérose de la pensée et de la société. Et notre rôle de syndicaliste est de combattre cette sclérose. » Joël Besnard
Ainsi, le fait de croire que Dieu est le créateur, et qu’il a conçu l’Homme serait contradictoire avec les découvertes de la biologie, et c’est cette « forme de pensée » que les professeurs « cherchent à donner à leurs élèves!! Darwin doit se retourner dans sa tombe!
On peut aussi s’interroger sur les propos d’un réductionnisme à peine voilé de Guillaume Lecoîntre, bien connu pour son athéisme militant, alors qu’il dénonce la « science instrumentalisée »:
« Certaines assertions sont perçues comme un discours de valeur, alors qu’elles sont seulement scientifiques. Or les noms que posent les scientifiques sur les réalités de la nature sont des conventions de langage.
On peut prendre pour exemple les affirmations : l’Homme est un animal, l’Homme est un singe.
Si l’on définit un singe par la fusion des os frontaux du crâne (à la différence du chien, par exemple), alors la simple observation de différents crânes permet de ranger l’Homme parmi les singes. » Singe » est un concept phylogénétique fondé sur des observations, pas une insulte. «
Bref, malgré tous les excellents conseils prodigués dans cette synthèse, on peut s’interroger sur le type de « laïcité » que les organisateurs de cette réflexion ont voulu promouvoir, surtout si cette stratégie est en conformité avec l’esprit du « respect des croyances » et si elle est à même de solutionner les problèmes soulevés à juste titre.