Article original par Paul Marston ici.
Personne n’interprète toute la Bible de manière littérale
En fait, bien que les médias parlent souvent des « littéralistes bibliques », absolument personne ne prend la totalité de la Bible au sens littéral. Si on regarde aux expressions de Jésus ( “ si ton œil droit te fait tomber dans le péché, arrache–le et jette–le au loin, car il vaut mieux pour toi perdre un de tes organes que de voir ton corps entier précipité en enfer.” (Matthieu 5:29)), il y a peu de littéralistes borgnes qui suggèrent que nous devrions vraiment « haïr » tous les membres de nos familles (“Si quelqu’un vient à moi, et s’il ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple.” (Luc 14:26), et encore moins qui pensent que Jésus était une vigne au sens littéral bien qu’il ait dit clairement qu’il en était une (“Moi, je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron.” (Jean 15:1))
Si on analyse les passages concernant la création, l’une des toutes premières affirmations est « et Dieu dit : que la lumière soit » – mais peu de gens supposent que cela signifie que Dieu ait parlé en utilisant des ondes sonores avant même qu’il ait créé une atmosphère. Les gens qui cherchent en le clamant avec force à être des « littéralistes » ne le sont pas en vérité. Ainsi, par exemple, Henry Morris (chef de file du mouvement créationniste de la jeune terre aux Etats-Unis), un personnage clé de la mise en place du mouvement prétendu « littéraliste », et nous découvrons qu’en pratique, il a interprété les passages de la Bible sur la création en dix points principaux au sens figuré. C’est inévitable. Personne ne peut être complètement littéraliste.
Les vrais chrétiens
Dans quelle mesure les chrétiens doivent-ils être “littéralistes” ? Est-il bon de prendre les écrits aussi littéralement que possible ? Un vrai chrétien doit bien sûr être un disciple de Jésus et accepter le fait qu’il était le « Christ » ou l’oint de Dieu. Jésus n’a pas seulement demandé aux gens de croire certaines choses à propos de Dieu, mais aussi de le suivre dans une relation intime avec Dieu le Père basée sur la foi. Une personne peut croire au mariage sans avoir une femme ou un mari, de même quelqu’un peut croire tout ce qui est exact à propos de Dieu sans avoir une relation avec Lui. Un chrétien est quelqu’un qui a personnellement accepté Christ comme Sauveur et Seigneur, et qui a une relation avec Lui. Mais un chrétien suit aussi ce que Jésus a enseigné, et devrait commencer par se demander quelle approche Jésus a eu de la langue et de la Bible.
Jésus et le langage
Comment donc Jésus a-t-il utilisé le langage ? Il est frappant de voir que ses amis aussi bien que les critiques ont pris si souvent au sens littéral ce qu’il disait avec des symboles ou des métaphores. Les choses dont parlait Jésus étaient bien-sûr vraies, mais elles n’étaient ni littérales ni physiques. Il a parlé de détruire et de rebâtir le Temple (“Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai.” (Jean 2:19))– mais il ne parlait pas d’édifice au sens propre. Il a parlé de manger son corps (“Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain, il le rompit et le donna aux disciples en disant : Prenez, mangez, ceci est mon corps.” (Matthieu 26:26) et d’avoir une nourriture et un breuvage inconnus (“Mais il leur dit : J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas.” (Jean 4:32)) – mais il ne décrivait pas un régime au sens propre. Il a parlé de donner de l’eau vive, mais n’enseignait pas la science de l’hydrostatique (“ Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle.” (Jean 4:13-14))
Il a parlé de naître de nouveau (“si un homme ne naît de nouveau il ne peut voir le royaume de Dieu.” (Jean 3:3), mais n’enseignait pas la pédiatrie, même si celui qui était en recherche (Nicodème) et à qui il parlait pouvait bien le penser.
Il nous faut noter trois points essentiels à ce propos :
Ce que Jésus a dit était l’absolue VERITE, ce n’est pas un mythe ou une légende – il a vraiment offert à la femme de « l’eau vive ». C’est une erreur fondamentale des « littéralistes » modernes – induits en erreur par le matérialisme de notre temps – de comprendre à tort le littéral et le physique comme les choses les plus vraies qui soient, plutôt que comme des choses qui passent (1 Corinthiens 7:31).
1Nous ne devrions jamais parler de « simple symbolisme » – le faire, c’est insulter le Christ qui a choisi d’utiliser le langage symbolique pour son enseignement spirituel le plus profond.
2Si la marque de l’enseignement de Jésus était cette utilisation constante du langage symbolique pour communiquer la vérité spirituelle, alors les chrétiens ont un besoin suprême de sensibilité aux symboles utilisés dans son enseignement spirituel.
3Lorsque Jésus lui-même est venu à interpréter les mots que son Père avait placés dans les récits bibliques de la création, il s’est servi des mêmes principes.
Littéralisme et autorité biblique
Il est aussi à noter que la question du « littéralisme » est bien distincte de celle de l’autorité et de l’inspiration de la Bible. Jésus croyait clairement que l’Ancien Testament était à la fois inspiré et faisait autorité [1] – il ne croyait pas qu’il contenait seulement de beaux récits et quelques passages « inspirés » (comme les fables d’Esope ou Le Seigneur des Anneaux). Mais croire que quelque chose est inspiré et précis n’entraîne pas nécessairement qu’on le prenne au sens littéral. Ainsi par exemple, nous pouvons croire que Jean a été absolument précis et inspiré quand il a écrit que Jésus avait dit « Je suis le cep » – mais cela ne veut pas dire que nous le prenions au sens littéral. Jésus croyait tout à fait que la totalité de l’Ancien Testament (sa Bible) était inspirée, mais l’a-t-il prise au sens propre ?
L’approche de Jésus des passages concernant la création de l’Ancien Testament
Genèse 1 nous montre Dieu se reposant le septième jour, bien que chaque Juif sache que Dieu ne se fatigue pas et ne se lasse point en réalité (Esaïe 40:28). Mais Jésus a-t-il pensé que cela signifiait que Dieu s’est reposé pendant un jour et puis, peut-être s’est mis à faire autre chose ? Non. Jésus a dit que Dieu travaillait « encore maintenant », bien qu’il s’agisse effectivement du « Sabbat » de Dieu, il n’est donc pas question d’un jour au sens propre (Jean 5:17). Donc, si Jésus n’a pas pris le septième « jour » de Genèse 1 au sens littéral, pourquoi devrait-on prendre les autres « jours » au sens propre ? Les plus grands enseignants chrétiens de l’histoire de l’église primitive notamment, tels Augustin et Origène, ont suivi Jésus dans une compréhension non littérale du « septième jour » et l’ont explicitement étendue aussi aux autres « jours ». Jésus aussi a dit simplement « Dieu est esprit » (Jean 4:24) et, en tant que Juif, il était bien conscient que c’était parce qu’ils n’avaient pas vu d’image de Dieu (Deutéronome 4:17), qu’aucune image taillée d’homme ne pouvait représenter Dieu. Aucun Juif n’aurait pris littéralement l’image de Dieu marchant dans le jardin bruyamment et qui ne pouvait pas trouver Adam et Eve (Genèse 3:8-9). De même, Genèse 3:15 prophétise au « serpent » dans le jardin d’Eden une inimitié continuelle entre la descendance du serpent et celle de la femme, laquelle culminera lorsque le serpent sera écrasé par la descendance de la femme. Jésus fait clairement allusion à Satan à travers le serpent – le père du mensonge et menteur depuis le commencement (Jean 8:44), et il fait référence à ses opposants humains comme à une « race de vipères » (Mathieu 12:34 ; 26:33).
Il ne s’agit pas de serpents au sens littéral. Jésus « a écrasé la tête de Satan » à la croix, mais il n’y pas eu d’éclaboussure de cervelle de serpent. L’histoire du serpent dans la Genèse ne parle pas de biologie, mais d’un combat spirituel réel.
Dans Genèse 1-3, le récit de la création du chapitre 1 donne les événements dans un ordre complètement différent du second récit des chapitres 2 et 3 (bien que les temps dans la langue originale soient les mêmes). Les critiques de la foi chrétienne, prenant ces choses comme des tentatives humaines ratées pour faire de la science, ont suggéré qu’il y avait là une contradiction. Pour Jésus (et pour ses disciples) au contraire, les deux récits sont la parole absolument inspirée de Dieu. Ils ne sont toutefois pas plus destinés à nous enseigner la cosmologie, la génétique et l’ordre des événements que « naître de nouveau » dans Jean chapitre 3 ne nous enseigne de la pédiatrie ou « l’eau vive » dans Jean 4 de l’hydrostatique ; ils traitent des intentions de Dieu à notre égard et à l’égard de l’univers qu’il a créé. Interrogé sur le divorce, Jésus fait référence au premier récit de la Genèse pour dire que Dieu a prévu le mariage pour être entre homme et femme (Mathieu 19:4 citant Genèse 1:27), et au second récit pour dire que Dieu l’a voulu comme un lien permanent entre un seul homme et une seule femme (Mathieu 19:5 citant Genèse 2:24). Jésus ne s’en est pas servi pour nous enseigner la science, mais les intentions de Dieu. Les Juifs du premier siècle (comme Philon par exemple) n’ont jamais pris le récit du prélèvement de la côte de l’homme pour créer la femme comme de la biologie (il a noté que les hommes ne sont pas déhanchés), mais comme les intentions de Dieu sur le partenariat dans le mariage.
Dans toute langue, le contexte nous indique si un mot est à prendre au sens figuré ou au sens propre. Le mot « corps » par exemple est utilisé 47 fois dans les évangiles, presque toujours au sens propre. Le fait qu’ils « n’aient pas [littéralement] trouvé le corps » (Luc 24:23) de Jésus dans le tombeau est central pour notre foi chrétienne. Cependant, lorsque Jésus a dit « prenez, mangez, ceci est mon corps » (Luc 22:19), les prétendus « littéralistes » protestants modernes ne le prennent pas au sens propre, pas plus qu’ils ne prennent au sens propre Paul qui plus tard a décrit l’église comme le « corps de Christ ». Le contexte décide quand un mot est utilisé au sens propre.
Historiquement, jusqu’à certaines modes littéralistes plus récentes parmi certains chrétiens, les principaux enseignants Chrétiens ont pris de nombreux traits de Genèse 1-3 comme symboliques. A vrai dire, Jésus dit à Nicodème que ne pas comprendre que quelqu’un parle par métaphore indique une incapacité à comprendre même les choses spirituelles terrestres – a fortiori les célestes (Jean 3:10). Cela est presque évident parce que les mystères spirituels ne peuvent nous être exprimés que dans un langage symbolique ; ainsi si nous ne comprenons pas cela, nous ne pouvons pas les comprendre. Le livre biblique de l’Apocalypse, par exemple, enseigne des vérités spirituelles par des images, celle d’un agneau, par opposition à la bête, de la prostituée par opposition à l’épouse, de Babylone par opposition à Jérusalem, d’un fleuve et d’un arbre de vie, etc. – et ne pas comprendre que ces dernières ne doivent pas être prises au sens propre équivaut à ne pas comprendre les vérités spirituelles. L’ « arbre de vie » dans Apocalypse 22:2, 14 & 19, comme celui de Genèse 2:9, n’est pas un arbre à prendre au sens propre, mais un symbole. Dans le jardin d’Eden, l’ « homme » (= “ādām”) avait le choix entre la connaissance expérimentale du bien et du mal, et la vie en Christ. Dieu aurait pu mettre une clôture autour d’un « vrai » arbre pour éviter tous les ennuis, mais l’ « arbre interdit » est un symbole qui représente le libre choix et la responsabilité morale que Dieu a voulus comme essentiels pour une humanité créée à son image. Omettre un tel choix aurait été faire un être entièrement différent. Dans Genèse 2-3, dans Apocalypse 22, et dans l’enseignement de Christ, les vérités spirituelles sont exprimées en termes symboliques. Les appeler de « simples symboles » serait une insulte faite à Christ, parce que les réalités spirituelles décrites sont plus vraies que le monde simplement physique qui nous entoure et qui passera.
Littéral et symbolique ?
Ainsi, nous pourrions, comme certains l’ont suggéré, prendre les termes de Genèse à la fois au sens littéral et allégorique. Il y a par exemple un site chrétien qui demande quel est le sens de l’ « arbre de vie » (concluant, à juste titre, que c’est la vie en Christ), mais affirme ensuite qu’il y a eu aussi un « vrai » arbre. Alors, y a-t-il donc eu deux aspects de chaque chose ? Un arbre au sens propre et un arbre au sens spirituel, un serpent au sens propre et un serpent au sens spirituel, Satan, etc. ? Il y a en fait des problèmes évidents en cela. Ce serait comme dire que Jésus a donné à la femme à la fois de l’eau vive physique et spirituelle, que Nicodème devait renaître à la fois spirituellement et au sens propre, et que Jésus reconstruirait à la fois le temple de son corps et le temple physique de Jérusalem au sens propre. Mais tout cela serait absurde. Genèse 3 ne parle pas de deux serpents – un serpent au sens propre et un serpent spirituel – mais d’un seul. C’est ce serpent-là qui est intelligent, qui a un langage relationnel et qui est moralement responsable – ces caractéristiques de l’image divine que nous supposons limitées aux anges et aux hommes. C’est à ce serpent-là que Dieu adresse sa prophétie, que nous avons vue accomplie à travers la vie et la mort de Christ. Essayer de faire de cela de la biologie sur un serpent physique aussi bien qu’une vérité spirituelle, c’est comme essayer de faire de Jean 3 et 4 un exposé de gynécologie et d’hydrostatique aussi bien que des vérités de la renaissance spirituelle et de l’eau vive.
Conclusion
Etre un vrai Chrétien signifie donc être en relation avec Jésus et le suivre. Cela implique de croire que certaines parties de la Bible sont écrites au sens propre. Jésus est littéralement né de Marie, il a grandi au sens propre, il a littéralement guéri de vraies personnes, il a été cloué littéralement à une croix au sens propre, et il est ressuscité d’un tombeau au sens propre. Mais d’autres parties de la Bible sont clairement voulues dans un langage symbolique et métaphorique. Suivre le Jésus historique signifie par exemple reconnaître que le « jour » et le « serpent » dans les récits de la création n’ont jamais été voulus au sens propre, et les prendre ainsi reviendrait à s’éloigner de son enseignement. De grands enseignants chrétiens à travers l’histoire (y compris Origène, Augustin, les érudits médiévaux, etc.) ont reconnu l’autorité et l’inspiration de la Bible, mais ont en général pris beaucoup d’éléments dans les passages de la création comme des symboles.