Introduction (Benoit Hébert):
Un grand merci à Marc de nous faire part ici de ses réflexions concernant le dernier dossier du magazine « La Recherche ». Marc est un chrétien engagé, lecteur assidu de ce blog et désireux de contribuer positivement à l’émergence d’une génération témoignant de l’harmonie possible entre la Science et la Foi.
Le dossier de « La Recherche »: Dieu et la science, par Marc
Vous aurez peut-être remarqué la sortie en avril dernier de ce Hors série de « La Recherche » au titre intrigant et accrocheur : « Dieu et la science » !
Il est certain qu’avec pareil thème, chacun n’attendra pas forcément une information servie de la même manière, mais personnellement, la ligne éditoriale m’a parue plus qu’orientée et très décevante pas son manque d’objectivité flagrante.
La parution de cette édition qui s’avère être pour l’essentiel une compilation d’anciens articles semble être motivée principalement par l’immixtion des extrémismes religieux dans la science,entendez par là la dangereuse montée du créationnisme dans nos sociétés modernes.
C’est ainsi que l’éditorialiste introduit le sujet en nous faisant part de sa stupeur sur le retour en force des idées créationnistes au travers deux événements majeurs :
– En France, par la tenue d’une conférence en plein Paris par le Turc Musulman Adnan Oktar (ou Harun Yahya) décidé à en découdre avec la théorie de l’évolution
– Aux Etats-Unis où certains candidats républicains reviennent en force sur l’obligation d’enseigner des « doctrines religieuses » au Lycée (comprenez l’Intelligent Design)
et d’en déduire donc :
« C’est pourquoi dans le monde entier, la science se doit de poursuivre le combat entamé par les lumières, contre les incursions des religions dans son champ de compétence. Il faut le redire : le monde que décrit la science ne dépend pas de tel ou tel système cosmogonique, ou de telle ou telle appréhension de l’homme ou du vivant. »
pour en conclure :
« Il est parfois étrange, souvent surprenant et c’est pour cela qu’il nous intéresse »
Nous ne pourrons que souscrire à cette nécessité de l’indépendance de la science dans ses champs d’investigation, mais pourquoi sous-entendre que le monde ne saurait être étrange ou surprenant du fait que les religions s’intéresse à lui ?
Le ton est ainsi donné pour orienter ou plutôt réduire la question de Dieu dans la science aux dérives religieuses historiques ou imminentes.
Après avoir rappelé les méfaits historiques de la religion chrétienne au travers de l’assassina d’Hypatie la première mathématicienne dès le IVeme siècle, suivi des condamnations de Giordano Bruno (brulé vif à Rome) et de Galilée, c’est sous les titres évocateurs « Le réveil de l’obscurantisme » et « la contagion gagne des pays musulmans », que deux articles consacrés au créationnisme ne manqueront pas d’enfoncer le clou en démontrant les dangers introduits par la volonté d’élever l’Intelligent Design au rang de science officielle et le risque de propagation des idées fondamentalistes dans les pays musulmans au large tissus religieux souvent opposé à l’évolution.
Mais nous ne trouverons malheureusement aucune investigation dans les milieux religieux à la recherche d’un équilibre et du respect de la science, ne laissant donc au lecteur non avisé qu’une seule version de l’histoire, qu’un seul versant de la foi…
C’est dans cet état d’esprit combatif science CONTRE foi que le journal poursuit avec la question « Darwin, mal enseigné en France ? »
On regrettera donc, comme en témoigne la conclusion de l’article, que les différents arguments développés ne contribuent qu’à attiser le feu des différences, sans parler de l’amalgame qui est fait entre l’interprétation des mécanismes découverts et les conclusions philosophiques qui pourraient en découler :
« Il y a une certaine urgence : notre enseignement décrit l’ «admirable» construction du vivant et de sa diversité, sans former suffisamment l’esprit critique de nos contemporains sur les mécanismes. Nous dressons une scène attrayante où il est facile aux créationnismes d’offrir une explication, si nous n’abordons pas les questions pertinentes sur l’évolution »
Quant aux Scientifiques confessant leur foi, s’il s’en trouve, il s’agira de ceux qui adhèrent à « cette étrange fondation Templeton » fustigée au travers de la chronique au même titre que l’Université Interdisciplinaire de Paris (UIP) et dont l’action est résumée ainsi :
« Sous prétexte d’encourager le dialogue entre science et religion, elle utilise en fait l’éclat et la respectabilité de la science pour défendre la religion »
Pas un mot bien entendu des nombreux scientifiques croyants qui proposent une démarche d’harmonie science-foi tels que Francis Collins comme aura pu le souligner le Point dans son n° de décembre commenté pour l’occasion par Benoit : https://scienceetfoi.com/dieu-a-la-une-du-magazine-le-point/
C’est donc dans ce contexte que la deuxième partie du dossier « DE NOUVELLES CONCEPTIONS DU MONDE » nous propose la vision scientifique d’aujourd’hui sur le cosmos et le vivant :
Nous trouvons enfin un article plutôt équilibré du philosophe des sciences et célèbre vulgarisateur Etienne Klein dans « l’insatiable quête des origines ». Klein rappelle avec raison les mystères qui demeurent sur un hypothétique instant 0 bien dissimulé derrière le fameux mur de Plank et l’incapacité pour la physique actuelle à décrire cet état primitif de l’univers. Nous apprécierons en particulier qu’il demeure des questions dans l’exposé :
« d’où vient le vide quantique ? nul ne le sais. Les branes ? ¨Personne ne peut le dire. Et d’où provenait l’univers d’avant le Big Bang ? Mystère.
A l’heure qu’il est, la question de savoir si l’univers a eu ou non une origine digne de ce nom demeure donc ouverte »
Comme nous apprécierons l’alternative proposée en guise de conclusion :
Si la science accède un jour à l’origine d’un univers tiré du néant, cette extraction demeurera « sans doute indicible ».
Si nous trouvons au contraire que l’univers n’a jamais eu d’origine, cette question « se trouve remplacée par une autre question , la plus impénétrable de toutes, celle de l’être : pourquoi l’être plutôt que rien ? »
Mais hélas après cet interlude équilibré laissant place aux interrogations, nous retombons dans des travers simplistes d’articles qui cherchent purement et simplement à évacuer Dieu du théâtre du réel en nous expliquant scientifiquement que :
– Notre univers n’est qu’un parmi une infinité d’autres, ce qui expliquerait le réglage fin de notre univers ayant permis l’éclosion et le développement de la vie
– Le concept d’émergence va supplanter le réductionnisme qui s’applique en général en biologie
– Et donc que tout s’explique par les lois du hasard non seulement en physique avec les quanta mais aussi en biologie cellulaire
On sera à nouveau confronté à une étude sommaire dont les sous-entendus s’évertuent à évacuer toute idée d’une providence divine.
Hormis l’article de Klein cité ci-dessus, nous ne trouverons dans tout le magazine que quelques points d’équilibre très discrets :
Tout d’abord dans l’introduction « la science ne prétend pas dire la vérité » de Michel Blay (mais il dispose aussi d’une casquette de philosophe en plus de celle de physicien) nous soulignerons par exemple ces deux formules :
« Il reste aussi des questions en suspens : par exemple pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Je pense que la physique n’a rien à dire avec ces questions. »
« La physique est une construction humaine qui ne dit pas l’absolue réalité du monde. La science n’a jamais prétendu dire la Vérité, hormis dans le scientisme que je tiens pour une forme de théologie »
Puis en toute fin de journal, dans « en savoir plus » on se réjouira de la clairvoyance affichée qui saura par exemple dénoncer les excès d’un Dawkins : à propos de son ouvrage « Pour en finir avec Dieu » :
« si son objectif est clair, le résultat dessert plutôt sa cause en donnant du grain à moudre aux créationnistes. En effet à trop vouloir débusquer Dieu , Richard Dawkins fait à son tour preuve d’une sorte de fondamentalisme athée, en apportant à l’appui de sa démonstration un agrégat de faits présentés d’une manière peu objective. Un ouvrage à lire pour découvrir la pensée de Dawkins, mais qui finit par rater sa cible»
Pour conclure sur le ton général imprimé par ce n° spécial de La Recherche, qui s’évertue à éviter la foi par les excès des religions créant ainsi des amalgames qu’on aurait aimé ne pas trouver dans une revue de ce renom, je citerai à nouveau Michel Blay dans le point final de son introduction : « En religion, ce qui est, est, et sera toujours. Ce qui est peu stimulant pour la vie intellectuelle et dangereux pour la vie sociale. »
Et je retournerai bien volontiers le compliment fait à Dawkins à propos de son ouvrage au quasi ensemble de ces pages : un dossier à lire pour découvrir la pensée de La Recherche, mais qui finit par rater sa cible !…