Denis Lamoureux est titulaire d’une thèse en biologie de l’évolution, d’une autre en théologie, et d’un diplôme de dentiste. Il est actuellement professeur en science et religion à l’université d’Alberta. Il est un des théologiens évangéliques les plus influents au sein de la American Scientific Affiliation qui regroupe plusieurs centaines de chercheurs en science de confession évangélique. Je vous encourage à aller sur son site personnel, où vous trouverez toute une série de diaporamas (avec le son !). Malheureusement, c’est en anglais. Il y présente en particulier le contenu de son ouvrage, Evolutionary Creation. Denis Lamoureux donne aussi des cours en ligne sur tous les sujets touchant les origines, la Bible et la science.
Un extrait de « Evolutionary Creation »
La perspective de la création évolutive est-elle une forme de déisme ?
La critique la plus fréquente que les anti-évolutionnistes lancent à l’égard de la perspective de la création évolutive est que cette vision des origines est du déisme. Ils argumentent en disant que la création du monde au travers de processus exclusivement naturels et sans intervention directe de Dieu est typique de la croyance au dieu impersonnel des philosophes. De plus, ces critiques prétendent que si le Créateur n’est pas intervenu en dehors des lois naturelles à l’origine, alors il n’y a aucune raison de croire que Dieu intervient personnellement dans la vie des hommes et des femmes aujourd’hui. Ce sont en effet des préoccupations raisonnables. Pourtant, les partisans de la création évolutive rejettent vigoureusement la vision distante de Dieu du déisme.
Tout d’abord, ils reconnaissent à la fois que Dieu intervient directement dans la vie des hommes, mais aussi de façon providentielle. Les déistes, quant à eux ne croient pas que le créateur intervient dans le monde et dans la vie des gens. Deuxièmement, le dieu des philosophes ne fait que mettre en place l’évolution du cosmos à l’origine du monde, et puis il se retire, sans que l’univers ait besoin de son action, de son soutien et de son contrôle dans le passé ou le présent. Pour les partisans de la création évolutive, le Seigneur soutient la création à chaque instant de son existence, dans toutes ses opérations. Il est clair qu’un tel Dieu en relation personnelle avec les êtres humains et soutenant le monde physique n’est pas le créateur distant des déistes.
De plus, l’argument du « déisme » peut aussi être retourné contre les anti-évolutionnistes. Par exemple, aucun créationniste de la jeune terre ou progressif ne croient que Dieu créé les bébés par intervention directe. Dieu le fait d’une manière indirecte au travers d’un processus embryologique. Mais cela signifie-t-il que les chrétiens qui acceptent cette compréhension du développement humain sont des déistes ? Est-ce que le fait que l’on n’observe jamais que Dieu attache un nez, une oreille ou une jambe à un enfant in utero nous oblige à croire au dieu des philosophes ? Est-ce qu’un médecin chrétien est en dehors de la volonté de Dieu s’il croit que Dieu n’intervient pas de façon surnaturelle dans le cours normal du développement de l’embryon ? Un tel médecin est-il déiste ? Non, absolument pas. De la même façon, les chrétiens qui croient que Dieu a créé la vie au travers de processus naturels uniquement ne sont pas des déistes non plus.
Bien sur, il y a une grande différence entre la création du monde et celle des bébés. C’est le problème du concordisme scientifique (la supposition que Dieu a révélé dans la Bible des faits de nature scientifique des milliers d’années avant leur découverte par la science). Il n’est écrit nulle part dans la Bible : « Et Dieu dit, qu’il y ait un nez attaché au visage d’un bébé dans le sein maternel. » Il est pourtant écrit dans Genèse 1 et 2 que Dieu est intervenu de manière directe à l’origine du monde. C’est la raison pour laquelle les anti-évolutionnistes insistent sur le fait que Dieu est intervenu de façon spectaculaire à la création du monde. Pourtant, cette croyance dans des événements créatifs instantanés s’évapore si le concordisme scientifique n’est pas une caractéristique des Ecritures. Plus précisément, si le Saint Esprit a utilisé la compréhension ancienne des origines comme un véhicule pour révéler un message théologique divin dans les récits de la création, alors la Bible ne nous révèle pas comment Dieu s’y est vraiment pris pour créer l’univers et la vie.
L’accusation de déisme envers la perspective de la création évolutive tombe donc à plat. Le Dieu de la Bible est un Dieu personnel. Les partisans de la création évolutive sont des chrétiens qui défendent cette idée et celle d’un Dieu qui soutient sa création à chaque instant. Ces croyants jouissent d’une relation personnelle avec Dieu, bénéficient de son action providentielle et de ses interventions particulières. L’accusation de déisme de la part des anti-évolutionnistes repose en définitive sur l’hypothèse du concordisme scientifique dans la Bible.