Denis O. Lamoureux est professeur assistant de science et de religion à l’Université d’Alberta. Sa nomination à ce poste est le premier cas de titularisation dans cette discipline au Canada. Il détient trois thèses d’état (dentisterie, théologie et biologie). Lamoureux soutient que, si les limites du christianisme évangélique et de la biologie évolutive sont respectées, alors les relations qu’elles entretiennent sont non seulement complémentaires mais aussi nécessaires. Il est membre du conseil de direction de l’American Scientific Affiliation du Canada et membre de l’ASA (American Scientific Affiliation).
- Denis Lamoureux
Ceci est un extrait de Evolutionary Creation aux éditions Wipf and Stock
Les sources écrites de Genèse 1-11 et sa rédaction
Alors que les hébreux anciens devenaient lettrés, ils ont commencé à mettre par écrit leur tradition orale, produisant un compte rendu des croyances et des valeurs qui définissaient et unifiaient leur communauté. Une diversité de documents a donc sans conteste émergée en premier lieu car les variantes orales de récits sont fréquentes dans les sociétés pré-lettrées. Mais sous la direction du Saint Esprit, ces sources écrites ont été sélectionnées, organisées et éditées dans ce qui deviendra finalement Genèse 1-11. On appelle ce processus la « rédaction ».
Les spécialistes de la Bible reconnaissent que Genèse 1-11 a deux sources principales différentes. Les différences entre certains passages en matière de style, de terminologie, et dans le contenu montre qu’il y a deux auteurs différents, l’un appelé yavhiste (J), l’autre sacerdotal (P). Il est nécessaire de souligner que mon utilisation des lettres J et P ne constitue pas de ma part une approbation de l’hypothèse documentaire de Julius Wellhausen (JEPD). Dans les années récentes, cette théorie concernant l’origine des cinq premiers livres de la Bible a été sous le feu des critiques des spécialistes. Pourtant, ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de récits écrits employés dans la rédaction de l’Ecriture. Le fait d’appeler ces sources P et J est courant dans la plupart des commentaires de Genèse 1-11, et je les utiliserai donc pour des raisons de convention.
Par exemple, P est caractérisé par des structures poétiques élaborées, le nom divin « Dieu » (Elohim), et une vision transcendante de Dieu, comme dans Genèse 1. Par contraste, J est un narrateur de récits fluides avec le « Seigneur » (Yahweh) sur la terre, qui a une relation intime avec l’homme et la femme, comme on le voit dans Genèse 2-4. Le consensus parmi les spécialistes date J avec l’émergence d’une société stable qui comprendrait des scribes, comme pendant de règne du roi David vers 1000 avant J.C. Ceci est cohérent avec les preuves archéologiques qui nous montrent que l’écrit a augmenté chez les Hébreux à cette époque. La source P est souvent datée vers 500 avant J.C., après que les juifs soient rentrés d’exil à Babylone (597-538 av. J.C.), mais certains soutiennent qu’elle serait de la même époque que J.
Que la rédaction de P et J ait eu lieu plus tôt (1000 avant J.C.) ou bien plus tard (500 avant J.C.), Genèse 1-11 est une œuvre composite. Nous en présenterons des preuves. Pour faire bref, les soit disantes « contradictions » dans Genèse 1-11 souvent montrées du doigt par les septiques, ou bien leur « atténuation » par les chrétiens, ne font que refléter les différences entre P et J. Ces conflits supposés ne sont qu’incident à la théologie divine révélée chez les deux sources. Ainsi le processus de révélation biblique n’a pas été une simple dictée à des scribes-secrétaires passifs, ce que croient beaucoup de chrétiens. Au lieu de cela, les premiers chapitres de la Genèse ont évolué au fil du temps au travers d’un processus littéraire ancien comprenant des sources écrites et leur rédaction.
En somme, Genèse 1-11 est bien plus riche et plus complexe que beaucoup ne le supposent. Derrière ces chapitres se cachent derrière des traditions orales, une épistémologie ancienne, des motifs anciens, et des sources écrites. Le processus exact qui a produit Genèse 1-11 n’est pas connu. En fait, on peut douter du fait qu’on le connaîtra un jour avec certitude. Il n’y a aucun passage qui cite spécifiquement son auteur ou ses auteurs dans ces chapitres, ni la date ou les dates de rédaction, ou bien les sources qui ont été utilisées pour sa rédaction. Encore plus problématique, les hébreux ont commencé en tant que peuple pré-lettré avec une tradition orale, et il n’est pas possible de retrouver les mots originaux de la charte sociale qui les unifiait dans une relation d’alliance avec Dieu. Pourtant, en considérant les preuves bibliques et archéologiques, il est possible d’esquisser les facteurs probables qui ont contribué à ce qui deviendrait finalement Genèse 1-11.
A suivre…