La nouvelle vient de tomber : on a détecté des ondes gravitationnelles. C’est quoi au juste ?
Selon la relativité générale (RG) d’Einstein, la gravité ne se transmet pas instantanément, mais à la vitesse de la lumière. En d’autres termes, si le soleil disparaissait maintenant, la terre continuerait de tourner autour de… rien, pendant 8 minutes environ. Cette vitesse finie de propagation fait qu’un signal gravitationnel doit pouvoir se propager dans le vide, comme la lumière, puisque si le soleil n’est plus là, c’est que la gravité qui fait encore tourner la terre, est seule dans le vide.
Maintenant, la gravité, c’est quoi ? Toujours selon la RG, elle consiste en fait en une déformation de l’espace. Et dans cet espace déformé, pour aller d’une point A à un point B, les objets suivent (plus ou moins) la trajectoire la plus courte. Imaginez une nappe bien tendue sur laquelle vous posez une bille de plomb. Pour aller d’un côte de la bille à l’autre, mieux vaut en faire le tour que de passer par le creux que fait la bille. Vous êtes donc en orbite autour. Il se passe la même chose avec la terre et le soleil, mais en 3 dimensions (pas facile à visualiser ! C’est pour cela que l’exemple de la nappe aide bien).
Re-maintenant, prenez la bille de plomb, et faite la tourner sur elle-même. Comme elle est sphérique, la nappe ne devrait pas bouger. Mais si maintenant vous prenez 2 billes, les collez l’une à l’autre, et faites tourner le tout, vous aller envoyer des ondes dans la nappe. Et bien dans notre espace tridimensionnel, c’est pareil. Deux masses qui tournent ensemble font vibrer l’espace, et ces vibrations se propagent au loin, à la vitesse de la lumière. Ce sont les fameuses ondes gravitationnelles.
Prévues sur le papier depuis 1916 par Einstein lui-même, elles n’avaient jamais été observées. Pourtant, en 1974, on avait découvert deux astres très denses en orbite l’un autour de l’autre. La RG prédit que les ondes gravitationnelles émises par l’ensemble vont diminuer la fréquence de rotation. Après 40 ans d’observations, les mesures s’alignent parfaitement sur la courbe prévue par la théorie.
Une détection indirecte, c’est bien, mais quid d’une détection directe ? Et tant qu’on y est, que se passe-t-il donc si une onde gravitationnelle passe dans mon salon ? Et bien la longueur de ma table, par exemple, va augmenter, diminuer, augmenter, diminuer… selon un patron bien précis, puis se stabiliser. Ce n’est pas que le plancher bouge, ni qu’il faut chaud et qu’elle se dilate, ni rien de tout cela. C’est l’espace lui-même qui vibre, mais vraiment pas beaucoup.
Pour détecter ces infimes variations de distances, on a construit 2 détecteurs en forme de L dont chaque barre mesure 4 km. Les fameux LIGO. L’un près de la Nouvelle Orléans, l’autre dans les environs de Seattle, au nord-ouest des Etats-Unis. L’intérêt d’avoir 2 détecteurs est double. D’une part, l’observation d’un même signal à deux endroits différents permet d’exclure un artifice dû, par exemple, à une petite secousse sismique ou à quelque autre phénomène impondérable. D’autre part, le délai d’observation entre les 2 détecteurs permet une localisation de la source. Localisation grossière, certes, mais c’est mieux que rien.
Le 14 septembre dernier, un même signal a été détecté à 7 millisecondes d’intervalle par les deux instruments. La fréquence, la durée, ainsi que l’amplitude du signal sont porteurs d’informations que la RG peut décoder. En analysant l’ensemble, on a pu déterminer que l’onde en question a été émise par la fusion de 2 trous noirs de 36 et 29 masses solaires respectivement, à une distance de 1 milliard d’année-lumière (j’omets les barres d’erreur). Le trou noir final faisait 62 masses solaires. Faites le compte : 36 + 29 = 65. Les ondes ont donc emporté une énergie Mc2, où M vaut 3 masses solaires. L’évènement s’est produit dans la direction du Grand Nuage de Magellan.
La figure ci-dessous montre les signaux détectés, ainsi que ceux prévus par la RG.
En haut, les signaux détectés, rouge pour Seattle, bleu pour la Nouvelle Orléans.
En haut à droite, les signaux sont superposés pour montrer la coïncidence. Celui de Seattle a été décalé de 7 ms pour la superposition.
En bas, les prédictions de la RG pour la fusion des 2 trous noirs à la distance considérée. C’est en ajustant ces courbes aux signaux observés qu’on peut déterminer les paramètres de la source.
En savoir plus
Article original : http://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.116.061102
Un commentaire de l’article en question : http://physics.aps.org/articles/v9/17
La conférence de presse du 12 février 2016 : https://www.youtube.com/watch?v=vy5vDtviIz0