Beaucoup s’étonnent que le spirituel reste étranger à la vie scientifique. Il est tout à fait vrai que Dieu n’est jamais évoqué dans les articles de recherche, que ce soit pour l’invoquer à titre explicatif, ou simplement pour lui rendre gloire. Je trouve que c’est très bien comme ça, et je voudrais expliquer pourquoi.

 

Bien des tenants de l’introduction de Dieu dans les sciences semblent s’imaginer que la démarche serait forcément au profit de « leur » foi. Rien n’est moins sûr. Au mois de juin 2016, j’ai regardé l’origine des 15 528 articles publiés dans l’Astrophysical Journal depuis 2011. Plus de 10% de leurs auteurs venaient de Chine, 3% d’Inde et presque 2% de pays Musulmans. Si d’aventure les physiciens se mettaient à louer leur divinité dans leurs articles, sentez-vous la cacophonie qui s’en suivrait ? Comment réagiraient les astrophysiciens chrétiens (j’en connais pas mal) en lisant une louange à Allah au détour d’une équation ? Et quid du sursaut de nos amis Chrétiens et Musulmans si, comme l’aurait pu faire Ramanujan, un scientifique Indien attribuait ses trouvailles à l’inspiration d’une divinité hindoue ? Il est fort à parier qu’au lieu de se centrer sur les observations et les raisonnements, le débat scientifique se verrait envahi par des querelles qui ne le feraient pas progresser d’un pouce.

 

Mais, me direz-vous, si un phénomène naturel semble clairement échapper aux lois de la physique connue, pourquoi ne pas invoquer un Dieu ? Tout simplement parce que l’empressement à caser ainsi Dieu est plus souvent le fruit d’une apologétique maladroite que d’une mûre réflexion. Sortir la carte « Dieu » face un phénomène inconnu, c’est un peu décider qu’on renonce à comprendre. Et si, plus tard, on finit par comprendre, il faudra (discrètement) se résoudre à reprendre sa carte « Dieu », ou bien à nier l’explication en question. Aucune de ces solutions n’est exempte d’embarras, embarras dont les partisans du créationnisme terre-jeune ou du dessein intelligent ne se privent pas. Bref, les « Eureka, c’est Dieu ! » ne sont pour le moment que des stérilisateurs de recherche, qui couvrent de ridicule ceux qui les profèrent, et par extension, le Christianisme.

 

Pourtant, si d’aventure on arrivait réellement à démontrer par A+B qu’un phénomène naturel donné doit être le fruit d’une intervention surnaturelle, est-il vraiment certain que tout le monde croirait en Dieu ? Certes, il est fort probable que l’évènement fortifierait la foi des croyants. Mais en est-on vraiment sûr ? Et quelle serait la réaction des athées ? Tous se convertiraient-ils ? Les paroles de Jesus en Luc 16.27-31 me permettent d’en douter :

Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent… S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même si quelqu’un ressuscite

 

Mentionner Dieu dans les sciences ? Ce serait la cacophonie assurée, le ridicule probable, et ce, pour un fruit bien incertain.

 

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