Introduction (Marc Fiquet)
Voici un article de synthèse que nous a déniché notre physicien chercheur Antoine Bret grâce à ses relations et qui répond directement à la question posée par notre Titre.
Les théories comme la théorie des cordes qui tentent de franchir le fameux « mur de Planck » accouchent de modèles qui évoquent l’existence d’une infinité d’univers, certains y ont vu une réponse concurrente au théisme.
Vous trouverez dans l’article ci-dessous, la réponse de Tom Rudelius un Physicien Chrétien qui vient de terminer une thèse en physique théorique à l’université de Harvard.
Si ce sujet vous intéresse particulièrement, je vous invite à lire en complément cette analyse de John Polkinghorne, Qui a développé la double compétence de Physicien en mécanique quantique et de théologien.
Et pour les inconditionnels de la vidéo, la video Perspectives des GBU et en lien sur notre Chaine YouTube que j’ai calée sur la bonne séquence évoque le sujet du multivers par des cosmologues et physiciens de haut-niveau chrétiens (cela rejoint l’analyse de Tom Rudelius).
Si vraiment vous êtes un insatiable et que vous êtes à la recherche de ressources plus « neutres », voici un dossier très complet mais digeste et assez concis qui fait un bel état des lieux d’où en est la science aujourd’hui sur ce sujet, et les questions auxquelles elle ne saurait répondre. Réalisé par Pierre LAHARRAGUE ayant travaillé au Commissariat à l’Energie Atomique, qui me semble être agnostique :
http://arcea-cesta.fr/dossiers/mur_planck.pdf
Tom Rudelius
Le texte original de cet article se trouve ici
[Traduit et publié avec avec l’aimable autorisation de l’auteur]
Traduction Française : Antoine Bret
Dans un épisode de « The Big Bang Theory », Sheldon Cooper, spécialiste de la théorie des cordes de CalTech[1], est invité à se joindre à sa mère pour une croisière chrétienne : « la balade des nés de nouveaux ».
Maman, si je le faisais, ce serait une preuve concluante que ton Dieu peut faire des miracles
répond Sheldon.
La réponse de Sheldon reflète une conception populaire de l’attitude scientifique envers la foi. Le concept de législateur divin, qui motiva les pionniers de la science à chercher des lois et des régularités dans la nature, a été largement oublié. Beaucoup voient désormais le théisme comme un modèle obsolète qui finira par s’effondrer face au progrès scientifique. Et le multivers, motivé par la théorie des cordes, est parfois considéré comme l’arme qui donnera à Dieu le coup de grâce.
Dieu et le multivers sont-ils comme Harry et Lord Voldemort ? Aucun d’eux ne peut-il vivre tant que l’autre survit ?[2]
L’ajustement fin
Notre univers est incroyablement improbable. Si les constantes physiques qui le gouvernent étaient modifiées ne serait-ce que d’une partie pour 10^5, 10^11, 10^120, etc.[3], notre univers n’aurait pas pu produire la vie. Face à de telles probabilités, il est prudent de conclure que notre univers n’est pas le produit du hasard. Certes, un subtil usage de la physique connue pourrait expliquer cet ajustement fin, mais il serait hautement improbable qu’il ait échappé à la détection expérimentale jusqu’à présent. Si notre univers est en quelque sorte non ajusté, il a été assemblé de manière à nous faire croire qu’il l’est.
Comment donc les non-théistes expliquent-ils l’ajustement fin sans recourir à un concepteur cosmique ? La réponse que donnent presque tous mes collègues non-théistes est l’hypothèse du multivers.
Le multivers
L‘hypothèse du multivers suppose l’existence d’un nombre gigantesque, voire infini, d’univers. L’idée est que dans cet océan d’univers, certains ont des constantes dont les valeurs permettent la vie. Et puisque pour observer un univers il faut être en vie, nous nous trouvons nécessairement dans un univers qui la permet.
Si cela vous fait penser à de la science-fiction plus qu’à de la science, vous n’êtes pas seul(e). Le plus gros problème de la théorie du multivers est peut-être qu’il est totalement impossible de la tester. Pour le non-théiste niant Dieu faute de preuves expérimentales de son existence, le multivers devrait être difficile à avaler. Croire au multivers nécessite un saut de foi au-delà de la science, vers le domaine de la métaphysique.
Preuves expérimentales mises à part, l’autre élément qu’un partisan du multivers peut espérer, est un mécanisme générateur de multivers découlant des lois connues de la physique. Cependant, et contrairement à ce que certains physiciens pourraient prétendre[4], c’est aussi de la science-fiction pour le moment : aucune théorie impliquant directement un multivers ne sera vérifiable dans un avenir proche. La physique connue n’accouche d’aucun multivers. En revanche, si nous prenons la peine de considérer des théories plus spéculatives, les choses deviennent beaucoup plus intéressantes. Et c’est là que la théorie des cordes entre en scène : cette théorie prédit qu’il existe environ 10^500 univers possibles, chacun avec une physique légèrement différente. Cette collection d’univers est appelée « le paysage des cordes ».
Arguments pour le multivers
Le paysage des cordes implique-t-il le multivers ? Ici, il convient de faire attention. Les univers hypothétiques du paysage des cordes ne sont que des potentialités. Ils n’ont pas besoin d’être réalisés de manière physique. Cependant, le paysage des cordes suggère un multivers de plusieurs façons. Tout d’abord, la théorie des cordes a montré qu’il y a beaucoup d’univers possibles, théoriquement cohérents, en plus du nôtre, ce qui est exactement ce que l’on s’attendrait à trouver si le multivers existait. En l’absence d’un concepteur cosmique qui préfère un univers permettant la vie, il est difficile d’imaginer pourquoi les constantes physiques de notre univers devraient être les seules du paysage qui soient effectivement réalisées.
Deuxièmement, une théorie de l’univers primordial appelée « inflation éternelle » prédit un scénario dans lequel certaines régions de l’espace s’expandent indéfiniment, donnant ainsi naissance à des « univers bulles » qui concrétiseraient chacun un univers du paysage des cordes. Si bien que si l’on considère l’ensemble « inflation éternelle + théorie des cordes », on s’attend tout à fait à l’existence d’un multivers.
Il y a donc de bonnes raisons de croire en un multivers, et l’idée n’est pas aussi folle qu’elle peut paraitre de prime abord. Le multivers mérite toutefois une bonne dose de scepticisme.
Arguments contre le multivers
Tout d’abord, toutes les versions du multivers reposent sur des théories spéculatives. En tant que paradigme général (ce que les physiciens appellent un « modèle »), l’inflation est extrêmement performante pour expliquer les observations. Mais le modèle inflationnaire ne dit rien du multivers. Seuls certains modèles d’inflation donnent lieu à une inflation éternelle produisant le multivers, et chacun de ces modèles a ses problèmes.
De plus, le mécanisme de l’inflation éternelle n’entraîne pas, à lui seul, différentes lois de la physique dans chacun des univers bulle qu’il crée. Sans une théorie spéculative supplémentaire (la théorie des cordes), l’inflation éternelle ne peut pas expliquer pourquoi les lois de la physique varieront d’un univers à l’autre, et il n’est pas évident qu’un univers permettra la vie.
Enfin, et surtout, la théorie du multivers est truffée de paradoxes. Dans le multivers de l’inflation éternelle, tout ce qui peut se produire doit se produire un nombre infini de fois, rendant la théorie incapable de prédire quoi que ce soit. Les tentatives de résoudre ce « problème de la mesure » se heurtent à des obstacles, comme la prédiction de phénomènes en désaccord avec les observations ou bien la déduction de conclusions bizarres (par exemple, que notre univers devrait être bien plus jeune qu’il ne l’est, ou bien que nous sommes des « cerveaux de Boltzmann » devant leur existence à une fluctuation quantique plutôt qu’à une évolution biologique).
Au vu de ces difficultés, il n’est pas clair que le multivers puisse résoudre le problème de l’ajustement fin. Même nos meilleures théories du multivers semblent introduire des ajustements fins qui leur sont propre.
Dieu et le multivers
Dieu et le multivers ne sont pas comme Harry et Lord Voldemort. La Bible ne dit nulle part que Dieu a créé un seul univers[5]. A la limite, un bon scénario du multivers pourrait réfuter l’argument de l’ajustement fin pour l’existence de Dieu. Mais, comme l’a souligné le philosophe athée Kai Nielsen :
Montrer qu’un argument est invalide ou erroné ne revient pas à montrer que la conclusion de l’argument est fausse… Quand bien même toutes les preuves de l’existence de Dieu échoueraient, il se pourrait que Dieu existe quand même. [6]
Dieu pourrait très bien avoir créé un multivers. En fait, lorsque je lis le chapitre 38 du livre de Job, je vois un Dieu ravi du monde qu’il a créé. Cela ne me surprendrait pas si notre Dieu, qui a imaginé les galaxies, les trous noirs, les océans, l’épigénétique et a créé l’ensemble par le souffle de sa bouche, avait créé d’autres univers.
Néanmoins, une question se pose nécessairement dans l’esprit du sceptique : pourquoi Dieu ne nous a-t-il pas donné une preuve scientifique ou logiquement parfaite de son existence ? Jean 1:14 dit que lorsque Dieu est entré dans le monde par la personne de Jésus-Christ,
la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous .
Le mot grec que Jean utilise pour « parole » est logos, qui a donné le mot français «logique». Dieu ne nous a pas donné une preuve parfaite de son existence. Au lieu de cela, il nous a donné une personne parfaite en Jésus-Christ[7]. Jésus a vécu la vie que nous aurions dû vivre, et il est mort de la mort que nous méritions pour notre péché. Par sa résurrection, il a conquis la mort, en adoptant tous ceux qui le recevraient dans la famille de Dieu. Dieu a principalement choisi de se révéler, non par un argument philosophique ou une preuve scientifique, mais par une relation personnelle. Et cette relation, contrairement à la théorie des cordes, est quelque chose que vous pouvez tester pour vous-même.
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Notes
[1] CalTech = California Institute of Technologie. L’une des universités les plus prestigieuses des Etats-Unis (NdT).
[2] Allusion à la prophétie faite par Sibylle Trelawney à Albus Dumbledore dans Harry Potter et l’Ordre du phénix, « neither can live while the other survives » (NdT).
[3] Ce fait est expliquée dans le célèbre livre du cosmologiste Martin Rees, Just Six Numbers, et plus récemment dans A Fortunate Universe par les astrophysiciens Geraint Lewis et Luke Barnes.
[4] Voir par exemple le récent livre de Stephen Hawking, Y a t – il un grand architecte dans l’Univers?, p. 164 version anglaise
[5] C.S. Lewis a traité la question de la vie sur d’autres planètes dans son essai Religion and Rocketry, et ses arguments s’appliquent également à la possibilité de la vie dans d’autres univers.
[6] Kai Nielsen, Reason and Practice: A Modern Introduction to Philosophy, p. 144.
[7] Cet argument vient du sermon de Tim Keller, The Word Made Flesh.
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