L’article d’aujourd’hui a été écrit par Sy Garte. Sy Garte a obtenu son doctorat en biochimie de l’Université de New York, il possède aussi une licence de chimie. Outre le fait qu’il ait publié plus de 200 articles scientifiques en génétique, en épidémiologie, concernant l’environnement ou dans d’autres domaines, le Dr. Garte est l’auteur des livres « Où nous en sommes : un regard surprenant sur l’état réel de notre planète » (Amacom) et « la Susceptibilité Génétique à la Cancérogénèse » (Kluwer), et il est co-rédacteur de « L’épidémiologie moléculaire des maladies chroniques » (Wiley). Il a été professeur de sciences en Santé Publique et Santé Environnementale à l’Université de New-York, à l’UMDNJ[1] et à l’Université de Pittsburg. Il travaille actuellement comme administrateur scientifique pour une agence gouvernementale à Bethesda dans le Maryland.                           

 Cet article a été publié par la fondation BioLogos sous le titre: « Stochastic grace »

Traduction française : Christophe Crussière

J’ai grandi dans un foyer athée. Mes parents étaient détenteurs de la carte du Parti Communiste Américain, et donc l’athéisme de mon foyer était relativement proche de l’anti-théisme militant des partisans du « nouvel athéisme ». J’ai appris que la foi religieuse était non seulement incorrecte, mais en vérité néfaste. Comme mon père, physico-chimiste, je rejetais toutes les formes de spiritualité, je suis devenu biochimiste (j’ai pu m’écarter dans cette mesure du modèle paternel).

Aujourd’hui, je suis chrétien et j’ai un sens profond de la grâce de Dieu et un sentiment continuel d’émerveillement devant la puissance rédemptrice du Seigneur dans toute la création et dans ma propre vie. Je reste un scientifique, comme je le suis depuis ces 30 dernières années. Je trouve une satisfaction formidable dans mon absolue conviction que la science et la foi  sont complémentaires et se soutiennent mutuellement. Ma foi est affermie par ce que je sais du monde naturel, et ma pensée scientifique a connu un nouvel essor de par ma foi dans la puissance créatrice du Seigneur.

Quelle sorte de cheminement m’a conduit de ma jeunesse de fervent athée là où j’en suis aujourd’hui ? La réponse est simple : Dieu m’a appelé, de manière insistante et claire, bien qu’il m’ait fallu des décennies pour écouter finalement et entendre.

Je me souviens du premier appel claironnant assez clairement. Lorsque j’étais jeune homme, j’ai vu le film « L’Evangile selon Saint Matthieu » de Passolini. Dans le film, la partition musicale alterne entre un bon nombre de styles extrêmement contrastés. Après la crucifixion, un hymne russe lent et sombre reflète l’état de désespoir et de perte ressenti par Marie et par les disciples. Cette musique continue alors que les femmes et Jean se rendent au tombeau le troisième jour. La pierre qui sert de porte est roulée et le tombeau se révèle être vide. A ce moment même, la musique change immédiatement pour une mélodie africaine joyeuse tirée d’une œuvre appelée la Missa Luba[2].

L’effet que ce moment du film a produit sur moi a été intense et spectaculaire. J’ai ressenti un frisson d’émotion et une sensation de joie miraculeuse. L’art du cinéaste avait transporté jusqu’à moi – à travers la musique et la splendeur visuelle – la vérité des Evangiles. Lorsque Jean s’est mis à courir pour annoncer la nouvelle à ses amis, je me souviens avoir pensé : « Ne serait-ce pas merveilleux si je pouvais croire dans le joli mythe de la résurrection ? ». Et puis, j’ai pensé que non, que c’était juste un tour joué par mon esprit pour susciter des émotions qui ont évolué à l’origine pour permettre aux êtres humains d’expérimenter l’empathie, ainsi de suite. (Voir Dennett pour une explication complète de la manière dont nous sommes « trompés » par de tels sentiments).

Ainsi, alors que la graine avait été plantée, elle a poussé lentement, et a eu besoin de beaucoup de soins et d’attention pour porter finalement du fruit. J’ai lu les Evangiles. Je me suis intéressé au mysticisme et à la transcendance. J’ai commencé à fréquenter une église catholique. Tout ceci était intéressant sur un plan intellectuel, mais n’avait rien à voir avec la foi. J’étais spectateur, un spectateur bien disposé et amical, mais j’étais encore dehors à regarder au dedans.

Entre temps, je travaillais à faire de la recherche, et je lisais Dawkins, Lewis Thomas et Carl Sagan. J’ai toujours été fervent dans mon admiration pour le pouvoir explicatif de la théorie de l’évolution, et j’ai même communiqué avec Dawkins concernant une des lettres de Darwin que j’ai découverte au British Museum, qui portait la mention « l’aumônier du Diable ».

J’ai finalement reçu le don de la grâce de Dieu directement de Christ d’une manière spectaculaire et irréfutable. Mais afin d’accepter complètement ce don, et de savoir que j’appartenais à Christ, corps et âme, il me fallait réconcilier cette foi nouvelle avec mon sens scientifique de la raison. Il se trouva que j’ai découvert cela (comme beaucoup d’autres) comme étant très simple, de manière surprenante, après avoir lu The Language of God (traduit en français De la génétique à Dieu). Mon cheminement vers la foi a débuté avec l’art et l’émotion, mais il a atteint sa maturité avec ma compréhension grandissante de la façon dont les caractéristiques de l’univers naturel nous montrent Dieu.

Ma vue scientifique du monde m’a encouragé à poser des questions, certaines d’entre elles inhabituelles pour un scientifique : Pourquoi la beauté existe-t-elle ? Considérez l’Hymne à la Joie, cette oeuvre magique, ou bien toute note jamais écrite par Bach, ou les peintures de Kandinsky, ou l’élégance des équations fondamentales d’Einstein. Regardez l’objet  mathématique de l’ensemble de Mandelbrot, une pure fractale, conçue par le génie de l’esprit de l’homme, et rendue seulement visible par les graphiques des ordinateurs modernes. Oui, tous sont l’œuvre de l’homme, et l’homme est une création merveilleuse. Mais pourquoi l’univers est-il beau ? Quelle est la source de cette beauté ?

Quand nous regardons la nature et voyons que le concept apparemment artificiel et mathématiquement étrange d’une fractale non scalaire, auto-similaire, se trouve dans presque toutes les structures biologiques (y compris l’ADN), de même que dans les nuages, le littoral, les montagnes et les galaxies, nous devons nous émerveiller devant la source de toute cette complexité, de toute cette beauté.

Nous savons de la physique que notre monde est stochastique et pas strictement déterministe. En d’autres termes, il change selon des influences apparemment « aléatoires », permettant – même insistant sur – la créativité et la surprise à chaque tournant. Il est beau, et non pas monotone ; hautement complexe et non pas simple. Les organismes biologiques semblent avoir été formés avec la capacité innée à évoluer. Et les êtres humains, des organismes avec une âme, représentent le plus grand mystère de tous.

Pourquoi est-il si remarquable que nous vivions dans un univers stochastique ? Nous pouvons prédire le résultat si nous tirons 1000 pièces à pile ou face, traiter un million de cellules avec un mutagène, examiner le comportement d’un milliard de molécules, ou tracer le sort de billions de particules subatomiques. Dans ce sens, notre science sait très bien décrire le monde. Mais nous ne savons rien de ce qui arrive quand on tire à pile ou face une seule pièce, quand on explore le sort mutationnel d’une seule cellule, quand on essaie de prédire le chemin d’un seul photon, ou quand on regarde la vie d’un seul être humain. En effet, il apparaît magique (en particulier lorsqu’on examine la théorie quantique) que notre univers soit fondamentalement stochastique au niveau des individus. Je crois que cette propriété des lois naturelles que nous décrivons à travers la science, a été intégrée par le Créateur pour permettre le hasard, la beauté, l’évolution, l’humanité et même la foi. Ce que nous percevons comme un hasard aléatoire n’est pas l’ennemi de la foi, mais le contraire. C’est l’outil de Dieu.

Nous sommes capables par la science de trouver des preuves magnifiques et écrasantes de l’intervention et de l’engagement continuel de Dieu dans notre monde, depuis sa création jusqu’à nos vies de tous les jours, dans chaque aspect de la réalité, y compris dans nos découvertes continuelles des secrets du monde naturel. Nous savons maintenant que l’univers n’a pas été toujours là. Il a eu un commencement. Il a été créé. C’est là l’Evangile, mais c’est aussi la science.

Mais, bien que nous trouvions beaucoup de pointeurs vers la divinité, Dieu a ainsi conçu le monde qu’on ne peut jamais prouver sans l’ombre d’un doute l’action de Sa main dans sa création. Si cela n’était pas vrai, le libre arbitre et la beauté de la foi disparaîtraient. La foi est un don qui doit être accepté par un cœur ouvert, et un esprit ouvert. La connaissance de la grâce de Dieu ne peut être imposée à personne par la découverte d’un fait irréfutable qui prouve son existence. Mais le contraire est aussi vrai. Aucune tentative scientifique ne prouvera jamais l’absence de Dieu, et donc nous sommes libres de croire.

La meilleure chose dans mon cheminement de l’athéisme à la foi est qu’il n’est jamais fini. J’ai beaucoup appris, mais il y a beaucoup plus à explorer, et j’aimerais remercier la fondation BioLogos d’être le vecteur de tant d’exploration des œuvres naturelles du Seigneur dans le contexte de Sa grâce extraordinaire.


[1] [NDT] University of Medicine and Dentistry of New Jersey (USA)