Voici quelques réflexions inspirées par la série d’articles parus sur le blog de la fondation BioLogos à l’occasion de la publication du livre du généticien canadien Dennis Venema (bien connu par les lecteurs de ce blog) et du théologien américain Scot McKnight : « Adam et le génome »

 

Comme annoncé, plusieurs théologiens/scientifiques ont donné leur avis sur ce livre qui, dans la lignée des livres de Peter Enns ou Denis Lamoureux, bouscule quelques idées reçues dans le monde théologique évangélique.

 

Les deux articles de la série qui m’ont le plus interressés sont ceux des théologiens Peter Enns et  Scot McKnight. Ils sont d’ailleurs sur la même longueur d’onde (adamandthegenomecover-3c’est du moins mon impression). McKnight reprend à son compte les idées phares de Enns dans cette discussion ultra sensible sur l’interprétation d’Adam.

 

« …Mais la bataille demeure, parce que nombreux sont ceux qui regardent avec suspicion le fait d’ancrer notre Bible dans le contexte du Proche Orient Ancien et de la lire à partir de ce contexte. Donc, j’aime bien ce que Peter Enns dit dans son article à propos de ma partie du livre :

« La controverse à propos de l’évolution ne vient pas tant de la Bible elle-même que d’attentes illégitimes très profondément ancrées, imposées au texte biblique et qui le font entrer en collision avec la science. Le problème n’est pas la Bible, mais la façon dont nous avons appris à la lire. Très souvent, on suppose que l’évolution impose des problèmes à « la Bible » et que la Bible est le facteur stable sur lequel il faut « greffer » l’évolution, d’une manière ou d’une autre (j’ai entendu Denis Lamoureux décrire cette situation). La vérité, c’est notre lecture de la Genèse et de l’épître aux Romains qui a besoin d’être ajustée pour permettre à la greffe de prendre. »

 

Denis Alexander, généticien britannique très actif, y compris au niveau théologique (récemment invité par le RSE), dans cette discussion souligne dans son article que ce problème concernant le caractère historique d’Adam, parent génétique de toute l’humanité, est surtout un « problème » américain, et qu’il est beaucoup moins sensible en Grande Bretagne dans les milieux évangéliques.

 

Que penser de la situation en France ? Je viens de visionner une partie d’une conférence d’Henri Blocher concernant l’inerrance de la Bible (datant de 2012). Il souligne bien que dans sa vision de l’inspiration et de l’inerrance, la Bible n’est pas seulement « sans erreur » en ce qui concerne les vérités spirituelles liées au salut, mais aussi dans tous les aspects qu’elle aborde, même de façon secondaire, par exemple en matière d’histoire…comme le disent les déclarations de Chicago, qui, ne nous voilons pas la face, sont l’un des enjeux de ces discussions. Bref, pour Blocher, la véracité historique de Genèse 1-3 n’est pas qu’une question américano-américaine…

 

Denis Alexander passe une grande partie de son article à parler de son propre livre. Il se défend surtout d’avoir une approche « concordiste », et on a l’impression que c’est parce que ce reproche lui a certainement été adressé. Et c’est aussi l’effet que me fait l’élaboration de son « modèle » mélangeant données de la génétique moderne et lecture « historique » de la Genèse. C’est l’avis de McKnight, et il le dit avec beaucoup de douceur.

 

« J’ai peut-être tort, mais j’ai l’impression que Denis (Alexander) créé son propre récit, en partie biblique, en partie basé sur la génétique et la théorie de l’évolution. C’est un récit heureux et plaisant, mais un récit tenu par personne dans la Bible, un récit qui rend heureux un scientifique comme Alexander. C’est du concordisme. La concordance que je préfère est celle qui met Genèse 1-3 davantage en conversation avec les récits des origines du Proche Orient ancien, et leur but. »

 

Mc Knight dit la même chose du scénario « historique » de l’homo divinus proche de celui d’Alexander privilégié par le célèbre théologien britannique NT Wright.

 

Alexander et Venema, deux généticiens, s’accordent tous les deux sur la base scientifique exposée par Venema. Les données de la génétique actuelle confirment de plusieurs façons indépendantes que l’humanité descend génétiquement de plusieurs milliers d’individus et non d’un couple. Il va bien falloir faire avec !

 

Le « camp » des théologiens influents qui pensent et osent dire qu’une interprétation non « historique » de Genèse 1-3 leur parait plus pertinente est en train de grossir. Serait-ce le début d’un renversement inévitable de situation ?