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Intervention radiophonique de Roger Lefèbvre
membre de l’Association Protestante pour la Radio et la Télévision,
le Samedi 30 aout 2014 à 19h30
sur « La Prem1ère » de la RTBF.
Dans son dernier livre, « Comme un chant d’espérance », le célèbre écrivain et académicien Jean d’Ormesson affirme que
Sans Dieu, la vie n’a pas de sens. Il nous faut donc choisir entre l’absurde et le mystère.
Serions-nous donc obligés de croire en Dieu pour ne pas être tentés par le suicide ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, ce genre de preuve ontologique de l’existence de Dieu n’a jamais pu engendrer autre-chose que l’une ou l’autre forme d’agnosticisme. Mais agnosticisme partagé, bien que pour d’autres raisons, par beaucoup de scientifiques de haut niveau, n’en déplaise au très médiatique athée qu’est Richard Dawkins. Car, poussée dans ses derniers retranchements, la recherche scientifique se heurte immanquablement à des questions qui relèvent autant de la métaphysique que des seules sciences physique et mathématique.
Bien qu’ingénieur agronome de formation, je suis devenus pasteur par vocation et enseignant du cours de religion protestante par profession. Dans les divers établissements secondaires où j’ai travaillé, il m’est arrivé, à mainte reprise, d’accueillir à mon cours des élèves sortant du cours de science et qui me disaient : « Mais Monsieur, avec le big bang, on ne peut plus croire à la Bible. »
À la fin de l’année scolaire passée, j’ai participé à un atelier philosophique organisé par les anciens élèves de l’Athénée où j’avais fait mes études secondaires, et où je n’avais plus mis les pieds depuis plus d’un demi-siècle ! Un panel de professeurs représentant la morale laïque et les diverses religions reconnues était réuni pour répondre aux questions des élèves des classes terminales.
Compte tenu de mon expérience passée, je n’ai pas été surpris de voir la même question revenir sur le tapis. Mais j’avoue avoir été assez étonné d’entendre certains élèves exprimer leur attachement à un littéralisme quelque peu simpliste, position que n’auraient pas reniée les créationnistes les plus réactionnaires, qu’ils soient issus du Judaïsme, de l’Islam ou du Christianisme. À la veille d’une nouvelle rentrée des classes, j’aimerais donc vous présenter le Dieu auquel je crois. Les premiers versets de la Bible sont connus :
Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, mais l’Esprit de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.
(Genèse 1:1-4)
Lorsque l’on raconte l’histoire biblique de la création à des jeunes enfants, il n’est pas, rare qu’ils vous disent d’un air entendu : « Ben oui, Dieu c’est un magicien ! » Si bien que pour eux, la création n’est pas plus extraordinaire que le lapin sortant du chapeau d’un prestidigitateur ou que le bouquet de fleurs qu’il retire d’un foulard roulé en boule. C’est un tour, une manipulation que l’on ne comprend pas : voilà tout ! Il n’y a pas de raison de chercher plus loin.
Il faut reconnaître que la plupart des croyants qui lisent les premiers chapitres de la Bible de façon littérale partagent une conception de Dieu qui n’est pas loin de celle de nos bambins. Mais personnellement, ce Bon Dieu magicien qui aurait fait sortir l’univers de son chapeau en six jours de vingt-quatre heures me paraît bien minable, et je ne puis m’y résoudre ! Je lui préfère, et de loin, le Dieu des agnostiques scientifiques, quitte à y ajouter ce que la Bible m’en dit et dont j’ai pu vérifier l’exactitude de par mon expérience chrétienne. Car ici, nous avons un Dieu d’une toute autre stature ! Mais pour le comprendre, une mise au point préalable s’avère nécessaire…
Avant tout autre chose, en effet, il nous faut dénoncer le grand malentendu qui oppose inutilement la foi et la science. Ce quiproquo concerne leurs vocations respectives. Comme pour n’importe quelle philosophie, le domaine de la religion concerne les questions de sens : « Qui est l’homme, d’où il vient, où il va, et pourquoi il est sur la terre ? »… Alors que pour sa part, la science cherche à savoir le « quand » et le « comment » de l’apparition de notre univers et de tout ce qui le peuple. Si la foi et la science voulaient bien demeurer dans leurs champs de responsabilités et d’applications respectives, elles n’auraient aucune raison d’entrer en conflit.
Prétendre trouver dans la Bible une explication scientifique de nos origines ne serait donc pas seulement une mauvaise lecture de la Genèse, ce serait surtout une trahison de l’intention de Dieu dans la révélation qu’il a voulu faire aux hommes de ses desseins. De même, la science étant réduite à l’étude de notre univers – et c’est déjà pas mal ! – vouloir prouver scientifiquement la non-existence d’un Dieu qui n’appartient pas à cet univers, n’aurait absolument aucun sens !
Par contre, comme je le disais en introduction, il existe une frontière entre la physique et la métaphysique qui ne manque pas d’intérêt par rapport à notre questionnement. C’est à cette frontière que les frères Bogdanov consacrent leur livre « La pensée de Dieu »… Expression qu’ils attribuent à Einstein à qui une étudiante demandait, en 1920, ce qu’il cherchait dans ses formules mathématiques, et qui aurait répondu : « Ce que je veux connaître, c’est la pensée de Dieu. » Cette boutade ne manque toutefois pas de pertinence, comme nous allons le voir.
Car en un siècle, les sciences ont continué à progresser de manière exponentielle. Les télescopes spatiaux nous ont notamment permis de remonter le temps pour se rapprocher de l’origine de notre univers. Ainsi, en 1990, le télescope Hubble a permis de mesurer le taux d’expansion de l’univers. Et en 1992, le télescope Cobe a permis de voir les premières lumières de l’univers, seulement 380.000 ans après le big bang : une paille pour un vieillard âgé de quelque 13 820 millions d’années !
Mais, chose plus intéressante encore, on sait aujourd’hui que notre univers répond à une multitude de constantes mathématiques et physiques qui devaient exister à l’instant même du big bang, car sans elles, notre univers n’auraient pas pu se constituer. Si les forces électromagnétiques qui ont permis aux particules subatomiques de s’agglomérer en protons, puis en atomes, puis en molécules… Si les forces gravitationnelles qui gèrent l’équilibre entre les planètes, les étoiles et les galaxies… Si ces forces, dis-je, avaient été un soupçon plus petites ou plus grandes, notre univers serait retombé comme un soufflé qui refroidit, ou serait demeuré un immense nuage de particules infra atomiques, sans jamais se constituer en étoiles et en planètes… Et nous ne serions pas là pour en parler.
Le temps qui m’est imparti ne me permet pas de partager des données chiffrées avec vous ce soir, mon intention se limitera donc à attirer votre attention sur ce que j’ai appelé la frontière entre la physique et la métaphysique. Cette frontière implique donc l’existence de certaines constantes physique avant le big bang. Autrement dit,
la réalité physique dans laquelle nous vivons repose sur une structure mathématique extérieure au temps et à l’espace.
D’une certaine façon, cette structure mathématique préexistante ne serait rien d’autre que ce qu’Einstein appelait « la pensée de Dieu »… Cette évidence a conduit certains scientifiques à parler d’une « harmonie préétablie » et donc à devenir, sinon croyants, du moins agnostiques.
Sans doute est-ce le cas des frères Bogdanov, car, pour revenir à leur livre, ils comparent cette pensée préexistante au big bang – sans préjuger de l’instant initial – à un DVD qui ne contient rien d’autre qu’une information gravée dans le langage numérique et abstrait de l’informatique ; mais information qui, une fois décodée et joué sur les appareils ad hoc se matérialise en un film visible et audible par tout le monde.
Cette information mathématique, qui a conduit à la concrétisation de l’espace et du temps qui caractérisent notre univers a parfois été qualifiée de « pensée pure au cœur du néant. » On l’aura compris, cette « pensée », le croyant que je suis l’attribue à Dieu, comme à l’incomparable concepteur de notre univers. Ce faisant, je suis bien conscient de passer la frontière qui sépare la physique de la métaphysique, pour affirmer que le récit allégorique que la Bible nous propose de la création, nous revoie à un Dieu bien plus extraordinaire que le simple Bon Dieu magicien que certains voudraient encore imposer à notre foi. Car ici, le concept de « parole créatrice » se rapportant à Dieu, l’idée que « Dieu dit et la chose est » prend enfin un sens… Un sens que ne peut renier la science, même si elle n’en attribue pas la formulation à Dieu.
Mais ce que le récit biblique de la création nous apprend aussi, c’est que ce souverain « Concepteur » a voulu confier à l’humanité la gestion d’une partie de son « invention », une certaine petite planète bleue, et ce, tout en respectant la liberté des dits gestionnaires. « Là, il prenait un fameux risque ! » diront certains. Ce qui m’amène à reprendre à mon compte l’allégorie du DVD, mais en préférant en faire l’imager d’un jeu vidéo plutôt que d’un film. Car le programme du jeu est définitivement établi par son concepteur, et personne ne peut le changer sinon lui-même. Soit dit en passant : quand ils pensent voir Dieu intervenir dans la programmation des lois de l’univers, les croyants parlent de « miracles ». Par contre, dans le cadres du programme préétabli pour notre monde, tous les coups sont permis à l’humanité : les bons comme les mauvais… Pour s’en rendre compte, il suffit d’écouter les informations… Sur La Première, de préférence !
Mais pour chacun d’entre nous, la vraie question sera toujours : « Comment est-ce que je joue ma partie en ce bas-monde ? »… Aussi : réfléchissez bien à votre prochain coup et… bonne rentrée !
Roger Lefèbvre
Roger Lefèbvre est aussi l’auteur
du 1er livre édité par
Science & Foi.
LE FAUX PROBLÈME DE l’EVOLUTION