Résumé
Une des idées qui revient souvent dans les discussions entre science et foi est de cantonner ces deux sujets dans des sphères étanches séparées comme s’ils n’avaient rien à se dire.
Cet article provient du Fraday Institute, un organisme de recherche académique en science & religion situé à Cambridge et qui collabore avec la célèbre université.
Roger Trigg, professeur de Philosophie et fondateur de la British Philosophical Association, auteur de cet article pose la question de l’autonomie de la science.
- Doit-on supposer que toute réalité est à sa portée ?
Trigg fait également remarquer que
loin d’être un système autonome et d’utiliser des méthodes purement rationnelles – la science s’appuie elle-même sur de grandes hypothèses
il évoque
- l’uniformité et la nature ordonnée du monde physique
- la capacité de l’esprit humain à saisir ces lois
Le théisme permet d’apporter des explications en évoquant la rationalité du créateur.
je vous laisse lire l’article dans son intégralité
Commentaire (Science & Foi/Marc Fiquet)
Voici quelques points qu’il me paraissait intéressant de relever :
Cet article commence par faire l’état des lieux historique sur le pouvoir de la raison
Le rationalisme et le matérialisme, semblaient aller de pair, ce qui explique que le rationalisme ait souvent été synonyme d’athéisme
Une réflexion s’engage sur l’indépendance ou non de la raison humaine. Ce que sous-entend l’auteur, c’est que les thèses naturalistes qui veulent en fait justifier l’existence des religions au travers de l’évolution plaident en fait en faveur de l’indépendance de la raison et rejoignent donc en cela les vues plutôt théistes :
Certaines croyances seraient bénéfiques, et nous aideraient à survivre et assurer la pérennité de l’espèce. Certains soutiennent que les croyances religieuses pourraient faire partie de cette catégorie. Pourtant le but d’un tel argument consiste souvent à expliquer de manière rationnelle pourquoi certains types de croyances sont répandus, malgré leur erreur, et cette explication requiert la confiance dans le pouvoir indépendant de la raison humaine.
A propos de la séparation des domaines, le constat est souvent le suivant :
La science nous parle de vérité. La religion traite de questions personnelles. En d’autres termes, la science est objective et la religion est subjective. La science est le produit de la raison. La religion est le produit d’une sorte de faculté mystérieuse appelée ‘foi’. La science nous parle du monde. La religion permet à chacun de réfléchir à ce qui lui importe le plus. […] Tout ce qui se trouve hors de la portée de la science est considéré comme indémontrable.
et Roger Trigg de faire remarquer :
Ce point de vue n’est qu’à un cheveu de la vision positiviste[1], qui assure que ce qui ne peut être testé scientifiquement, ou vérifié, n’a aucun sens.
Il ne réclame pas de faire rentrer Dieu dans les laboratoires mais estime l’équilibre suivant nécessaire :
Ne pas présupposer une origine surnaturelle pour expliquer un phénomène peut faire progresser la science.
Mais cela ne signifie pas l’absence d’entités surnaturelles, ni que par exemple il n’y ait aucune place pour l’intervention divine.
Il est nécessaire de reconnaître les limites de la science, de s’interroger sur la manière dont nous connaissons (épistémologie) pour traiter des questions métaphysiques et ne pas les ignorer ni les amalgamer.
Lorsqu’on croit que la science peut tout expliquer, alors tout ce qui se trouve au-delà de sa compréhension doit forcément sembler aussi farfelu que de croire aux lutins. La science ne peut traiter d’événements et d’entités non physiques. Un paradoxe réside en ce que la science soit un produit de l’esprit humain, mais qu’elle ne puisse aborder l’idée d’un esprit qu’en le réduisant à ses origines physiques. Ceci montre qu’en tant que méthode pour acquérir la connaissance, la science a ses limites. En même temps, on ne peut écarter la question du réel. Il est crucial de faire la distinction entre les questions d’épistémologie et la manière dont nous construisons la connaissance d’un côté, et les questions de métaphysique, ou ce qui peut être connu d’un autre.
La science a-t-elle besoin de Dieu ?
Voila la question de article posée autrement. Bien sûr il ne s’agit pas de remettre en question la méthode scientifique, mais de réfléchir ce sur quoi repose la science.
La science ne peut échapper aux hypothèses philosophiques au sujet du cadre dans lequel sa propre activité se déroule.
Pour que la science soit possible, le monde doit être ordonné de façon à se comporter de manière uniforme et intelligible, et il doit être compris, en particulier par l’esprit humain. Aucune de ces deux hypothèses ne peut être considérée comme allant de soi.
historiquement ces idées ne posaient pas de difficulté car elles s’inscrivaient dans la compréhension d’un monde créé par un Dieu à la base de toute raison. Les lumières et le postmodernisme ont remis cela en cause en voulant lier exclusivement la raison à l’expérience empirique. L’auteur pose donc la question de la base que nous voulons donner à la science moderne pour que celle-ci puisse continuer de prospérer.
[1] Définition toupie.org
Le positivisme est le système philosophique fondé par Auguste Comte qui considère que l’homme ne peut atteindre les choses en elle-même (leur être, leur essence) et que seuls les faits expérimentés ont une valeur universelle. Il a pour but de codifier les connaissances dites « positives », celles qui découlent directement de l’observation et de l’expérience et d’éliminer tout ce qui subit l’influence de la métaphysique.
L’esprit positif est orienté vers l’établissement de lois sur le modèle scientifique en remplacement des croyances théologiques et des explications métaphysiques. L’étude des événements prime celle des êtres et de l’essence. La science doit renoncer à la question du « pourquoi » des choses, qui est la recherche du sens et de l’absolu, pour se concentrer sur le « comment » afin de décrire les lois de la nature, dans le but d’être utile à la société.