chimp_hug  Après nos discussions passionnées avec « Eosine » pour qui les débats récents sur le mariage entre personnes de même sexe sont étroitement liés au problème de l’existence historique d’Adam et Eve, géniteurs de toute l’humanité, non issus d’un processus évolutif, nous publions un extrait de l’essai de Loren Haarsma « L’évolution et la révélation divine: la synergie et non le conflit dans la compréhension de la moralité « .

Dans cet essai, le Dr. Haarsma s’intéresse à une préoccupation troublante pour de nombreux chrétiens : si la science pouvait démontrer que la moralité est apparue au travers d’un processus évolutif, alors cela signifierait que nos fondations éthiques n’ont pas de statut objectif et ne contiennent aucune vérité absolue.

 

Le Professeur Haarsma répond que le principal problème dans cette façon de penser n’est pas que la science soit erronée, mais la logique sous-jacente à ce raisonnement est fallacieuse. Décrire la façon (le comment) quelque chose existe n’est pas équivalent à décrire le pourquoi ultime. Les descriptions mécaniques du développement historique n’excluent pas nécessairement les explications théologiques, et elles ne permettent sans aucun doute pas de rejeter la possibilité d’une révélation divine personnelle au cours de l’histoire humaine.

 

Vous trouverez la version complète de l’essai du Dr Haarsma dans le livre Evolution and Ethics: Human Morality in Biological & Religious Perspective, édité par Jeffrey Schloss and Philip Clayton. Cet extrait est reproduit avec l’autorisation de l’éditeur, tous droits réservés.

Cet article est d’abord paru sur le site de la Fondation BioLogos

 

 

 L’évolution compromet-elle la moralité?

Lorsque nous disposons d’une hypothèse scientifique qui explique comment telle ou telle chose ou phénomène est venu à l’existence, il est très tentant d’en déduire philosophiquement  la raison ultime pour laquelle cette chose existe. C’est ce que font Richard Dawkins (1976), Michael Ruse et Edward O. Wilson (1993) à propos de l’évolution de la morale humaine. D’un point de vue scientifique, ils avancent qu’une fois que l’homme a commencé à vivre au sein de grands groupes sociaux complexes, les individus dont les gènes les rendaient constamment égoïstes ont été punis par le groupe et ont donc eu moins de descendants que les individus dont les gènes les faisaient croire dans un code moral objectif. D’un point de vue philosophique, Ruse et Wilson (1993) écrivent : « La moralité, ou plus précisément notre croyance, sont principalement une adaptation mise en place pour améliorer notre vocation reproductrice. »

D’importantes théories scientifiques nous poussent à la réflexion théologique et philosophique. Dawkins, Ruse, et Wilson nous ont livré leurs conclusions. Mais les théories scientifiques sont souvent compatibles avec de multiples interprétations philosophiques et religieuses. Par exemple, les lois de Newton du mouvement et de la gravité permettent des interprétations théistes et athées.

Pour éviter les conclusions de Ruse et de Wilson, nous n’avons pas besoin de contredire leur hypothèse scientifique à propos de la façon (le « comment ») dont la moralité a évolué. Il nous suffit de nous opposer à l’extrapolation philosophique concernant leur réponse à la question : « pourquoi » la moralité existe-t-elle ? Même si nous adoptons une vision athée du monde, cette extrapolation est discutable. Donald MacKay (1965) y verrait un bel exemple de réductionnisme, “ce n’est rien que…”. Par exemple, on pourrait avancer l’idée qu’un sonnet de Shakespeare n’est rien que des  taches d’encre sur une page (MacKay 1965). Cette description est valide et complète au niveau auquel elle se situe ; pourtant, on peut aussi étudier le sonnet à un niveau linguistique, émotionnel, social, historique, et à d’autres niveaux encore. Si on est en train de programmer une imprimante à jet d’encre, le plus important est que les taches d’encres soient bien coordonnées pour former des lettres. Pourtant,  pour n’importe quel autre but, ce niveau de description est sans intérêt. De même, une description complète de l’existence de la moralité en termes de mécanisme évolutif n’invalide pas nécessairement la vérité, l’utilité et la signification d’autres niveaux d’explication de la moralité.

Si nous ne nous restreignons pas à un point de vue athée mais que nous envisageons l’existence d’un Créateur, l’extrapolation du « comment » la moralité au « pourquoi » la moralité existe prend une autre signification. Supposons qu’un inventeur construise un robot qui pourrait rendre bien des services : tondre la pelouse, nettoyer la maison, faire les devoirs, écrire des chapitres entiers de livres, etc….Ce robot peut aussi se dupliquer lui-même à partir des pièces détachées qui le constituent.

A chaque fois que l’inventeur a besoin d’un nouveau robot, il fournit à un robot les pièces détachées nécessaires et le robot en fabrique un nouveau. Parmi toutes les procédures programmées chez le robot, l’une d’entre elles est responsable de l’autoréplication du robot, y compris la réplication de la procédure d’autoréplication. Serait-il juste d’affirmer que le but de l’existence du robot consiste simplement à assurer sa propre réplication ? Toutes les autres procédures et les autres logiciels, par exemple ceux permettant la tonte du gazon, et d’autres encore ne sont-ils dédiés qu’à des fins de réplication des procédures d’autoréplication ?

A un certain niveau d’explication, les logiciels du robot servent bel et bien à la reproduction de ces procédures secondaires d’autoréplication. A un autre niveau d’analyse, pourtant, ces logiciels d’autoréplication servent au robot à produire plus de copies de lui-même. A un niveau encore supérieur, ces logiciels d’autoréplication servent au créateur du robot. Le créateur du robot aura bien le dernier mot concernant le niveau de description le plus fondamental de la situation.

Chez les hommes, la moralité existe-t-elle pour permettre la reproduction de certains gènes, ou bien ces gènes existent-ils pour permettre la production d’autres humains qui peuvent agir de façon morale ? Si les hommes ont un créateur, ce créateur aura bien le mot de la fin à la question de la signification ultime. Le mécanisme que le créateur a choisi pour fabriquer ces gènes, que ce soit à partir de rien ou par l’évolution, est secondaire. Le but du créateur en créant ces gènes est l’élément décisif.

 

Notes

  • Dawkins, Richard. 1976. Pp. 1-11 in The Selfish Gene. Oxford: Oxford University Press.
  • MacKay, Donald. 1965. Christianity in a Mechanistic Universe. Chicago: InterVarsity.
  • Ruse, Michael, and Edward O. Wilson. 1993. The approach of sociobiology: The evolution of ethics. InReligion and the Natural Sciences, ed. James E. Huchingson. Fort Worth: Harcourt Brace Javonovich.

Le Dr. Haarsma a un doctorat de l’Université d’ Harvard, et a effectué des recherches postdoctorales dans le domaine des neuro-sciences. Son domaine de recherche actuel est l’électrophysiologie des cellules et la modélisation informatique de la complexité auto-organisée. Il a écrit et a donné de nombreuses conférences à propos de plusieurs sujets concernant la science et la théologie, il est le coauteur du livre Origins: Christian Perspectives on Creation, Evolution, and Intelligent Design