La conservation de l’énergie c’est quoi ?

La conservation de l’énergie revient de temps en temps dans le débat science et foi. À pas mal de sauces. Certains l’invoqueront pour dire que l’univers doit être éternel puisque s’il y a de l’énergie dedans, et que cette énergie se conserve, alors c’est qu’elle a toujours été là. En effet, si j’ai 1 joule[1] dans ma poche et que ce joule est indestructible, c’est qu’il a toujours été là. Logique, non ?

D’autres veulent un univers au commencement surnaturel, ce qui serait une preuve de l’existence de Dieu. Ils prétendront donc que le Big Bang[2] n’a pas pu être naturel puisque sans cela, l’énergie qui nous entoure aujourd’hui serait apparue subitement au Big Bang, ce que la conservation de l’énergie interdit à priori. Commencement miraculeux, donc.

Le hic, pour les uns comme pour les autres, c’est que la loi de la conservation de l’énergie, parfois nommée « première loi de la thermodynamique », n’est pas toujours valable.

Ce que je m’apprête à raconter n’a rien de révolutionnaire. Si c’est surprenant, c’est simplement parce qu’il faut quelques années de fac pour en entendre parler. Si le doute persiste, vous pouvez toujours écouter Leonard Susskind, grand Manitou de Stanford, raconter exactement la même chose à ses étudiants.

On y va.

 

Les limites des lois de la physiques

Toutes les lois de la physique connues ont leurs limites. C’est à dire des circonstances où elles cesseront de faire des prédictions conformes à la réalité. La mécanique des fluides n’aime pas quand c’est trop petit. Les lois de Newton n’aiment pas quand ça va trop vite. Ou quand c’est trop petit. Etc.

 

Quand la loi de conservation de l’énergie n’est plus valable

Et la loi de conservation de l’énergie, quelle est donc sa limite ? Et bien la conservation de l’énergie, elle n’aime pas le changement. Ça veut dire quoi ? En clair, ça veut dire que si une expérience faite hier donne le même résultat que si on la fait aujourd’hui, alors l’énergie est conservée[3]. On parle « d’invariance temporelle ».

Evidemment, cette condition est presque toujours remplie. Votre téléphone, expérience permanente, marche de la même manière aujourd’hui qu’il y a un mois. Pourtant, il y a un « presque ». Pour le comprendre, il suffit d’imaginer une situation, ou une époque, où faire une expérience hier ne peut pas donner le même résultat qu’aujourd’hui.

Un exemple ? Les moments qui suivirent le Big Bang, justement. À cette époque, l’univers est en expansion rapide. Essayez donc de reproduire aujourd’hui une expérience faite hier quand toutes les dimensions de votre labo doublent tous les jours ! Si l’espace lui-même ne tient pas en place, adieu invariance temporelle… et adieu conservation de l’énergie. Si l’énergie est conservée dans toutes les expériences faites aujourd’hui, c’est qu’à leur échelle, l’expansion de l’univers, qui se poursuit bel et bien, est complètement indétectable[4].

La loi de la conservation de l’énergie est capricieuse. Je crains bien qu’elle se dérobe quand certains en auraient le plus besoin.

 

 

 


Notes

[1] Unité d’énergie.

[2] Passons sur le fait que le Big Bang n’a peut-être pas été le commencement.

[3] En pas clair, on dit que si le Lagrangien de votre système ne dépend pas explicitement du temps, alors l’énergie est conservée. A ce sujet, et pas mal d’autres, je recommande aux curieux la découverte du merveilleux théorème de Noether.

[4] Voire inexistante, comme le montrèrent Einstein et Strauss en 1945.

 

Crédit illustration :  Colin Behrens de Pixabay