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La terre n'a pas 6000 ans, et alors? ♥♥♥


Présentation de l’auteur (B. H.)

Antoine Bret est Professeur à l’Université Castilla-La Mancha, en  Espagne. Ses recherches portent sur la physique des plasmas, avec applications en fusion thermonucléaire inertielle ou en astrophysique. Il a aussi été « Visiting Scholar » au département d’astrophysique de l’Université de Harvard en 2012. Ingénieur Supélec et docteur en physique de l’Université d’Orsay, il est auteur ou co-auteur de plus de 80 articles dans des revues à comité de lecture. Il a aussi été pasteur d’une église évangélique à Madrid. Il est l’auteur de « The world is not 6000 years old. So what?” – Sous presse chez Wipf&Stock, ouvrage dans lequel il traite de la question de l’âge de l’univers.Découvrez en davantage sur  antoinebret.com.

Le Big-Bang implique-t-il un commencement du monde ?

 

On entend fréquemment dire que la théorie du Big-Bang implique que l’univers a eu un commencement. Independent des conséquences théologiques ou matérialistes qu’en tirent les uns et les autres, il est remarquable de constater que l’idée du Big-Bang n’implique pas du tout un commencement de l’univers. C’est ce que ce petit article se propose d’expliquer.

La théorie du Big-Bang est née d’une observation simple: les galaxies s’éloignent les unes des autres, d’autant plus rapidement qu’elles sont distantes. Cet éloignement provient du fait que l’univers lui-même se dilate. Si donc on passe le film à l’envers, on va voir les galaxies se rapprocher les unes des autres, jusqu’à ce que toute la matière de l’univers ne forme plus qu’un seul point.

L’image des vignettes collées sur un ballon en train de se gonfler est souvent évoquée, à juste titre, pour illustrer le fait que les galaxies s’éloignent les unes des autres, emportées qu’elles sont par un univers en expansion. Certes, l’idée que l’espace lui-même puisse enfler n’est pas très intuitive. Mais la Relativité Générale (RG) d’Einstein (confirmée en permanence par les GPS du monde entier) est formelle: l’espace est un objet dynamique, élastique, qui interagit avec la matière qu’il contient. Pour suivre l’illustration du ballon de baudruche, on peut dire que les vignettes collées sur sa surface vont toutes se toucher si on le dégonfle complètement. C’est le Big-Bang.

L’idée d’un “instant zéro” semble donc s’imposer nécessairement. On passe le film à l’envers, et on calcule le temps qu’il faut pour que toute la matière de l’univers se concentre en un point qu’on appelle parfois “une singularité”. Est-il donc démontré que le monde a eu un commencement? Les choses sont-elles aussi simples? Les physiciens savent bien que non.

Pour le comprendre, recensons les outils dont on dispose pour explorer le passé. Nous l’avons déjà dit, la théorie qui relie la dynamique de l’espace à la matière qu’il contient est la RG d’Einstein. Une autre théorie, dite Mécanique Quantique (MQ), s’applique pour décrire le comportement de la matière à l’échelle atomique. Tant que l’univers est bien plus grand qu’un atome, relativité générale et théorie quantique n’empiètent pas sur leurs domaines respectifs. L’orbite de la terre autour du soleil ne dépend pas de ce qui se passe à l’échelle atomique, et les phénomènes atomiques n’ont que faire de la gravitation.

Mais que se passe-t-il quand l’univers, à force de se contracter dans notre film passé à l’envers, atteint une taille comparable à celle d’un atome? RG et MQ ne peuvent plus s’ignorer, et l’on doit bien se demander comment elles se marient pour arriver à comprendre ce qui se passe.

Le problème est que pour le moment, personne ne sait comment se déroulent les noces. Le Big-Bang n’est donc pas un instant zéro. C’est un immense point d’interrogation. La RG permet de rembobiner le film jusqu’à ce que la MQ ait son mot à dire, mais pas plus tôt. Avant, c’est l’inconnu.

 

Les recherches vont bon train pour unir GR et MQ, mais rien n’a été établit fermement pour le moment. Il est toutefois intéressant de constater que selon certaines candidates au titre de “théorie du tout”, le Big-Bang serait en fait un rebond. Lors d’une contraction précédente, l’univers aurait atteint une taille minimum avant de rebondir pour donner « notre » Big-Bang. Si tel est le cas, le Big-Bang ne signifie pas plus le commencement de l’univers que le rebond d’une balle de tennis n’indique le début de la partie.

Nul ne sait quand le fin mot de l’histoire sera connu. Les théories unifiant GR et MQ sont en effet extrêmement difficiles à mettre à l’épreuve expérimentalement, et donc à valider. Mais quel que soit ce qu’apporte le futur, la réponse présente de la science à la question « l’univers a-t-il eu un commencement ?» est : on n’en sait rien du tout.

 

Pour aller plus loin : Discours sur l’origine de  de l’univers, par Etienne Klein

 


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