Article 1 sur un total de 12 pour la série :

La terre n'a pas 6000 ans, et alors? ♥♥♥


Présentation

(Benoît Hébert)

Antoine Bret est Professeur à l’Université Castilla-La Mancha, en  Espagne. Ses recherches portent sur la physique des plasmas, avec applications en fusion thermonucléaire inertielle ou en astrophysique. Il a aussi été « Visiting Scholar » au département d’astrophysique de l’Université de Harvard en 2012. Ingénieur Supélec et docteur en physique de l’Université d’Orsay, il est auteur ou co-auteur de plus de 80 articles dans des revues à comité de lecture. Il a aussi été pasteur d’une église évangélique à Madrid. Il est l’auteur de « The world is not 6000 years old. So what?” – Sous presse chez Wipf&Stock, ouvrage dans lequel il traite de la question de l’âge de l’univers. Et nous sommes ravi de l’accueillir en tant qu’auteur sur ce blog. Découvrez en davantage sur  antoinebret.com

Si la science l’explique, c’est pas Dieu

 

Introduction

En dépit de leurs positions clairement antagonistes, nombre d’athées et de croyants semblent partager une même conviction : si la science explique un phénomène, Dieu n’y est pour rien. Cette attitude est assez bien résumée par une célèbre anecdote racontée par Victor Hugo dans Choses Vues,

M. Arago avait une anecdote favorite. Quand Laplace eut publié sa Mécanique Céleste, disait-il, l’empereur [Napoléon 1er] le fit venir. L’empereur était furieux.
– Comment, s’écria-t-il en apercevant Laplace, vous fait tout le système du monde, vous donnez les lois de toute la création et dans tout votre livre vous ne parlez pas une seule fois de l’existence de Dieu !
– Sire, répondit Laplace, je n’avais pas besoin de cette hypothèse.

Les choses ont l’air simple : pourquoi invoquer Dieu lorsqu’il semble qu’on ait compris ? Le prix Nobel de physique Steven Weinberg déclarait ainsi en 2008 dans une interview à l’hebdomadaire Newsweek,

« Au fur et à mesure que le nombre de phénomènes expliqués par la science augmente, il y a de moins en moins besoin d’explications religieuses ».

De son côté, un site web chrétien remarquait en 2012 que le fameux boson de Higgs n’est rien d’autre qu’un

« effort totalement séculaire des scientifiques pour expliquer l’univers sans Créateur ».

Mais les choses sont-elles vraiment aussi simples ? Et surtout, pour un Chrétien, que dit la Bible de cette attitude ? J’ai bien évidement été amené à me poser ces questions en 1993, lorsque je suis devenu chrétien tandis que je préparais une thèse de physique à l’université d’Orsay. Et c’est en lisant (en partie, dois-je admettre) le Traité Théologico-Politique de Benoit Spinoza (1632-1677) que je me suis rendu compte que la Bible n’enseigne pas du tout cela. En d’autres termes, la Bible n’enseigne pas que si la science explique quelque chose, c’est que Dieu n’y est pour rien. Bien au contraire.

J’aimerais donc ici fournir un certain nombre d’exemples où la Bible nous dit très clairement que Dieu est l’auteur d’un fait tandis que l’explication nous est clairement donnée. Les conséquences ? Qu’il s’agisse de physique ou de biologie, le croyant ne devrait en aucun cas craindre les explications en tant que telles.

Les citations bibliques sont de la Traduction Œcuménique Biblique.

 

C’est Dieu qui m’a envoyé avant vous

En Genèse 45.5, Joseph explique à ses frères que Dieu l’a envoyé devant eux pour les sauver. La chose est claire pour lui : c’est Dieu qui l’a amené en Egypte. Pourtant, s’il est une histoire que la Bible conte en détail, c’est bien celle de Joseph. Imaginons donc un instant que la Bible ne dise absolument rien des évènements qui ont amené Joseph en Egypte. Imaginons que nous n’ayons rien d’autre que Genèse 45.5. Comment réagirions-nous si des archéologues découvraient une stèle, ou un papyrus, relatant l’histoire d’un jeune hébreu vendu par ses frères et devenu de fil en aiguille l’homme le plus puissant d’Egypte ? Grande serait la tentation de nier la découverte en prétextant que ce ne sont pas des marchands d’esclaves qui ont amené Joseph en Egypte, mais Dieu, et Dieu seul. On peut même anticiper les objections : « Comment savez-vous que cet esclave est le Joseph de la Bible », « Etes-vous certains que les périodes concordent ? », « Quelle est la fiabilité de vos méthodes de datation ?», etc.

Beaucoup d’archéologues penseraient peut-être avoir porté un coup fatal à la Bible. Beaucoup de croyants se sentiraient surement menacés et s’évertueraient à démonter la trouvaille. Et pourtant, la Bible, la vraie, pas l’imaginaire que je viens d’évoquer, nous donne les deux versions de l’histoire. Dieu a amené Joseph en Egypte, et je suis bien heureux qu’elle me dise également comment.

 

Il changea leur cœur, les fit haïr son peuple

Exode 1 nous raconte en détail comment les Egyptiens oublièrent le bien que leur avait Joseph et les siens. Devant la multiplication des hébreux, les Egyptiens prirent peur et « asservirent les fils d’Israël avec brutalité et leur rendirent la vie amère par une dure servitude » (Exode 1.13-14). Ce premier chapitre a en définitive un côté sociologique indéniable.

Une version quelque peu abrégée de la même histoire figure dans les Psaumes. On peut en effet lire en Psaumes 105.24-25 :

Dieu rendit son peuple très prolifique et plus puissant que ses adversaires. Il changea leur cœur, les fit haïr son peuple et traiter ses serviteurs avec perfidie.

Tandis que Dieu n’intervient pas dans le premier chapitre d’Exode, ici, en Psaumes, c’est Dieu qui fait basculer le cœur des Egyptiens. En Exode 1, « Les fils d’Israël fructifièrent, pullulèrent, se multiplièrent et devinrent de plus en plus forts ». En Psaumes, « Dieu rendit son peuple très prolifique ». En Exode 1, « un nouveau roi, qui n’avait pas connu Joseph, se leva sur l’Egypte. Il dit à son peuple : ‘Voici que le peuple des fils d’Israël est trop nombreux et trop puissant pour nous. Prenons donc de sages mesures contre lui, pour qu’il cesse de se multiplier’ ». En Psaumes, c’est Dieu qui change le cœur des Egyptiens. Pour faire court, Exode 1 nous raconte une histoire où Dieu « ne fait rien ». Psaume nous dit que c’est Dieu « qui fait tout ».

Ces deux récits sont évidemment les deux côtes d’une même pièce. Mais ils nous montrent, entre autre, que nous n’avons pas à choisir entre une explication « sans Dieu » et une autre « avec Dieu ». Ici, c’est la Bible elle-même qui fournit les deux versions.

Il fait lever son soleil…

Pourquoi le soleil de lève-t-il ? Parce que la terre tourne et qu’une loi de la physique répondant au doux nom de « conservation du moment cinétique » fait qu’elle ne va pas s’arrêter demain[1]. La même loi explique du reste pourquoi elle tourne au même rythme depuis des siècles. Bref, on aurait du mal à qualifier l’existence régulière de jours de 24 heures de mystère scientifique.

Jésus déclare pourtant en Matthieu 5.45 « votre Père qui est aux cieux… fait lever son soleil ». On se saurait être plus clair. La science s’égare-t-elle quand elle dit que le soleil se lève car la terre tourne ? Avec des milliers de satellites en orbite autour de la terre, et plus d’une centaine de sondes interplanétaires qui parcourent le système solaire[2], il ne reste plus aucun doute que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil.

Il faut donc se rendre à l’évidence et accepter ce que Dieu nous dit par la Bible et l’observation de la nature : Le soleil se lève parce que Dieu le fait ainsi, et parce que le moment cinétique se conserve. Les deux sont vrais en même temps.

 

…et tomber la pluie

Dans le même ordre d’idée, pourquoi pleut-il ? Parce que le soleil fait s’évaporer l’eau des mers, et que l’air ne peut retenir qu’une certaine quantité d’eau. Disons pour faire simple que l’eau qui s’évapore doit bien retomber un jour ou l’autre. C’est ce qui fait la pluie. La science en jeu ici est encore plus complexe que celle qui fait se lever le soleil. C’est du reste pour cela que je peux affirmer que le 1 janvier 2020, le soleil se lèvera sur Poitiers à 8h43[3], tandis que personne ne sait (ni ne peut savoir) s’il pleuvra ce jour-là sur la capitale poitevine.

Si la science à l’œuvre est plus complexe, personne n’en prétend pour autant que le phénomène soit inexplicable ou inexpliqué. Jésus nous dit pourtant en Matthieu « votre Père qui est aux cieux… fait tomber la pluie ».

 

Conclusion

Je pourrais sans peine multiplier les exemples. Genèse 9.13, « j’ai mis mon arc dans la nuée » nie-t-il les lois de la réfraction de la lumière qui régissent l’arc en ciel ? Psaumes 71.6, « tu m’as séparé du ventre maternel », remet-il en cause l’existence des sages-femmes? Matthieu 6.26, « votre Père céleste nourrit les oiseaux du ciel », libèrera-t-il les vers de terre d’une existence vouée à la crainte des moineaux ? Actes 14.17, « il vous a envoyé [les] saisons fertiles », achèvera-t-il la conservation du moment cinétique terrestre (encore lui) ? La prière de gratitude que vous adressez à Dieu au début du repas, « merci pour cette nourriture que tu nous donnes », vous dispense-t-elle d’aller faire les courses ?

La crainte de l’explication conduit bien des croyants à vivre dans la peur de la science. Elle engendre un Dieu bouche-trou condamné pour exister à se réfugier dans les zones d’ombres de la science. Cette conception est très regrettable, et pour plusieurs raisons.

  1. Tout d’abord, elle est fausse. Les exemples précédents montrent bien que le Dieu de la Bible n’est pas juste là pour boucher les trous que la science daigne lui laisser. Que nous le comprenions ou pas (c’est plutôt mon cas), Dieu est dans les trous, et tout autour également. Il fait se lever le soleil, même si la science en jeu est établit depuis bien longtemps. S’il suffisait de fournir l’explication scientifique d’un fait bibliquement attribué à Dieu pour tuer le christianisme, un simple lever de soleil suffirait.
  2. Ensuite, et je viens de l’évoquer en partie, cette conception de Dieu accouche d’un tout petit dieu, sans majuscule. Quel est donc ce dieu qui n’a rien à faire quand ses créatures comprennent son action? Au lieu du Dieu biblique « qui a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve » (Actes 14.15), le dieu bouche-trou voit son rayon d’action limité à ce que la science n’explique pas… encore. La question n’est pas de savoir si la science expliquera tout un jour ou l’autre, laissant le dieu bouche-trou sans trou. La question est tout simplement que Dieu est bien plus grand que tous les trous.
  3. Finalement, et c’est peut-être plus personnel, il est regrettable de se priver du frisson que l’on éprouve quand on a le sentiment de soulever un coin du voile et de comprendre, ne serait-ce que de bien loin, l’œuvre de Dieu. L’examen du moteur d’une Ferrari suscitera certainement de l’admiration pour l’ingénieur qui l’a conçu. L’histoire de Joseph en dit long sur la sagesse et la compassion de Dieu. Et la beauté des lois de la nature en dit long sur son intelligence. Parlant du savant, Albert Einstein écrivait dans Comment je vois le monde, « sa religiosité réside dans l’étonnement extatique en face de l’harmonie des lois de la nature, dans lesquelles se révèle une raison si supérieure que toutes les pensées ingénieuses des hommes et leur agencement ne sont, en comparaison, qu’un reflet tout à fait futile ». Autant d’expériences interdites à celui qui craint la science au lieu de l’accueillir sereinement.

[1] La même loi explique pourquoi un patineur en rotation tourne de plus en plus vite quand il resserre les bras.

[2] Je me suis arrêté à 100 en les comptant sur la page fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_sondes_spatiales

[3] Voir www.leshorairesdusoleil.com


12 Articles pour la série :

La terre n'a pas 6000 ans, et alors? ♥♥♥