Comment un simple verset des Écritures (dans le respect de son contexte) peut-il nous faire réfléchir au dialogue de sourds qui est bien souvent de mise dans le milieu évangélique quand il est question du débat sur les origines ? N’avons-nous pas tendance à laisser la part belle à nos préjugés dans cette affaire ?
Le contexte
La question de notre titre provient d’un passage bien connu des évangiles qui relate de la rencontre de certains disciples avec Jésus. Dans le passage qui nous intéresse, Nathanaël, juif pieux dans l’attente du Messie libérateur fut étonné de ce que son ami Philippe lui présente le prétendu envoyé de Dieu comme venant de la ville de Nazareth.
Jean 1:45 :
45 Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit: Nous avons trouvé celui de qui Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, Jésus de Nazareth, fils de Joseph. 46 Nathanaël lui dit: Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon? Philippe lui répondit: Viens, et vois.
Si les commentateurs reconnaissent la difficulté à trouver une origine à ce jugement sévère de Nathanaël sur Nazareth, tous s’accordent sur l’évidence des conséquences fâcheuses qui découlent d’un tel préjugé.
Peut-être que Nazareth à l’image du mauvais témoignage de foi qu’en rendait Jésus (Mr 6 :6) n’était pas une ville faisant référence en termes de moralité, ce qui pourrait expliquer l’attitude de Nathanaël qui lui était de Cana, ville voisine ; et peut-être qu’une concurrence se jouait dans l’esprit du futur disciple comme on peut le voir encore de nos jours où chacun a tendance à privilégier son lieu de vie. . De plus cette bourgade hébergeant une garnison romaine n’était certainement pas propice à lui donner une bonne image. Le jugement de Nathanaël était alors trompé par un préjugé émanant d’une mauvaise réputation ou d’un esprit de compétition entre les deux villes.
Un parallèle
En Jean 7 :52, Nous voyons qu’il était connu et enseigné par les docteurs de la loi que de Galilée (contrée dans laquelle se situe Nazareth) il ne sortait point de prophète :
Jn 7 :50 Nicodème, qui était venu de nuit vers Jésus, et qui était l’un d’entre eux, leur dit:
51 Notre loi condamne-t-elle un homme avant qu’on l’entende et qu’on sache ce qu’il a fait ?
52 Ils lui répondirent : Es-tu aussi Galiléen ? Examine, et tu verras que de la Galilée il ne sort point de prophète.
Certainement, Nathanaël était-il influencé par cette affirmation, puisque dans les textes de l’ancien Testament on n’y voit en effet aucune référence à Nazareth concernant un quelconque ministère prophétique et encore moins une prophétie annonçant que de Nazareth sortirait le Christ
Quand les Ecritures ne révèlent pas tout !
Ceci nous amène à une discussion intéressante autour du contenu des Écritures.
Le Christ devait venir de Bethléem (Mic 5:1) mais aucun détail n’est donné sur les lieux qu’il fréquenterait après sa naissance.
Ces silences de l’Ecriture portèrent préjudices aux docteurs de loi, et représentèrent un obstacle tel qu’ils ne reconnurent pas Jésus comme le Messie (notons la nature de l’impact que peut revêtir un tel état d’esprit : « La Bible n’en parle pas, ça n’est donc pas vrai »).
Ceux qui font un usage trop restrictif du sola scriptura (par l’Ecriture seule) de la réforme ne sont-ils pas dans la même dérive ? Que voulaient réellement dire les réformateurs avec cette formule choc au beau milieu des addenda du catholicisme alors en pleine contestation ?
Mais n’allons pas trop loin dans ce développement, nous y reviendrons plus tard dans un article dédié à la question.
A savoir tout de même que certains croyants revendiquant un créationnisme strict n’envisagent aucunement que la vérité même sur une réalité scientifique (l’évolution des espèces par exemple) ne puisse se trouver dans la Bible. La Bible demeure pour eux la seule source fiable de connaissance même scientifique en oubliant par-là-même les interprétations différentes qui en sont faites. Ce qu’ils sacralisent en fait, ce ne sont pas les Écritures mais la façon dont ils ont de les comprendre, ce qui, avouons-le constitue une nuance importante et même fondamentale !
Le voile de nos préjugés
Comme dans ces 2 exemples, nos préjugés nous aveuglent. Bien souvent nous jugeons une idée par son appartenance communautaire plus que sur sa valeur intrinsèque, comme dans le cas des clivages politiques. Si je suis de gauche, une idée de droite n’est pas recevable (et vice versa) !..
L’idée que plusieurs peuvent se faire de Dieu intuitivement ne colle peut-être pas à l’image que leur renvoie la religion et c’est bien compréhensible au vu du foisonnement et des excès de tout bord !
Nathanaël, contrairement aux docteurs de la loi aura pu dépasser ses préjugés en répondant à l’invitation de Philippe : « Viens et vois ». Cette expérience qui reste au centre du message évangélique d’une conviction qui nait d’une vraie rencontre avec le Christ devrait encourager les sceptiques à franchir le pas de foi nécessaire qui saura définitivement vaincre toute réminiscence de préjugé.
Si nous convenons facilement comme chrétien qu’il faut savoir vaincre nos préjugés pour avancer, nous pouvons à la lumière de ce récit, constater que des Nazareth existent encore certainement dans nos nombreux ressentiments à l’égard des cercles que nous ne côtoyons pas.
Quels sont les domaines souvent rejetés en bloc par le monde évangélique ? Que pourrions-nous y trouver de bon en rapport avec le thème qui nous préoccupe sur les origines du monde et de l’homme ?
Ce sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans le prochain article de cette série.
Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé
– Albert Einstein