Questions sur l’interprétation de Genèse 1-3

par | 23 Août 2014

Quelles sont les principales interprétations de Genèse 1-3  ?

Q_Gen1-3_aIl y a 3 approches principales : « littérale », « concordiste » et « littéraire ».
L’approche littérale (ou littéraliste) fait du sens au premier degré, le sens qu’on pense être celui voulu par l’auteur. Ainsi les six jours de la création correspondraient à six jours de 24 heures.

L’approche dite « concordiste » signifie que l’on cherche à harmoniser/accorder les données du texte avec la science d’aujourd’hui. Ainsi, les six jours correspondraient à des périodes cosmologiques et géologiques et Adam serait un personnage historique situable dans le temps.

Il y a finalement l’approche « littéraire » et « contextuelle ». Elle tient compte à la fois du genre littéraire du texte et du contexte socioculturel des destinataires pour déterminer l’intention du texte.

Quelle interprétation faites-vous de Genèse 1-3 ?

Dans les grandes lignes, nous faisons l’effort de nous replacer dans le contexte des premiers lecteurs pour tenter de comprendre le texte comme eux l’ont compris, selon leurs référents et préoccupations à eux, non pas les nôtres. Nous privilégions donc une approche littéraire de ces textes.

Quel est le problème avec l’interprétation « littérale » ?

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Le problème c’est que l’interprétation littérale se soucie peu de savoir si le contexte littéraire ou historique a une incidence sur la manière d’interpréter le texte. Le texte apparaît comme une révélation intemporelle et désincarnée. Or, la Bible est autant une parole divine qu’une parole humaine. Le contexte et le style littéraire sont très importants pour déterminer l’intention originelle du rédacteur et les préoccupations qu’il veut adresser.

Cette méthode d’interprétation appliquée aux premiers chapitres de la Genèse conduit à un conflit avec les données de la science moderne.

Quel est le problème avec l’interprétation « concordiste » ?

Le concordisme a lui aussi quelques difficultés à assumer la pleine humanité de la Bible (qui n’enlève rien à son inspiration divine). Il conçoit que Dieu s’est révélé à des cultures anciennes, mais cherche quand même à harmoniser les données de la Bible avec la science actuelle, même si cela ne fut aucunement la préoccupation des auteurs. Cela revient à lire le texte à partir de nos préoccupations modernes.

Il faut sans cesse revoir les interprétations du texte au fil des progrès de la science.

Quel est l’avantage d’une approche littéraire ?

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L’approche littéraire permet de sortir du dilemme de savoir qui a raison entre la science et la Bible. Les vérités scientifiques peuvent changer, mais les vérités de foi et de vie conformes à la volonté de Dieu (2 Tim 3.15-16) elles, demeurent toujours. Les vérités-théologiques du texte permettent de comprendre Dieu, le monde et l’humanité. Elles enseignent « qui » est à l’origine de tout, « pourquoi » Dieu a créé le monde, « quel rapport » il entretient avec la nature, et finalement quelle signification et quel sens nous pouvons donner à notre existence. Dans ce contexte, nous adoptons une doctrine de l’inerrance limitée, c’est-à-dire que le Saint-Esprit n’a pas jugé bon outrepasser les connaissances scientifiques et culturelles de l’époque des rédacteurs bibliques sans pour autant compromettre les vérités spirituelles éternelles.

Quelle est la particularité de cette dernière approche, encore peu connue dans les milieux évangéliques ?

Q_Gen1-3_dC’est surtout de tenir compte du genre littéraire et du contexte socioculturel pour saisir les vérités de foi et de vie que Dieu veut communiquer à son peuple par les textes sacrés. Selon cette approche, la Bible n’est pas une révélation « intemporelle » qui viendrait répondre directement à nos préoccupations modernes (de type historique et scientifique).Tout en étant Parole de Dieu, elle est une révélation « contextuelle » qui répond premièrement aux préoccupations des premiers destinataires.

Ainsi donc, considérant la construction littéraire des premiers chapitres de la Genèse (hymne didactique, récit narratif adaptant le style du « mythe »), considérant leur vision préscientifique du monde, considérant que les vérités théologiques et les vérités scientifiques sont de deux ordres différents (les premières étant éternelles et inerrantes c-a-d sans erreur, infaillibles, les secondes étant contingentes et changeantes), nous croyons qu’il est possible de considérer ensemble et en harmonie, la Bible et la science et de sortir de l’impasse actuelle dans laquelle l’Eglise évangélique d’aujourd’hui risque de s’enliser.

 

Dieu aurait-il pu créer en 6 jours « littéraux» ?

Bien sûr ! Nous ne disons  pas qu’il était impossible que Dieu agisse ainsi. La question est de chercher l’intention de l’auteur – et la préoccupation des premiers lecteurs. Le rédacteur voulait-il donner un compte-rendu chronologique, didactique, temporel et scientifique de la création ? Était-ce la préoccupation des premiers destinataires que de savoir « comment » a été créé l’univers ? Ou cherchaient-ils à comprendre « qui » était ce Dieu qui les avait sorti d’Égypte, « pourquoi » avait-il créé le monde (par amour, afin d’entrer en relation avec des êtres libres), et « quel sens » l’existence avait-elle sur terre ? Cela correspond mieux aux préoccupations réelles des premiers destinataires. La préoccupation était davantage tournée vers l’imminence de la conquête ou du retour d’exil plutôt que de savoir la mécanique, le « comment » le monde a été fait.

Qui décide du type d’interprétation « littéraire » ou « littérale » ?  

Q_Gen1-3_eC’est principalement le genre littéraire du passage et le contexte. Est-ce une parabole, un récit, un poème, etc. ? Voir : « Dans quel genre littéraire l’auteur écrit-il ? » plus bas.  Au début de la Genèse, ce n’est « pas de l’histoire ordinaire » (Blocher, RdO, p.26)… Le genre littéraire de Genèse 1 est à la ligne de crête de la prose et de la poésie. De la prose parce que le fond est très didactique, structuré, thématique, presque systématique et linéaire, avec un style sobre. Mais poétique parce que cet hymne joyeux est brillamment agencé dans une forme anthropomorphique, et est artistiquement rythmé (il y eut un soir et il y eu un matin) et conduit à l’émerveillement (Dieu vit que cela était bon) ! Cette présence du langage figuré (« Dieu dit ») et d’une  construction anthropomorphique (semaine de 7 jours) culmine avec l’institution du Sabbat ; le modèle divin fonde l’institution divine. La structure du texte en chiasme dévoile le cœur du propos théologique de Ge 1: l’homme à l’image de Dieu doit suivre le modèle divin révélé dans les lieux célestes.

L’histoire de l’église universelle n’a-t-elle pas toujours interprété ces textes « littéralement »?

Non.

Il est impossible de tenir une lecture strictement littérale (Blocher).

La majorité des Pères ont mélangé une lecture factuelle et spirituelle (Augustin). Et jusqu’à Copernic le paradigme d’une terre statique autour de laquelle tournaient les astres était prédominant. L’apparition de la science moderne et des découvertes de la littérature du Proche Orient Ancien (POA) nous ont permis de mieux comprendre le contexte religieux et littéraire de Ge 1.

Les Pères de l’église n’avaient pas en mains les découvertes des manuscrits du POA que nous avons aujourd’hui, ni les découvertes scientifiques modernes. En fait, très peu de chrétiens dans le monde et dans l’histoire font une interprétation littérale ou concordiste. La majorité des exégètes du monde entier – protestants, catholiques et orthodoxes – adoptent un point de vue littéraire ouvert aux sciences.

L’interprétation littérale est-elle celle de Jésus ?

Q_Gen1-3_gNulle part dans le NT Jésus-Christ ne fait référence, en parlant d’Adam, à une figure personnelle, genre à un Adam historique. Interrogé sur le mariage, il se réfère à « l’être humain » (Ge 1.27) au sens collectif de « mâle et femelle » (hébreu « zakar » et « nakébah ») et en Ge 2.24, à « l’homme s’attachant à sa femme » (hébreu « ish » et « ishah ») : homme et « hommesse » (que l’on traduit par femme) devenant « une seule chair ».

Il en est de même en Marc 10 :6-8. Jésus interprète Adam dans son sens collectif « d’humain » et pas comme un nom propre. Il dit : « Mais au commencement de la création, Dieu fit l’homme (mâle) et la femme (femelle); c’est pourquoi l’homme (grec : anthropos) quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. »  Et puis, il change la formule de Ge 1.1 « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ».

Dans les évangiles, le nom individuel d’Adam est mentionné seulement par Luc dans sa généalogie : « Enosh, Seth, « Adam », qui était lui–même fils de Dieu. » (Luc 3.38). Ici, Luc montre que Jésus est descendant d’un humain – du premier homme – ce qui est nécessaire pour notre salut.  Jésus ne descend pas d’un « type » ou d’un « archétype », mais d’un vrai humain.

Quels principes guident l’interprétation littéraire de ces textes ?

Q_Gen1-3_h1.     Remettre le texte dans son contexte premier et de chercher à répondre aux questions :

Quel était le contexte religieux, politique et scientifique de l’époque ?

 Contexte religieux : Dès le verset deux nous sommes placés devant les « eaux » qui sont là, préexistantes avant le premier jour. La cosmogonie est « aquatique » (contrairement à Ge 2 où l’état primordial avant la création est « désertique »). Il est clair qu’il y a une référence aux eaux primordiales des peuples du POA. Pour comprendre ce genre de détails, il faut savoir que le récit de Genèse 1 veut répondre aux autres récits polythéistes et païens du POA.

Contexte scientifique : L’idée que nous nous faisons du monde et de l’histoire est bien différente de celle des auteurs bibliques. (Voir image ci-dessous)

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2.     À quelles préoccupations l’auteur veut-il répondre ?

Loin de vouloir apporter des réponses scientifiques aux préoccupations modernes, ce texte répondait aux préoccupations religieuses d’un peuple étouffé par le polythéisme et le paganisme antique, tout en « évangélisant » les nations. D’abord l’auteur cherche à renouveler leur vision du monde et à fonder une identité propre comme peuple de l’Éternel. Deuxièmement, c’est une façon « d’évangéliser » les nations en leur présentant, dans un style littéraire qui leur est familier – le genre du mythe – la vraie image de Dieu : Tout-Puissant, miséricordieux et engagé envers l’humanité au complet. Genèse 1 est donc un crédo (une confession de foi) qui apporte un enseignement sur les réalités célestes et terrestres, répondant aux préoccupations : « Qui est Dieu, comment agit-il dans le monde, qu’attend-il de l’être humain ? »

3.     Quel est le genre littéraire du texte ?

Dans le POA (Proche Orient Ancien) il y a avait un style littéraire très populaire : les récits fondateurs appelés aussi mythes. Tous les peuples autour d’Israël avaient leur récit fondateur. Ces textes s’intéressent à comprendre « ce qui est arrivé au début», c’est-à-dire ce qui était « avant ce temps-ci ». Le récit composé fonde les institutions cultuelles. Celui-ci revêt une réflexion de type « constructiviste » sur les origines concernant la réalité première, la formation de la terre et le rôle attribué aux humains. La valeur du mythe – sa recevabilité – dépend de la vision du monde qu’il engendre et du sens qu’il génère. Les récits fondateurs de la Bible diffèrent des autres textes païens en ce qu’ils sont des reconstructions inspirées par le Saint-Esprit, et la vision du monde qu’ils engendrent correspond à l’essence de la réalité.

Comment comprendre Genèse 1 ? Pourquoi 7 jours ?

Q_Gen1-3_iUne fois replacé dans son contexte religieux, scientifique et littéraire, on saisit que Genèse 1 est un récit fondateur, une sorte de confession de foi monothéiste qui révèle qui est Dieu à son peuple, et quelle est son activité dans les lieux célestes. C’est ainsi que, sous une forme anthropomorphique, il révèle le cadre de vie céleste (le début) pour offrir au peuple le modèle divin qui sera le fondement de sa pensée, de son organisation religieuse et de sa structure sociale.

Dans un dépliant sur la création, le pasteur Stéphane Rhéaume de Montréal, a écrit que la semaine des 7 jours est « une construction stylistique ayant pour but de nous expliquer l’agencement et l’organisation du temps et de l’espace dans lequel vit l’être humain, le tout reflétant la sagesse de Dieu. Il servirait aussi à justifier l’institution du sabbat que les Israélites devaient respecter, à savoir l’observation d’un jour de repos après six journées de travail. »

Est-ce une fiction, une reconstruction littéraire sans fondement réel ?

Il y a plusieurs récits de création dans la Bible. Chacun d’eux présente un regard différent – mais complémentaire – selon leur angle de vue. Cette diversité montre qu’il est impossible de rationaliser le phénomène « création » en un seul discours. Mais on peut l’approcher de différentes manières selon les contextes historiques et scientifiques.  Ce type de révélation honore l’humanité au lieu de l’infantiliser (comme dans l’idée d’une Révélation intemporelle tombée du ciel).

Faisons-nous une lecture allégorique ?

Non  ! L’allégorie cherche à décoder derrière les mots le sens caché, la/les réalités vers lesquels ils pointent : l’arche = l’église, l’arbre de vie = la croix. Ce n’est pas ce que nous faisons. Il faut comprendre comment fonctionne le langage religieux. La vérité du symbole se trouve dans la réalité vers lequel le symbole pointe. Pour comprendre un symbole, il faut partir du sens littéral et aller vers son référent. La vérité du langage religieux est de type « relationnel », car c’est dans la relation avec le référent que le sens est éclairé. Dans tout langage figuré ou symbolique, nous faisons une « lecture littérale » ET une « interprétation littéraire ». Prenons une expression poétique, ex : « je brûle d’amour »… C’est en faisant une lecture littérale de l’expression que nous sommes conduits au sens littéraire qui porte le sens réel (personne ne va finir en fumée…).

Pourquoi y a-t-il 2 récits de création (Genèse 1 & 2) ?

Q_Gen1-3_jLe lecteur attentif note qu’il y a effectivement « deux histoires » de création qui ont des scénarios différents.

1.     Les deux ne coïncident pas dans l’ordre d’apparition

    • Dans Ge 1 l’homme est créé après les animaux, dans Ge 2 il est créé avant.
    • Dans Ge 1 il est créé le dernier de la création, dans Ge 2 il est le premier.
    • Dans Ge 1 l’homme et la femme sont créés simultanément, dans Ge 2 la femme est créée après la création de l’homme et des animaux,

2.     Les deux ne coïncident pas dans le mode de création

    • Dans Ge 1 Dieu crée par sa parole souveraine et royale, dans Ge 2 Dieu est manuel, impliqué concrètement dans sa création. Il est tour-à-tour potier, jardinier et couturier.

3.     L’état primordial avant que Dieu crée est différent

    • Ge 1 = eaux ; Ge 2 = désert

Toutefois les deux récits ont des perspectives différentes et veulent exprimer des vérités complémentaires.

Comment expliquer la différence de ces deux récits de création ?

Par leurs angles de réflexion différents.
ce sont les mêmes vérités théologiques :

Genèse 1 se place dans une perspective théocentrique (centré sur Dieu); il observe le monde du point de vue de Dieu qui crée, parle, se repose. Il insiste sur la transcendance de Dieu. Il montre la royauté d’ÉLOHIM sur tout ce qui existe, que les habitants du POA percevaient comme des divinités (la terre, les astres, le soleil, les monstres marins, etc.). Il montre la Toute-puissance de sa Parole par laquelle il « ordonne » toute chose et « donne » la vie à tout ce qui existe. Il montre finalement son amour en créant l’humain à son« image » et en remettant cette création entre ses mains. « Le ciel ? Il appartient à l’Éternel ; quant à la terre, il l’a donnée aux hommes. » (Psaumes 115.16)

Genèse 2 se place dans une perspective anthropocentrique (centré sur l’homme). Le texte commence par le besoin pour la création d’avoir l’humain : « il n’existait encore sur la terre aucun arbuste, et aucune herbe des champs n’avait encore germé, car l’Eternel Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et il n’y avait pas d’homme pour cultiver la terre ».  Genèse 2 réfléchit à l’intérieur de l’expérience humaine.

Pour le dire un peu maladroitement : Genèse 1 est la théorie, l’intention divine, le projet parfait de Dieu; Genèse 2-3 est la pratique avec les défis que pose l’existence d’une liberté incarnée dans un corps.

Quelles leçons tirer de Genèse 1 ?

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Dieu existait avant la création et non les eaux primordiales. C’est un Dieu personnel (pas une force) et relationnel (il communique), transcendant (au-dessus du monde), Bon (tout est bon), Tout-puissant (rien ne lui résiste).

Il n’y a pas d’autres divinités. Ni les astres ni les monstres marins mentionnés par les mythes païens. La création est distincte de Dieu, elle n’émane pas de lui, elle n’est pas une partie de Dieu.

La création est dynamique (que la terre grouille, que les eaux foisonnent), linéaire (période de 6 jours) allant du plus simple au plus complexe.

La place de l’homme est révolutionnaire : il n’est pas l’esclave des divinités, il n’est pas soumis aux caprices des dieux. Il est représentant de Dieu sur terre, il est fait à l’image du roi céleste, il est appelé à régner de la même manière que Dieu, c’est-à-dire avec bonté et sagesse (Ps 8; 115:16).

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