Quelle fut la réponse des chrétiens à la théorie de Darwin ?

par | 7 Mai 2013

En résumé


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Vu de loin

Avons-nous la juste représentation des choses ?

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Même avant que  Darwin ne publie  L’Origine des Espèces  en 1859, beaucoup de chrétiens avaient accepté l’idée d’une terre ancienne.

L’un des premiers partisans des sciences de l’évolution aux E.U.-le biologiste d’Harvard Asa Gray- était un chrétien convaincu. Le théologien  théologiquement conservateur B.B. Warfield acceptait aussi les sciences de l’évolution, et tous deux rejetaient l’idée que l’idée d’évolution conduise à l’athéisme. Même les auteurs des « Fundamentals », publiés en 1910 et 1915, acceptaient l’idée d’une terre ancienne.

Ce n’est qu’un siècle après Darwin que de nombreux évangéliques et fondamentalistes ont pris parti pour la géologie du déluge et la création en six jours littéraux promues par les adventistes du septième jour.

En détail


Idées reçues

Beaucoup croient qu’avant que Darwin ne publie L’Origine des Espèces en 1859, les Chrétiens dans leur ensemble soutenaient une interprétation entièrement littérale de la Genèse. Alors que la majorité des chrétiens acceptaient l’idée d’une Terre jeune au début du XIXème siècle, de nombreux exemples nous montrent qu’il ne s’agissait pas là d’un consensus strict. En fait, l’idée d’une Terre ancienne gagnait déjà en popularité parmi les Chrétiens tout au long de la première moitié du XIXème siècle.

Une seconde idée reçue est que la théorie de Darwin de l’évolution par sélection naturelle aurait été reçue avec une hostilité immédiate par les chrétiens, parce qu’elle n’était pas compatible avec la théorie d’une Terre jeune. Alors que les explications de Darwin à propos des origines de l’homme provoquaient des discussions intenses, le centre de ces débats théologiques n’était pas focalisé sur l’âge de la Terre. Les sujets principaux concernaient des problèmes distincts : l’idée que la Genèse semblait décrire une création en déclin plutôt qu’en progrès ; et la question plus large de la réconciliation du mécanisme de Darwin avec le caractère de Dieu révélé dans la Bible. Ainsi, puisque la théorie de Darwin donnait une explication à la diversité de la vie aujourd’hui, il semblait que Dieu ne jouait pas de rôle dans l’acte de création. C’est encore un sujet fréquent de discussion. Mais après la publication de Darwin, les chrétiens n’accordèrent que peu d’attention à la question de savoir si la théorie d’une Terre jeune était la seule interprétation valide de la Genèse.

Les Interprétations Pré-Darwiniennes

Darwin n’a pas inventé l’idée d’évolution. Au moment de la publication de L’Origine des Espèces, l’idée d’évolution dans beaucoup de processus naturels étaient déjà populaire, et le mot « développement » étaient davantage utilisé dans les discussions à propos des changements de la société ou de l’histoire du système solaire.1 De plus, il était largement admis que la Terre était bien plus ancienne que ce que l’on pensaient auparavant. Le travail de fond sur cette question était dû au mouvement « Progressionist » apparu plus tôt dans le siècle. Par une étude du registre fossile, ces géologues encouragèrent ce changement majeur de la conception d’une Terre jeune à celle d’une Terre ancienne. La plupart de chrétiens furent heureux de pouvoir aligner leur compréhension des Écritures avec cette découverte, ce qui prit la forme de deux interprétations principales.2

La première  d’entre elles est la théorie des jours-époques, dans laquelle chaque jour du récit de la création fait référence à un temps beaucoup plus long, peut-être une période géologique. La seconde est connue sous le nom de “théorie de la restitution”, dans laquelle Dieu est effectivement actif dans une période de 6 jours de 24 heures, la Bible faisant l’impasse sur une vaste période entre la création initiale des cieux et de la Terre, et la création plus tardive de l’Eden décrite dans la Genèse. Cela permet une lecture plus littérale de la Genèse qui est encore compatible avec l’âge ancien de la Terre.

Les réactions initiales

A la lumière de la popularité de ces interprétations comme la théorie des jours-époques ou la théorie de la restitution, la théorie de Darwin n’était pas si bouleversante que cela pour la compréhension de la Genèse. Bien entendu, cette théorie souleva des controverses à la fois en science et en théologie. Reste-t-il de la place pour l’activité créative de Dieu ? Le mécanisme de Darwin par sélection naturelle pouvait-il expliquer comment les caractéristiques étaient héritées au cours du processus évolutif ou même capable d’expliquer l’origine des variations initiales ? Même si la théorie de Darwin ne s’imposa que progressivement dans la communauté scientifique, la réaction des chrétiens fut plus favorable que beaucoup le pensent.3

Pour comprendre la différence entre la réponse immédiate faite à Darwin et l’opposition vigoureuse qui grandit ultérieurement, il nous faut prendre conscience de deux caractéristiques très importantes de la 2ème moitié du XIXème siècle qui suivit la publication de L’Origine des Espèces :

1 La communauté scientifique était sceptique sur le fait que la seule sélection naturelle aveugle pouvait accomplir tout le travail que Darwin lui assignait. La plupart des scientifiques acceptaient que Darwin et d’autres aient établi que l’évolution ait eut lieu, mais ils étaient enclins à penser que  le processus évolutif suivait un but de plusieurs façons. Dans un de ces points de vue appelé orthogenèse, l’évolution était vue comme le déploiement de caractéristiques pré inscrites,  et ainsi vue comme rien de plus que le mécanisme créatif de Dieu. L’aspect de l’évolution qui choque le plus les chrétiens n’est pas que les espèces puissent évoluer mais que le processus soit non dirigé, sans objectif, et par conséquent, sans signification. Pour des éléments de réponse à cette objection,

2 Le combat dramatique interne au Christianisme Américain avec le modernisme aboutit à une séparation entre des expressions libérales et modernistes de la foi et d’autres plus traditionnelles et conservatrices (au sens théologique). Les modernistes mirent l’emphase sur l’évangile social tout en minimisant l’importance -ou même en la niant- de la naissance virginale de Jésus, de sa résurrection et de sa divinité. Parce que les modernistes étaient passionnés par la science, ils avaient tendance à être évolutionnistes, ce qui bien entendu rendaient les conservateurs (au sens théologique) inconfortables avec l’évolution. Il n’y avait pas de perspective évolutionniste attractive comme BioLogos, aucun scientifique leader dans ce domaine comme John Polkinghorne, Ken Miller ou  Francis Collins qui acceptent l’évolution avec des convictions chrétiennes traditionnelles.

Le Royaume Uni nous fournit des exemples de chrétiens favorables à Darwin, parmi lesquels un membre de la Royal Society, William Henry Dallinger, qui fut un pasteur méthodiste de 1861 à 1880 puis président du Wesley College. Lors d’une participation à la British Methodist Conference en 1887, Dallinger admit avoir une “acceptation sans réserve de l’évolution.” Quant aux variations aléatoires et aux adaptations du processus évolutif, Dallinger expliqua:

« A chaque fois que des auteurs tels que Darwin parlent de « dispositif », ou « d’adaptation » partout dans l’univers, il s’agit de facteurs reliés contribuant à l’harmonie dans une « mosaïque » organisée et tellement vaste, qui dans sa totalité a un « objectif final » trop grand pour être vu par un homme. » 4

Un autre avocat de l’évolution théiste était Sir George Stokes. Stokes était Professeur de Mathématiques à l’Université de Cambridge, de 1849 à 1903, à un poste occupé par Sir Isaac Newton et par Stephen Hawking actuellement. Même s’il hésitait à appliquer l’évolution à l’espèce humaine, il fit un effort considérable pour clarifier le fait que “même une adoption complète de l’évolution n’est pas en contradiction avec le théisme”  et qu’il n’y avait aucune nécessité de penser que chaque espèce soit apparue par des actes de création individuels.5

L’Académie des États-Unis fut tout d’abord réticente à accepter la théorie de Darwin. Pourtant, la théorie fut largement acceptée largement dès les années 1880, en grande partie grâce au biologiste chrétien Asa Gray. Malgré ses convictions religieuses qui l’incitaient à modifier certains points de la théorie de Darwin, Gray travailla à la bonne acceptation de l’évolution par sélection naturelle au États-Unis.6

En réponse, les théologiens américains commencèrent à réfléchir à la compatibilité de la théorie de Darwin avec la doctrine chrétienne. Comme au Royaume-Uni, les théologiens américains étaient déjà à l’aise avec la théorie des jours-époques ou celle de la restitution. Leurs réactions initiales fut pourtant variées. Certains voyaient dans l’évolution la méthode de création de Dieu. D’autres argumentèrent ainsi: puisque Darwin expliquait la conception apparente de la nature, sa théorie n’était compatible qu’avec l’athéisme.7 Avec le temps, même certains des théologiens littéraux les plus conservateurs furent familiers avec la théorie de Darwin. Le cas de B.B. Warfield est exemplaire à cause de sa vision de l’inerrance de la Bible, elle est parfois citée en exemple par les Créationnistes de la jeune Terre.8 Warfield écrit:

« Je suis libre de dire que pour moi, il n’y a aucune affirmation générale ou aucune partie du récit de la création, que ce soit dans Genèse 1 ou 2 ou ailleurs, qui doivent être opposées à l’évolution. » 9

Alors que la théorie de l’évolution de Darwin était acceptée plus largement à la fin du XIXème siècle, de nombreux théologiens s’y opposaient spécifiquement pour l’espèce humaine. Une partie de leur hésitation était due à leur crainte que l’évolution ne mine la moralité, ou que l’évolution ne rentre en conflit avec l’affirmation biblique que les hommes sont faits à l’image de Dieu10. Même si B.B. Warfield partageait certaines de ces préoccupations, il reconnaissait ce qui suit:

« Le réel enjeu de toute cette affaire n’est pas l’antagonisme nécessaire entre le Christianisme avec l’évolution, pourvu que nous n’adoptions pas une vision trop extrême de l’évolution. Adopter une vision qui n’autorise pas d’intervention miraculeuse (dans l’attribution d’une âme ou la création d’Ève, etc.) entraînerait une grande reconstruction de la doctrine chrétienne, et un très grand affaiblissement de l’autorité détaillée de la Bible.” 11

En dépit du fait qu’il reconnaissait des problèmes difficiles avec l’évolution – en particulier la création d’Ève- son avis sur une juste interprétation de la Bible était clair 12 .

A part les préoccupations  en rapport avec la théorie de Darwin, à la fin du XIXème siècle, pratiquement aucun travail n’était fait en faveur d’une Terre plus jeune. L’enthousiasme pour cette théorie était très confiné chez les Adventistes du 7ème jour, qui suivaient les enseignements de sa fondatrice Ellen G. White. Les Adventistes la considéraient comme une prophétesse. Dans un passage, White prétend avoir vu la création dans une vision divine. Dans une autre vision, Dieu lui aurait révélé que le déluge du temps de Noé aurait produit les fossiles13. Les premiers adventistes expliquèrent donc les découvertes géologiques du début du XIXème siècle par une lecture littérale et universelle de l’histoire du déluge en Genèse 6-8. La vision de White était destinée à avoir une influence considérable.

La controverse actuelle

Entre 1910 et 1915, un groupe de chrétiens conservateurs (au sens théologique) écrivit une série d’articles appelés « The Fundamentals » (« Les Fondements »). Ces articles clarifiaient le credo des chrétiens conservateurs pour préserver la foi des menaces de leur époque.14 « Les fondements » contenaient un commentaire de George Frederick Wright sur l’évolution, cet auteur était un partisan de la théorie des jours-époques qui collabora occasionnellement avec Asa Gray. Dans son commentaire, Wright ne mit aucune emphase sur le déluge de Noé en tant qu’explication des données géologiques.  « Les fondements » soutenaient également l’idée d’une Terre ancienne. La même chose peut même être dite de William Jennings Bryan, un chrétien conservateur qui fit des campagnes contre l’enseignement de l’évolution dans les écoles publics. Son implication dans le procès Scopes de 1925 à Dayton (Tennessee) est déformée dans le film de Stanley Kramer  (1960) : Inherit the Wind ( Héritiers du Vent ). Kramer y fait le portrait de Bryan comme celui d’un Créationniste littéral partisan de la Terre jeune, ce qui est faux.

La campagne Créationniste moderne gagna en force en tant que mouvement anti-évolutionniste. Il s’agissait essentiellement  de la réémergence de la géologie du déluge qui avait perdu sa crédibilité. A partir de années 1960, la géologie du déluge promue par les Adventistes devint la croyance répandue chez les antiévolutionnistes.

En 1959, le centième anniversaire de la publication de Darwin fut accompagnée d’un cri des chercheurs pour rendre le public plus averti de la théorie de l’évolution. A peu près à la même période, l’Union Soviétique lança Spoutnik, ce qui menaça le leadership des États-Unis en matière de sciences. En réponse, le gouvernement américain fonda le Biological Sciences Curriculum Study (BSCS), qui produisit une série de livres de classe qui enseignaient l’évolution sans réserve.15 De nombreux chrétiens conservateurs de cette époque y virent une tentative de bourrage de crâne de leurs enfants avec l’évolution.16

Comme en réponse à ce cri, John Whitcomb and Henry Morris remirent la géologie Adventiste du déluge au goût du jour en 1961 dans The Genesis Flood: The Biblical Record and its Scientific Implications (Le Déluge Biblique : Le Récit Biblique et ses Implications Scientifiques.)17. Whitcomb et Morris expliquaient en détail comment le déluge de Noé pouvait rendre compte des preuves géologiques pour une Terre jeune. Peu après, de petits groupes de chrétiens conservateurs se formèrent pour soutenir ces recherches. On les appela « Créationnistes de la Jeune Terre », et la géologie du déluge le « Créationnisme Scientifique ». Pour pouvoir être acceptés dans toutes les écoles publiques, ils abandonnèrent toute référence à la Bible. Le mouvement continua à croître, et dans les années 1970, le terme « Créationniste »  faisait uniquement référence à un mouvement qui avait tout d’abord été confiné principalement chez la minorité Adventiste.18 

Conclusion

Bien qu’avec le mouvement de l’Intelligent Design le Créationnisme de la jeune terre soit le principal mouvement anti-évolutionniste, cette croyance n’a été populaire chez les chrétiens d’Amérique du Nord que depuis 50 ans. Juste avant et pendant les 100 ans après la découverte de Darwin, la plupart de chrétiens aux États-Unis étaient à l’aise avec l’idée d’une Terre ancienne, et beaucoup avaient trouvé une harmonie entre la Bible et la science soit avec la théorie des joursépoques, soit avec la théorie de la restitution.

Notes

  1. David N. Livingstone, Darwin’s Forgotten Defenders: The Encounter between Evangelical Theology and Evolutionary Thought (Grand Rapids, Mich.: W.B. Eerdmans; Edinburgh, 1987), xi. See also Ronald L. Numbers, Creation by Natural Law: Laplace’s Nebular Hypothesis in American Thought (Seattle: University of Washington Press, 1977).
  2. Ronald L. Numbers, Why Is Creationism So Popular in the USA? , (Course, September 15, 2007); from The Faraday Institute of Science and Religion,
    Multimedia, MP3, Download Video, http://www.stedmunds.cam.ac.uk/faraday/Multimedia.php (accessed 1/5/08).
  3. Livingstone, Darwin’s Forgotten Defenders,
  4. Ibid., 97.
  5. Ibid., 98.
  6. Ibid., xi. See also Livingstone, Darwin’s Forgotten Defenders, chapter 3.
  7. James McCosh of Princeton University is an example of the former, while Princeton Theological Seminary’s Charles Hodge is an example of the latter.
  1. See Ronald L. Numbers, « Creationism History: Darwin Comes to America, » Counterbalance Interactive Library, http://www.counterbalance.net/history/history-print.html (accessed 1/5/09).
    See also Numbers, Darwinism Comes to America (Cambridge, Mass.: Harvard University Press, 1998).
  1. Warfield’s views on the inerrancy of scripture are quoted in the foreword by John C. McCampbell to John Clement Whitcomb and Henry M. Morris, The Genesis Flood: The Biblical Record and Its Scientific Implications (Philadelphia: Presbyterian and Reformed Pub. Co., 1961), xx. His words were taken from Benjamin Breckinridge Warfield, « The Real Problem of Inspiration », in The Inspiration and Authority of the Bible, ed. Samuel G. Craig (Philadelphia: Presbyterian and Reformed Pub. Co., 1948).
  2. Livingstone, Darwin’s Forgotten Defenders, 118.
  3. Numbers, Darwinism Comes to America, 2.
  4. Benjamin Breckinridge Warfield, Lectures on Anthropology (Speer Library: Princeton University, 1888),,quoted in Livingstone, Darwin’s Forgotten Defenders, 118-19.
  5. Warfield believed that Moses was writing with his audience’s education in mind: “Writing to meet the needs of men at large, [Moses] accommodated himself to their grade of intellectual preparation.” Benjamin Breckinridge Warfield, « Calvin’s Doctrine of the Creation, » Princeton Theological Review 13 (1915): 208-09, quoted in Livingstone, Darwin’s Forgotten Defenders: The Encounter between Evangelical Theology and Evolutionary Thought, 120.
  6. Ronald L. Numbers, Why Is Creationism So Popular in the USA? , (Course, September 15, 2007); from The Faraday Institute of Science and Religion,
    Multimedia,   MP3,   Download     Video,             http://www.stedmunds.cam.ac.uk/faraday/Multimedia.php (accessed 1/5/08).
  7. Complements of Two Christian Laymen, The Fundamentals: A Testimony to the Truth (Chicago: Ill., 1910).
  8. Numbers, Darwinism Comes to America, 4.
  9. Ronald L. Numbers, The Creationists, 1st ed. (New York: A. A. Knopf: Distributed by Random House, 1992). As quoted by Numbers, Darwinism Comes to America, 4.
  10. John C. Whitcomb, The Genesis Flood: The Biblical Record and Its Scientific Implications (Philadelphia: Presbyterian and Reformed Pub. Co., 1961).
  11. Numbers, « Why Is Creationism So Popular in the USA? » See also Numbers, Darwinism Comes to America, 6-7.

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