Henri Blocher est un théologien reconnu mondialement. Il a enseigné à la faculté de théologie évangélique de Vaux sur Seine, ainsi qu’au Wheaton College.
Cet ouvrage paru il y a 30 ans a joué un rôle important dans mon itinéraire spirituel et intellectuel. Jeune étudiant, je cherchais un ouvrage susceptible de m’éclairer sur les interprétations de la Genèse et leur rapport avec la science. C’est alors que j’ai découvert « par hasard » l’ouvrage de M. Blocher dans les rayons d’une librairie évangélique. C’était presque le seul livre évangélique à traiter sérieusement de l’interprétation de la Genèse, et à aussi aborder les défis posés par les découvertes de la science.
C’est avant tout un ouvrage de théologie dont le but est d’expliquer le sens profond du récit de la création, c’est-à-dire le véritable objectif pour lequel il a été écrit, plutôt que de répondre à des questions théologiquement secondaires en rapport avec la science. C’est un ouvrage assez difficile à lire, mais les efforts que l’on voudra bien y consacrer en valent largement la peine.
Henri Blocher débat en particulier des différentes interprétations des jours de la Genèse : littérale, concordiste et littéraire. Il est partisan de la théorie du cadre ou interprétation littéraire de Genèse 1 qui met en évidence le parallélisme entre les trois premiers jours et les trois suivants. Ainsi, l’intention du texte n’est pas de nous expliquer comment Dieu s’y est pris pour créer, ni l’ordre chronologique des étapes de la création. Son but n’est pas de défendre le texte par rapport aux découvertes scientifiques et ainsi de le rendre crédible. Henri Blocher défend cette interprétation parce qu’elle fait justice au texte lui-même.
Henri Blocher n’aborde pas la question du rôle joué par les conceptions cosmologiques anciennes des Hébreux (création du « firmament » pour séparer les eaux d’en haut et d’en bas….). Il ne fait pas non plus mention du principe d’ «accommodation » ou d’adaptation du Saint Esprit dans le processus d’inspiration, parce qu’il ne semble pas y adhérer. La confrontation du texte biblique avec les mythologies des peuples voisins n’est que très peu abordée.
Dans un appendice très complet à la fin du livre, Henri Blocher aborde « les hypothèses scientifiques et le début de la Genèse ».
« Le croyant ne peut éluder ni l’examen prudent et critique des théories, ni la tâche de relier ses conclusions à l’enseignement de la révélation. »
L’auteur est tout à fait conscient de la difficulté de cet examen, tant est vaste le domaine scientifique à couvrir. Il sépare son analyse en trois domaines distincts : la détermination des âges, l’origine des espèces vivantes et l’antiquité de l’homme.
Tout comme Alfred Kuen, Henri Blocher a bien conscience que la « géologie du déluge » et la théorie d’une Terre jeune sont aujourd’hui intenables à cause des différentes lignes de preuves INDEPENDANTES qui nous montrent que l’univers et la terre sont très anciens. Tout en reconnaissant la sincérité des « créationnistes », Henri Blocher dénonce leur pseudo science motivée par une « exégèse indûment littérale de Genèse 1 ».
La question du transformisme Henri Blocher prend bien soin de séparer la théorie biologique de l’évolution et toutes les spéculations philosophiques que beaucoup d’idéologues lui ont associées. Ainsi, il ne se sent pas obligé de jeter le bébé avec l’eau du bain et est libre d’examiner la théorie pour ce qu’elle est : une simple théorie scientifique.
« …l’accumulation des indices favorables impressionne. Qu’y a-t-il de plus probant, que manquent dans nos musées de nombreux maillons de la chaîne (contre l’évolution), ou qu’on en ait trouvé plusieurs comme prévu (pour l’évolution) ? […] L’essor prodigieux de la biologie moléculaire paraît avoir plutôt renforcé le crédit du transformisme ; l’étude des protéines et des séquences d’ADN conduit à des corrections de la généalogie mais non pas à son bouleversement.[…]le réquisitoire anti-scientiste nous semble plus convaincu que convaincant. »
M. Blocher écrivant ces lignes il y a plusieurs dizaines d’années faisait preuve d’une grande clairvoyance et depuis, de nombreuses espèces de transition ont été découvertes, toujours au bon endroit de la chaîne évolutive. La comparaison des génomes complets de plusieurs espèces, en particulier ceux de l’homme et du chimpanzé est venue confirmer l’hypothèse d’une origine commune de manière spectaculaire.
« Résumons : l’évolution biologique (séparée bien entendu de certaines extrapolations philosophiques inadmissibles) reste une hypothèse, mais une hypothèse attrayante. Le croyant attaché à la Bible n’a aucune raison de la rejeter a priori, comme procédure de création – sinon (objection scientifique) que nul, jusqu’ici, n’a pu en montrer la pleine possibilité dans le réseau des lois connues. Les savants rationalistes ou positivistes, par répudiation pour le « miracle » de l’intervention divine directe, tendent à minimiser l’objection pour postuler un transformisme exclusif ; le croyant n’exclut ni l’un ni l’autre et peu attendre impartialement le fruit de recherche futures. »
On peut dire aujourd’hui que l’évolution est plus qu’une hypothèse, mais une véritable théorie au sens scientifique du terme. C’est-à-dire un cadre qui permet de faire des prédictions falsifiables par des observations ultérieures. Plusieurs lignes de preuves INDEPENDANTES confirment toutes une ascendance commune aux espèces vivantes : l’anatomie comparée, la répartition géographique des espèces, la paléontologie, l’embryologie, la génétique…Les biologistes discutent encore des mécanismes précis de cette évolution, mais celle-ci ne fait plus guère de doute.
Dans sa conclusion, M. Blocher est tout à fait révélatrice de son l’humilité et de son ouverture d’esprit.
« Sommes nous victimes de nos habitudes de lectures, occidentales et modernes ? Faut-il accepter une plus forte dose de fiction métaphorique ? »
En rapport avec la place d’Adam et Eve dans un scénario évolutif :
«Il est peut-être salubre que nous concluions par un exemple « embarrassant ». Il permet d’illustrer l’attitude de la foi : la foi n’a pas toutes les réponses, tout de suite; elle ne prétend pas que « la Science » aujourd’hui lui donne en tout raison ; elle ne s’émeut pas si certaines apparences sont contraire à la Parole de Dieu ; elle est tellement assurée de cette Parole qu’elle peut exposer sereinement ses hésitations et attendre sans impatience la dissipation des obscurités. »
B. Hébert