Article 2 sur un total de 3 pour la série :

Scientifique et croyant ?


 

 

Dans l’article précédent, je recensais 3 raisons pour lesquelles les gens s’étonnent qu’un scientifique puisse être croyant :

  1. Les scientifiques sont des gens qui ne croient que ce qu’ils voient. Que ce qu’ils peuvent démontrer par A plus B. Ce sont donc des gens qui ne peuvent pas avoir la foi.
  2. La science explique beaucoup de choses. On n’a pas besoin de Dieu pour les expliquer.
  3. La science contredit le récit de la Genèse.

L’article en question dissertait de la première raison. Je parlerai ici de la deuxième, qu’une phrase du prix Nobel de Physique Steven Weinberg résume très bien,

Comme la science explique de plus en plus de choses, il y a de moins en moins besoin d’explications religieuses [1].

Voyons cela.

 

Ce n’est ni dans la Bible…

Lorsque j’ai commencé à lire la Bible sérieusement en 1993, durant mon doctorat en physique, je me suis vite rendu compte que l’idée de Dieu véhiculée par Steven Weinberg ne se trouvait pas dans la Bible. Bien sûr, elle nous parle de miracles, comme la résurrection de Jésus. Mais elle nous parle aussi, souvent, de faits tout à fait explicables qu’elle attribue dans le même temps à Dieu. Quelques exemples :

  • En Genèse 45.5, Joseph dit à ses frères, “c’est pour vous sauver la vie que Dieu m’a envoyé devant vous”. Un ange l’a-t-il donc parachuté en Egypte ? Pas du tout. Bien au contraire, le texte nous explique depuis le chapitre 37 l’enchainement des évènements qui l’ont conduit à prononcer ces mots.
  • Exode 1.1-13 raconte en détail les événements qui conduisirent les Egyptiens à soumettre les Israélites à un dur esclavage. On dirait de la sociologie. Curieusement, Psaume 105.25 offre une autre perspective, « Il [Dieu] a changé le cœur des Egyptiens, au point qu’ils ont détesté son peuple et qu’ils ont traité ses serviteurs avec perfidie ». Ici encore la Bible attribue explicitement à Dieu un événement dont elle nous raconte par ailleurs l’origine en détails.
  • En Psaume 71.6, le psalmiste déclare « c’est toi qui m’as fait sortir du ventre de ma mère ». Est-il donc sorti miraculeusement, se matérialisant soudainement hors du ventre de sa mère ? Bien sûr que non. Sa naissance a probablement nécessité l’aide d’une sage-femme dont personne ne nierait l’existence sous prétexte que la Bible dit que c’est Dieu qui a sorti le psalmiste du ventre maternel.
  • Finissons cet inventaire absolument pas exhaustif par Actes 14.17, « il [Dieu] vous envoie du ciel les pluies et les saisons fertiles ». Ici encore, ni la pluie ni les saisons ne sont des phénomènes miraculeux (j’entends déjà certains : « pas miraculeux pour nous, mais pour eux ? ». On en reparle à la fin).

 

…ni chez Jésus

Il me semble donc que la Bible n’enseigne pas que « si ça s’explique, c’est pas Dieu ». Jésus ne l’enseigne pas non plus, comme le montrent, entre autres, ces passages du Sermon sur la Montagne,

  • Matthieu 5.45 “[Dieu] fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes”. Le lever et le coucher du soleil, ainsi que la pluie, ne sont pourtant pas des phénomènes surnaturels.
  • Matthieu 6.26 “Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment pas et ne moissonnent pas, ils n’amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit.” C’est donc Dieu qui nourrit les oiseaux du ciel, tandis que Jésus savait très bien comment ils s’alimentaient. Qui nierait l’existence des vers de terre que mangent les oiseaux sous prétexte que la Bible dit que c’est Dieu qui les nourrit ?
  • Matthieu 6.30 “Dieu habille ainsi l’herbe des champs ». Pour complexe que soit la croissance d’une plante, elle n’en est pas pour autant miraculeuse.

 

On pourrait m’objecter que les auteurs de la Bible ne connaissaient pas le mécanisme des saisons, par exemple. C’est probable. Ils connaissaient en revanche tout à fait le déroulement d’un accouchement ou bien l’alimentation des oiseaux. De même, la mise en esclavage d’Israël relatée en Exode 1 fait bel et bien appel à des motifs que l’auteur comprenait tout à fait. Ces gens n’attribuaient pas à Dieu des phénomènes qu’ils ne comprenaient pas. Ils attribuaient à Dieu des phénomènes dont ils comprenaient très bien les ressorts.

Ainsi donc, cette idée que Dieu n’a de place que là où l’on ne sait pas ce qui se passe, le fameux « Dieu bouche trous », ne vient pas de la Bible. S’il suffisait d’expliquer quelque chose que la Bible attribue à Dieu pour en nier l’existence, le petit déjeuner d’un oiseau suffirait.

 

Laissons le mot de la fin à plus sages que moi,

Dietrich Bonhoeffer :

Le livre de Weizsäcker, The World-View of Physics, me tient toujours très occupé. Il m’a de nouveau fait comprendre clairement à quel point il est erroné d’utiliser Dieu comme un palliatif pour l’incomplétude de notre connaissance. Si les frontières de la connaissance sont repoussées de plus en plus (et c’est forcément le cas), alors Dieu est repoussé avec elles, et donc continuellement en retrait. Nous devons trouver Dieu dans ce que nous savons, pas dans ce que nous ne savons pas ; Dieu veut que nous réalisions sa présence, non pas dans les problèmes non résolus, mais dans ceux qui le sont [2].

 

Charles Coulson :

 Soit Dieu est dans toute la Nature, sans trous, soit il n’y est pas du tout [3].

 

Actes 17.28 :

C’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être .

 

 


Notes

[1] Steven Weinberg, Newsweek, 23 mars 2008.

[2] Dietrich Bonhoeffer, Letters and Papers from Prison, lettre à Eberhard Bethge, 29 mai 1944.

[3] “Either God is in the whole of Nature, with no gaps, or He’s not there at all”, Charles Alfred Coulson, Science and Christian Belief, Oxford University Press, 1955, p. 22.


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