Aujourd’hui sort en librairie l’enquête de Linda Caille, journaliste spécialisée dans l’information religieuse, sous le titre « Soldats de Jésus. Les évangéliques à la conquête de la France. » Le but de ce petit billet n’est pas de faire une revue détaillée du livre au titre guerrier, mais d’évoquer les paragraphes qui traitent plus spécialement des préoccupations de ce blog: les rapports entre la science et la foi chrétienne, plus particulièrement la foi de sensibilité évangélique.
Linda Caille m’a interviewé très courtoisement et nous avons échangé par internet. J’étais donc impatient de lire ses conclusions sur un sujet aussi pointu.
La question du créationnisme et des rapports difficiles entre l’évolution et le monde évangélique est abordée dans un chapitre traitant de sujets de société qui font souvent passer les évangéliques pour des « extra terrestres » : « on ne couche pas avant le mariage, mais jusqu’où peut-on aller ? ». Le rejet de la théorie de l’évolution par une majorité d’évangéliques rentre pour Linda Caille dans cette catégorie. D’emblée, L. C. cite Judith « fille de Pentecôtistes » :
» « En fait, pour nous les évangéliques, l’homme ne peut pas avoir été conçu à l’image de Dieu et « descendre du singe ». C’est incompatible. » Voilà une question sur laquelle les positions évangéliques paraissent iconoclastes : l’origine du monde. « Dans la communauté évangélique, tous croient que Dieu a créé le monde. Comment s’y est-il pris ? C’est là qu’il existe des divergences, explique Benoît Hébert, quarante et un ans, normalien, agrégé de physique et pasteur évangélique à Valenciennes. En tant que chrétien et scientifique, je crois que Dieu est souverain sur la Création. Cette vision s’accorde tout à fait avec ce que la science a démontré : l’homme et les espèces vivantes sont apparus à l’issue d’un processus évolutif. » »
…Selon LC,Le « créationnisme » résume bien la position des évangéliques. …
» Le créationnisme se fonde sur une lecture au pied de la lettre de la Genèse, où le monde et toutes les espèces vivantes sont conçus en six jours et l’homme créé à l’image de Dieu. »
Le créationnisme caractérise certainement les mouvements évangéliques américains, mais la généralisation faite par LC concernant la France me semble très excessive. L’existence de ce blog en est la démonstration.
Selon LC, » En France , la théorie du « dessein intelligent » remporte un vif succès chez les évangéliques. »
Cette affirmation est complètement fausse. L’immense majorité des chrétiens évangéliques et des pasteurs français ignorent (et ils ne manquent rien) jusqu’à l’existence même du mouvement américain de l’Intelligent Design. Alors aller jusqu’à affirmer que cette théorie « remporte un grand succès »…
J’ai la nette impression que LC confond deux notions tout à fait différentes : croire que Dieu a conçu les lois de la nature et qu’il gouverne l’univers d’une part et être partisan du mouvement anti évolution de l’ID d’autre part.
LC cite de façon tout à fait fidèle mes propos mais elle les introduit d’une façon qui ne me convient guère.
« Benoît Hébert relativise toutefois la place du texte biblique et de la Genèse: »La Bible est la Parole de Dieu, mais elle n’est pas un livre de sciences de la vie et de la terre. En inspirant les auteurs de la Bible, le Saint Esprit s’est adapté aux connaissances scientifiques de leu époque. Si le Saint Esprit a révélé des vérités éternelles sur Jésus et sur la nature humaine dans la Bible, cette dernière n’est pas là pour nous apprendre la science. » »
J’ai peur que l’expression « relativiser la place du texte biblique et de la Genèse » soit pour beaucoup synonyme de « reconnait que le texte biblique et la Genèse sont des textes dépassés par les découvertes de la science ». J’aurais largement préféré en guise d’introduction à mes propos « Benoît Hébert reconnait tout à fait que le texte biblique et la Genèse conservent toute leur portée spirituelle pour l’homme et la femme d’aujourd’hui, mais il ne reconnait pas à ces textes une vocation d’ordre scientifique. »
Chère Linda, ne m’en veuillez pas si vous me trouvez un peu sévère. J’ai beaucoup apprécié le contact que nous avons eu. Votre ouvrage contient des informations qui intéresseront plus d’un lecteur j’en suis sûr. Vous soulignez à juste titre que le créationnisme a une influence indéniable sur le monde évangélique français, mais c’est loin d’être la seule position admise.