La « polémique » vulgarisée par Dan Brown et le Da Vinci Code est relancée par la découverte de ce papyrus ancien. Pourtant, même s’il est authentique, rien ne prouve que l’encre soit authentique, et surtout cela ne prouve rien quant aux conséquences « historiques » de cette découverte, qui en fait n’a rien de vraiment original. C’est ce que nous expliquent différents spécialistes cités par cet article de Bernadette Arnaud pour Science et avenir.
Datation du papyrus, mais pas de l’encre!
« Ce document a été soumis à différentes techniques de datation dont la spectroscopie pour l’encre et le radio carbone pour le papyrus par des scientifiques à l’Université de Columbia, de Harvard et du Massachusetts Institute of Technology. « Ces experts ont conclu que la composition chimique du papyrus et son oxydation correspondent à des vieux papyrus, comme celui de l’évangile de Saint Jean », précise l’étude qui date son origine entre le VIe et le IXe siècle.
Une datation au carbone 14 était en revanche impossible à réaliser en raison du prélèvement qu’il aurait fallu réaliser sur cet unicum (exemplaire unique)…
Toutefois, ces conclusions sur l’authenticité du document laissent encore certains historiens sceptiques. Notamment Leo Depuydt. Ce dernier a expliqué à l’AFP qu’il est facile de se procurer des feuilles de papyrus ancien sur le marché. En outre, selon lui les analyses de l’encre ne prouvent pas la datation mais seulement que la composition est similaire à l’encre ancienne. Or il est facile de la fabriquer avec de la suie de bougie et de l’huile, souligne-t-il. »
Même s’il est authentique, ce manuscrit peut (doit!) être interprété de manières très différente que son sens littéral:
« … les spécialistes des textes apocryphes habitués aux subtilités et complexités de ces écrits primitifs. Jean-Pierre Mahé rappelle ainsi que leur interprétation nécessite toujours une remise en contexte pour bien en comprendre la portée :
« Il est fort rare qu’un texte signifie exactement ce qu’il dit littéralement. Ainsi, si tant est que ce papyrus dit la femme de Jésus soit authentique, il peut témoigner de la pensée du courant gnostique de la seconde moitié du IIe siècle : certains adeptes ont voulu établir l’hypothèse que Jésus avait une compagne spirituelle. On retrouve d’ailleurs cette idée dans un autre évangile gnostique, l’Evangile de Marie, dont il existe plusieurs fragments publiés : Marie y est incontestablement présentée elle aussi comme une sorte de conjointe spirituelle du Christ », insiste le spécialiste.
« On pourrait interpréter ce terme au sens d’une moitié d’âme, complète Madeleine Scopello, spécialiste d’histoire religieuse de la fin de l’Antiquité au CNRS. Marie de Magdala (Marie-Madeleine), c’est d’elle qu’il s’agit, jouait ce rôle. » Le systéme gnostique connaissait en effet la notion grecque du suzugos, le partenaire, le double. « Dans le monde supérieur imaginé par les gnostiques, les entités fonctionnaient en couple mâle-femelle. Une notion que l’on retrouve aussi dans la kabbale, cette tradition ésotérique du judaïsme », précise la spécialiste, pour qui toute allusion charnelle constitue une grave erreur d’interprétation.
Si chez les adeptes de la gnose, Jésus a pu être imaginé accompagné d’une épouse, c’est que les femmes ont joué un grand rôle dés les premières heures du christianisme. Dans le cercle de ses disciples, Jésus confiait sa parole autant aux femmes qu’aux hommes. »
Bref, comme dirait Shakespeare, beaucoup de bruit pour rien, ou pas grand chose. Etonnant tout de même de voir l’engouement médiatique autour d’un tel non événement, comme si au fond l’identité du Christ ne cessait de déranger l’inconscient collectif.
Comme l’a si bien dit CS Lewis, ou bien Jésus était un fou, ou bien il était celui qu’il a affirmé être: Dieu incarné dans un homme, mais en tout cas, il ne nous a pas laissé la possibilité de croire qu’il était un simple prophète, un sage ou un moralisateur!
Autre article sur le sujet:
http://www.europe1.fr/International/Un-papyrus-authentifie-evoque-la-femme-de-Jesus-1971487/#