Une chronique de Stéphane Foucart publié le 24 mai sur le site du journal Le Monde alerte sur l’émergence d’un scepticisme sur le déclin de la biodiversité, alimentée en partie par  des articles scientifiques publiés dans des journaux de premier rang à savoir Science et Nature Ecologie & Evolution. En effet la situation est sérieuse : ces résultats ne proviennent pas d’obscurs érudits auto-proclamés sévissant sur des sites complotistes mais bien d’articles scientifiques « patentés » !

 

Ainsi l’étude de Crossley et collaborateurs[1] affirme qu’il n’y a pas de déclin de l’abondance, ni du nombre d’espèces d’arthropodes aux Etats-Unis d’Amérique.  D’autre part, dans la revue Science, Van Klink et collaborateurs[2] montrent à partir d’études provenant de différentes zones géographiques, que s’il y a un déclin pour les insectes terrestres, ils observent au contraire une augmentation de la biodiversité pour les insectes d’eau douce.

 

Comme l’indique le journaliste Stéphane Foucart, ces deux articles ont été l’objet de critique concernant la qualité des données analysées et la manière de les traiter, remettant en cause les conclusions de ces deux études[3]. En effet, ce type d’étude repose sur l’analyse (on parle dans le cas de meta-analyse) d’un grand nombre d’études différentes dont il faut intégrer l’hétérogénéité, et dont les méthodes d’analyse nécessitent des modèles statistiques complexes.

 

Au-delà, de ces deux cas d’espèce, cette alerte lancée dans le Monde, m’amène à quelques remarques :

  • Premièrement, la publication d’un article, même dans une revue prestigieuse n’est pas la garantie absolue que ses conclusions sont irréfutables. En effet le processus de critique par les pairs qui conduit à la possible acceptation d’un article n’est pas exempt d’erreurs d’autant plus quand il s’agit de traitements statistiques complexes.
  • Deuxièmement, la récupération d’un article pour favoriser une vision plutôt qu’une autre par les médias peut aller au-delà de ce que l’article dit vraiment, ou tend en tout cas à tirer un peu le trait et mettre sous couvert les nuances et subtilités.
  • Enfin, quand un article semble apporter des idées nouvelles entrant en contradiction avec les études précédentes, il est toujours important et prudent d’observer la réaction de la communauté scientifique, qui est moins encline à embrasser un scoop !

 

 

Alors est-ce qu’il y a vraiment un déclin de la biodiversité du fait de l’activité humaine ? Il me semble que la balance penche plutôt aujourd’hui pour le oui ! Toutes les espèces, tous les endroits du monde ne sont certes pas aussi sensibles à l’activité humaine, certaines mêmes (les espèces dites invasives) peuvent en bénéficier.

 

 

Il n’empêche, que se pose la question de notre responsabilité vis-à-vis des espèces vulnérables, et de leur valeur intrinsèque, sans qu’il soit nécessaire qu’elles rendent un service quantifiable à l’espèce humaine ! N’est-ce pas notre mandat, notre vocation en tant que gestionnaire de notre planète, en écho aux premiers écrits de la Genèse ?

 

 

 

 


Notes

[1]  Crossley et al. Nature Ecolgy and Evolution 2020

[2] Van Klink et al. Science 2020

[3] Desquilbet et al. Science 2020 ; Desquilbet et al. Nature Ecology & Evolution 2021

 

 

Crédit illustration : kie-ker de Pixabay