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Quand la science rencontre la religion ♥♥♥


Dans ce chapitre du livre du physicien théologien Ian Barbour « Quand la science rencontre la religion », le thème de l’évolution est abordé selon les 4 principes qui nous sont maintenant familiers et qui apparaissent en entête de colonnes dans le tableau ci-dessous.

Les plus enclins à vouloir profiter de la richesse des rapports entre les données de la science et de la foi chrétienne se retrouveront certainement dans les 2 dernières catégories, à savoir le dialogue et l’intégration.

Nous devons souligner également l’importance de l’indépendance dans un contexte social non théocratique ou tout simplement laïque..

Quant au conflit, vous l’aurez compris, nous ‘y trouvons guère d’avantage pas même celui de vérité ou de réalité parfois scandé par ses partisans.

4. Evolution et création continue

CONFLIT

Pour le matérialisme évolutionniste incarné par R. Dawkins ou D. Dennett, l’évolution démontre  un univers sans plan divin. Cette vision adhère à un réductionnisme ontologique qui prône que la matière est la réalité fondamentale.

A l’aide d’une simulation informatique, Dawkins veut démontrer comment l’évolution peut opérer sans intention mais uniquement sur la base de processus aléatoires. Mais cet argument peut se retourner contre lui, en remarquant qu’au contraire, nous voyons ici que le hasard et la sélection naturelle peuvent servir  un plan issu d’une conception intelligente, à savoir celle du programmeur !

En réaction à ces attaques de la foi chrétienne, certains ont proposé des critiques théistes envers le néodarwinisme en s’appuyant sur des arguments comme les résultats de la sélection artificielle, la complexité de certains organes, le manque de fossiles transitionnels… Ils ne proposent malheureusement aucun modèle scientifique concurrent sérieux.

D’un point de vue théologique, l’action de Dieu se limite alors à boucher les trous de la connaissance actuelle. Ne séparant pas correctement les arguments scientifiques et philosophiques du matérialisme, ils jugent la science de l’évolution incompatible avec la foi en Dieu.

INDEPENDANCE

Cette attitude insiste sur des domaines et des méthodologies qui divergent.

Juridiquement, cela aura permis aux instances américaines de protéger l’enseignement public des influences religieuses tout en légalisant leur expression dans leurs propres contextes.

D’un point de vue scientifique, Jay Gould aura lui-même montré les propres limites de son célèbre modèle de non recouvrement des magistères (NOMA) car il ne manquera pas de mélanger les genres en affirmant que notre « insignifiance cosmique »  nous pousse à ne trouver du sens qu’en nous-mêmes. Cependant, à juste titre,  son modèle de séparation souligne les dangers d’assimiler certaines vues philosophiques à la science elle-même comme le ferait par exemple la sociobiologie en tentant de fonder des jugements moraux sur la valeur adaptative de l’éthique dans l’histoire de l’évolution.

D’un point de vue théologique, la néo orthodoxie accepte les données de l’évolution dans le sens où elle soutient que l’action de Dieu dans le monde se fait au travers de la révélation du Christ plutôt que dans le monde naturel. Mais cette séparation stricte entre nature humaine et non humaine, néglige l’immanence divine au profit d’une transcendance forte, créant ainsi un abime entre Dieu et la nature.

La théologie historique de son côté, a affirmé au travers de nombreux auteurs que Dieu en tant que cause première  agit au travers des causes secondaires que la science étudie. Dieu n’a pas à être invoqué dans des explications scientifiques qui ne peuvent traiter que des relations entre les membres du monde créé. Le naturalisme méthodologique reconnaît les limites de la science et respecte l’établissement de ces frontières. On pourra reprocher à une telle théologie d’imputer à Dieu un plan ayant prédestiné l’ensemble des évènements, ne laissant guère de place au hasard et à la liberté humaine.

DIALOGUE

Le Dialogue fait ressortir les similitudes méthodologiques pouvant exister entre science  et théologie :

La complexité et l’auto-organisation représentent des défis gigantesques mais des pistes d’explication commencent à émerger. Les récents travaux de Prigogine, prix Nobel de physique ont montré comment des systèmes inanimés ont la capacité de s’auto-organiser, le désordre existant à un niveau, conduisant à un ordre dans le niveau supérieur. Comme en physique quantique, il semble y avoir une interaction forte entre l’existence de lois qui émergent à chaque niveau supérieur et le hasard, on tente de comprendre ici les mécanismes qui auraient pu conduire à l’émergence de la vie. Si les interrogations liées à ces résultats peuvent être nombreuses, on constate toutefois que le déterminisme et le réductionnisme sont remis en question.

Le concept d’information sans laquelle aucune cellule vivante ne pourrait se développer est un autre sujet de réflexion. l’ADN fait partie d’un système cybernétique complexe et plus vaste intégrant son environnement. il est conçu pour acquérir, stocker et utiliser les informations. La perception qui passe par les sens, la mémoire puis la conscience étend la capacité d’action grâce au véhicule de l’information.  La parole, l’art le font également dans le cas particulier de l’homme s’adressant au domaine plus vaste de la collectivité. L’information permet de passer d’un domaine restreint à un domaine plus large.
Des théologiens tels que J Polkinghorne ont proposé des parallèles théologiques pour tenter d’expliquer l’action divine dans le monde, l a capacité pour Dieu de communiquer un message pouvant être décodé dans un domaine plus large. Il serait également capable d’influencer l’histoire de l’évolution par la communication d’informations sans violer les lois de la conservation d’énergie ou toutes autres lois.

Enfin, la hiérarchie de niveaux  des systèmes bilogiques a beaucoup interressé les théologiens car elle intègre une caractéristique de causalité descendante. Celle-ci décrit l’influence qu’exerce un système sur les nombreux sous-systèmes qui le compose lui-même en leur imposant des conditions limites.

Les règles des échecs limitent les possibilités de mouvement des pièces, mais laissent un grand nombre de coups possibles. De la même façon, les lois de la chimie, limitent les combinaisons des atomes que l’on trouve dans l’ADN, mais ne les déterminent pas. Le sens du message véhiculé par l’ADN n’est pas donné par les lois de la chimie.

Par extension, des théologiens ont suggéré que Dieu soit la condition limite qui fixe les contraintes dans lesquelles les évènements du monde se produisent. Il agirait comme cause descendante depuis un niveau supérieur san violer les lois des niveaux inférieurs.

INTEGRATION

3 variantes coexistent en faveur d’une intégration des données de la science évolutive au sein d’une théologie chrétienne.

Une théologie naturelle plaidera en faveur d’un plan de l’évolution.
Même si le cheminement de l’évolution est buissonant avec de nombreuses branches sans suite, il n’en demeure pas moins qu’il démontre une direction vers plus de complexité, de réactivité et de sensibilité.
L’idée d’un plan de l’évolution devra se détacher de la vison déterministe traditionnelle au risque d’attribuer à Dieu non seulement les succès mais aussi les nombreux déchets et échecs constatés dans ce processus.
Plutôt que d’un plan où Dieu serait à l’oeuvre dans chaque détail, on pourrait y voir une direction générale, un Dieu concepteur d’un système capable de s’organiser lui-même grâce à  la combinaison de lois structurantes et du hasard.
Cette théologie montre toutefois certaines difficultés à intégrer l’existence du hasard, du mal et de la liberté humaine et peine à dépasser les principes du déisme qui attribue à Dieu le seul acte créateur, celui-ci disparaissant ensuite de la scène de l’univers.

Une théologie de la nature mettra davantage l’accent sur l’expérience et la vie de l’église à travers l’histoire. Les doctrines émanant d’interprétations sont sujettes à révision. Le concept de création continue de Dieu prendra donc en compte la vision que notre connaissance de la nature nous apporte désormais, celle d’un processus dynamique, indépendant et évolutif.
Arthur Peacoke décrit un modèle où Dieu communique un sens à travers des structures naturelles. Le hasard joue un rôle positif en explorant les potentiels de la matière. Dieu serait une cause descendante supérieure agissant sur le monde comme une contrainte  ou une condition limite. Le Dieu créateur prend ici l’image d’un chorégraphe ou d’un compositeur qui improvise dans le cadre d’une création continue.

Enfin, d’autres intègrent les données scientifiques et religieuses sur le modèle de la philosophie du processus.
En utilisant la manière dont la matière s’organise puis se complexifie pour rendre possible des niveaux plus élevés d’unification jusqu’à l’émergence d’êtres conscients, la philosophie du processus fait remarquer que les organismes participent activement à l’évolution plutôt que de simplement la subir. Elle dépeint un Dieu source de l’ordre et de la nouveauté, un Dieu non pas monarque tout-puissant, mais plutôt guide et inspirateur d’une communauté d’êtres indépendante.

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