Les discussions sur le Big Bang finissent souvent par l’énumération des problèmes qu’il soulève : « Comment expliquez-vous l’asymétrie matière/antimatière ? Et le problème de l’horizon ? Et celui de la platitude ? Et celui des monopoles ?

Hein ? Le Big Bang, c’est du bidon !

 

Je comprends tout à fait comment ce genre d’objections peuvent surgir. Et je voudrais expliquer ici pourquoi elles ne sont pas fondées.

 

Rappelons pour commencer que, comme il a déjà été expliqué sur ce site, la théorie du Big Bang ne prétend pas expliquer le commencement de l’univers, si tant est que l’expression ait un sens. C’est pour cela que la NASA le définit prudemment ainsi[1],

Il y a entre 12 et 14 milliards d’années, la portion de l’univers que nous pouvons observer aujourd’hui ne faisait que quelques millimètres. Depuis, elle est passée de cet état dense et chaud, au cosmos vaste et beaucoup plus froid que nous habitons actuellement.

Ainsi, le Big Bang ne raconte pas comment l’univers a commencé. Il parle juste d’un état dense et chaud par lequel celui-ci est passé il y a une bonne douzaine de milliards d’années. Ce qui vient avant cet état ne nous est pour le moment pas accessible car nous en ignorons la physique[2].

Et c’est cet état qui pose problème, au regard de la physique que nous connaissons. Est-ce surprenant ? Pas du tout. Pourquoi ? Précisément parce que cet état vient d’une ère antérieure, régie par une physique que nous ne connaissons pas.

 

Pour mieux comprendre ce point, faisons un voyage dans le passé d’un peu plus de 100 ans.

Nous sommes en 1913. On connait bien les équations de Maxwell, les lois de Newton, et la Relativité Restreinte (pas encore la Générale, celle de la gravitation). Rutherford vient de faire une expérience tendant à montrer qu’un atome, c’est un noyau positif avec des électrons qui tournent autour. Et là, patatras, selon la physique connue à cette époque, ça ne peut pas marcher. Les électrons devraient spiraler autour du noyau et finir par s’écraser dessus. Selon les équations de Maxwell en effet, un électron qui tourne perd de l’énergie en émettant de la lumière[3]. C’est Niels Bohr qui montrera le chemin de la solution, la Mécanique Quantique, dans un célèbre article[4] de 1913. Il y décrit très bien le dilemme de l’époque[5],

 L’incapacité de l’électrodynamique classique à rendre compte des propriétés des atomes dans le cadre d’un modèle comme celui de Rutherford apparaît très clairement si nous considérons un système simple constitué d’un noyau chargé de très petites dimensions, autour duquel un électron décrit des orbites fermées.

[Si nous] prenons en compte l’effet du rayonnement d’énergie… l’électron s’approchera du noyau en décrivant des orbites de plus en plus petites… Il est évident que le comportement d’un tel système sera très différent de celui d’un système atomique se produisant dans la nature.

 

Ainsi donc, dans le cadre de la physique connue d’avant 1913, les atomes ne pouvaient pas exister. La table périodique de Mendeleïev, déjà vieille de 40 ans, ne pouvait exister. Les molécules non plus. Et nous non plus…

 

L’univers du Big Bang est un problème ? Il y a 100 ans, c’est l’univers actuel qui était un problème.

Tels sont les murs contre lesquels on se cogne la tête quand il nous manque des lois fondamentales. On tombe sur des choses qui sont bien là, mais qui, selon les lois connues mais incomplètes, ne devraient pas exister.

 

L’univers du Big Bang est le fruit d’une époque dont la physique nous est inconnue. Il est donc parfaitement normal qu’il présente des caractéristiques que la physique connue n’explique pas. C’est le contraire qui serait étonnant.

 

 


Notes

[1] “12 to 14 billion years ago, the portion of the universe we can see today was only a few millimeters across. It has since expanded from this hot dense state into the vast and much cooler cosmos we currently inhabit”

[2] Ce qui ne veut pas dire qu’il est interdit de spéculer, comme le font avec talent, ou le firent, Steven Hawking, Alan Guth, Neil Turok, Paul Steinhardt, Martin Bojowald, Gabriele Venezianio, etc.

[3] C’est pour cela qu’il est si difficile d’accélérer des particules dans un accélérateur circulaire type LHC au CERN.

[4] Une version gratuite est ici.

[5] “The inadequacy of the classical electrodynamics in accounting for the properties of atoms from an atom-model as Rutherford’s, will appear very clearly if we consider a simple system consisting of a positively charged nucleus of very small dimensions and an electron describing closed orbits around it.

[if we] take the effect of the energy radiation into account… the electron will approach the nucleus describing orbits of smaller and smaller dimensions… It is obvious that the behaviour of such a system will be very different from that of an atomic system occurring in nature.”