Bien des théologiens et des scientifiques de confession évangélique rejettent l’idée d’un déluge universel à cause des découvertes de la science. Bien entendu, ils ne sont  pas opposés à l’idée que Dieu puisse réaliser un tel miracle, mais ce n’est pas ce qu’ils constatent en examinant les faits. C’est un exemple intéressant d’interaction entre les deux modes de révélation de Dieu : sa révélation « spéciale » ou particulière par la Bible, et la révélation non verbale et générale par la science. S’appuyant sur l’image biblique des deux « livres » de Dieu : la Bible et la nature, ces chrétiens savent que Dieu ne peut se contredire et qu’il est parfois nécessaire de remettre en cause une interprétation littérale d’un passage lorsque la science nous donne un éclairage suffisant. Ne pas le faire serait manquer à une responsabilité morale : celle de tenir compte dans notre compréhension des textes inspirés des progrès rendus possibles par les facultés d’investigation que Dieu a données à l’homme. Le faire, ce n’est pas croire que Dieu n’intervient jamais directement dans la nature, mais c’est faire confiance à ce que l’observation du monde nous enseigne à propos des modes d’action divine.

Henri Blocher est l’un des exemples les plus frappants de théologien évangélique français d’envergure mondiale partisan d’un déluge local. Il écrit dans la Révélation des origines p 203: « Le retour au chaos, c’est la création à l’envers…Dieu défait ce qu’il a fait. Il déchaîne les eaux qu’il avait séparées : les eaux d’en-bas submergent le sec, et les eaux d’en haut les rejoignent dans un retour au grand mélange du tohû-bohû. La décréation du déluge, malgré son ampleur, n’a pas été complète : seulement tendancielle. » (Ma mise en gras)

Dans l’encyclopédie des difficultés bibliques, Alfred Kuen cite un certains nombre de  théologiens évangéliques qui ne croient pas en un déluge global, mais local : D. Kidner, Don Fleming, S. Külling, Paul Seely (voir les 3 articles que nous avons publiés) et bien sur le géologue Davis Young, dont Alfred Kuen a repris les arguments dans Le labyrinthe des origines.

Dans un article précédent, nous avons déjà donné des arguments compilés par Paul Seely grâce auxquels on peut affirmer que le déluge n’a pas été universel. Je vous invite à le parcourir si ce n’est déjà fait.

Carol Hill est une géologue, chrétienne évangélique de confession, membre active de l’American Scientific Affiliation. Elle a apporté une contribution intéressante à propos du déluge. Bien qu’elle ne soit pas toujours en accord avec Paul Seely ou Denis Lamoureux, elle s’accorde avec le point qui nous intéresse ici : il n’y a pas eu de déluge de universel au temps de Noé. Elle explique pourquoi dans un très long article « Le déluge de Noé : universel ou local ? ». http://www.asa3.org/ASA/pscf/2002/pscf9-02Hill.pdf

Je ne retiendrai ici que les arguments scientifiques. Je suis moins convaincu par les arguments bibliques qu’elle donne, son but étant de démontrer que l’auteur biblique décrit lui aussi un déluge local, ce que je ne crois pas, nous en discuterons dans un prochain article.

  • « Preuves d’ordre géologique :

Il n’existe aucune preuve géologique d’un déluge universel, en faveur de la géologie du déluge (créationniste de la jeune terre) et de la théorie de la canopée. Les géologues modernes, hydrauliciens, paléontologues et géophysiciens savent tout à fait comment les différents types de roches sédimentaires et comment les fossiles se forment, ce qu’ils représentent et à quelle vitesse les continents bougent les uns par rapports aux autres (on peut le mesurer par satellite). Ils savent aussi les conséquences sur la géographie des inondations et comment les sédiments se déposent….

La géologie actuelle de la région du Mont Ararat, où le mont Ararat « traverse » des roches sédimentaires exclut que le déluge de Noé soit responsable de toutes les roches sédimentaires du monde entier, comme les « géologues » catastrophistes l’affirment.

  • La canopée de vapeur des créationnistes :

Il n’y a tout simplement pas assez d’eau dans l’atmosphère aujourd’hui pour provoquer un déluge universel de plus de 40 pieds sur les différents continents, il n’y a aucune trace de réservoirs étendus d’eau sous la terre (passés ou présents) qui auraient pu fournir cette eau. Il a donc fallu « fabriquer » un réservoir d’eau suffisamment important pour que le mont Ararat (5000 m) ait pu être submergé par le déluge. Voici quelques problèmes scientifiques posés par la théorie de la canopée :

Où sont passés les 5000 m d’eau supplémentaires après le déluge ? Se sont-ils envolés miraculeusement dans l’espace ? Les « sources de l’abîme » (sources) auraient été complètement saturées avec l’eau si le déluge avait été universel, ainsi, l’eau n’aurait pas pu retourner dans « l’abîme ». Ainsi, comment le vent aurait-il pu faire évaporer (Gen 8 :1) une telle quantité d’eau en moins d’un an (Gen 8 :13) ? »

  • La recherche de l’arche de Noé sur le mont Ararat :

…Qu’en est-il de tous les livres, les films et les émissions TV qui ont prétendu avoir retrouvé l’arche sur le Mont Ararat ? (C’est encore le cas très récemment, avec un débat animé sur le top Chrétien !!)

Dans Dieu versus Darwin , les créationnistes vont-ils triompher de la science ? , le dominicain Jacques Arnould consacrent plusieurs pages aux « aventuriers de l’arche perdue. » Sur un ton un peu trop sarcastique à mon goût mais toujours très bien informé, il raconte l’histoire épique de toutes les expéditions qui se sont succédées et qui prétendaient avoir retrouvé les restes de l’arche.

Carol Hill en parle aussi :

« Depuis les années 1800, il y a plus d’une douzaine d’expéditions sur le mont Ararat pour retrouver l’arche, aucune n’a été concluante… »

Denis Lamoureux dans Evolutionary Creation explique lui aussi pourquoi l’interprétation créationniste contredit les observations.

« Superficiellement, l’interprétation créationniste du déluge de Noé et du registre géologique est convaincante. En effet, c’est un fait scientifique que la plupart des strates et des fossiles dans l’écorce terrestre se sont déposés dans l’eau. Les couches géologiques parallèles et superposées indiquent que c’est bien le cas. Toutefois, un examen attentif des prédictions créationnistes à propos du registre fossile révèle un problème insurmontable. Le déluge de Noé aurait du produire une « couche universelle »  contenant les os et les dents mélangés de tous les animaux créés. En fait, selon les turbulences durant le déluge,  la gravité aurait du entraîner les os les plus lourds vers le bas de cette couche (ceux des éléphants ou des dinosaures par exemple), et les plus légers vers le haut. Mais ce n’est pas ce que l’on observe. Au lieu de cela, on observe un empilement très régulier des fossiles dans la croûte terrestre avec d’abord l’apparition des poissons, puis des amphibiens, puis des reptiles en enfin des mammifères.

La taille de l’arche est aussi un problème sérieux pour les créationnistes. 150m*25m*15m de hauteur environ selon Genèse 6 :15…la taxonomie moderne nous montre qu’il existe plus de 6 millions d’espèces aujourd’hui et le registre fossile nous montre qu’il s’agit de bien moins qu’1 % des espèces ayant vécu sur la terre. Si on se limite aux animaux décrits en Genèse 6-7 (mammifères, reptiles et oiseaux), un calcul grossier suggère que 15 millions d’entre eux sont entrés dans l’arche. C’est 200 fois le nombre de spectateurs d’un stade de 75 000 personnes !!! De plus, où mettre des animaux aussi volumineux que des dinosaures…Evidemment, il n’y aurait pas eu assez de place dans l’arche pour tous les animaux et leur nourriture… »

Carol Hill pose les questions suivantes :

  • Comment les animaux sont-ils passés du continent Eurasien en Amérique, ou bien en Australie ? Comment sont-ils allés du mont Ararat à des endroits comme l’Australie sans traverser les océans et sans laisser de descendants derrière eux ?
  • Comment huit personnes seulement (Noé, sa femme, ses trois fils et belles-filles) ont-elles pu s’occuper de toutes les espèces présentes sur terre ?
  • Comment les espèces marines ont-elles survécu au déluge ? n’auraient-elles pas été écrasées par une pression énorme et par la dilution des eaux des océans avec l’eau douce ?
  • Comment toutes les espèces seraient-elles descendues des pentes escarpées du Mont Ararat, ce qui reste difficile aujourd’hui pour l’homme ?

Ma conclusion :

On pourrait multiplier  les exemples qui rendent l’hypothèse d’un déluge universel invraisemblable. C’est d’ailleurs de ce type d’arguments dont se délectent les athées qui veulent ridiculiser les chrétiens qui croient à un déluge universel, et il faut bien reconnaître la faiblesse des arguments que l’on peut leur opposer !

La conclusion me paraît inévitable, le déluge de Noé n’a pas pu être universel. Pourtant, l’hypothèse du récit d’un déluge local ne me satisfait pas non plus, c’est que nous verrons dans un article prochain…

Pour ceux qui veulent encore plus d’arguments, en anglais : http://www.talkorigins.org/faqs/faq-noahs-ark.html