Voici un petit compte-rendu rapide suite à notre participation à la rencontre du RSE à Propos du déluge qui a eu lieu samedi dernier à Paris.
Je ne rentre pas dans le détail des conférences, le RSE devrait publier sur son site le contenu audio des interventions comme les années précédentes et produire un ouvrage retraçant le développement des idées présentées lors de cette journée.
Ma première remarque soulignera le fait que le thème du déluge n’aura occupé que la première demi-journée, je me concentrerai donc uniquement sur ces sujets dans cet article avec les interventions de :
- Matthieu RICHELLE, Professeur d’Ancien Testament à la Faculté Libre de Théologie Évangélique à Vaux-sur-Seine,
- Robert WHITE, Professeur de géophysique au Département des Sciences de la Terre à l’Université de Cambridge (Angleterre) et Directeur du Faraday Institute for Science and Religion
- Lydia JAEGER Professeur et directrice des études à l’Institut Biblique de Nogent-sur-Marne.
Trois conférences s’enchainent qui vont nous permettre d’avoir une vue assez claire sur la position théologique que propose le RSE sur comment aborder les textes de Genèse 1-11 et notamment le récit du déluge biblique, preuves scientifiques à l’appui avec le soutien de Robert White comme expert scientifique.
L’exégèse proposée par Matthieu Richelle nous oriente vers une lecture littéraire du texte influencée par d’autres textes mésopotamiens tels que « l’épopée de Gilgamesh » ou d’autres tablettes très proches du récit biblique. La structure en miroir du récit qui imite la montée et la décrue des eaux, la symbolique des nombres (en miroir également), l’âge des patriarches avant (très grand) et après le déluge (plus faible), « le jeu » de destruction et de reconstruction de la création qui fait écho à Gen 1, sont autant d’indices qui devraient nous faire prendre du recul sur le texte et nous inciter à une lecture littéraire de ce récit. Nous devrions donc user d’une grande prudence dans notre comparaison du texte avec les faits archéologiques et géologiques même si pour Matthieu Richelle, le texte impose tout de même une base historique. L’aspect littéraire intervient dans les détails du récit.
Par ailleurs, il faut noter que le texte est ambigu quand il s’agit de toute la terre, faut-il le comprendre au sens région, ou terre entière ?
Comme l’exposé de Robert White le montrera, la science ne relève aucune trace d’un déluge global sur la terre. et depuis les années 1950 les méthodes de datation sont absolument toutes concordantes (une quarantaine de méthodes indépendantes à partir d’isotopes différents datent la terre à 4,6 Milliards d’années, ruinant ainsi définitivement les théories voulant démontrer une terre Jeune).
Nous trouvons cependant des traces d’un évènement remarquable il y a 7 500 ans, c’est l’inondation de la mer Noire. Il est cependant difficile de faire le lien aujourd’hui entre cet évènement et les récits des déluges bibliques ou mésopotamiens.
Si un déluge local semble à l’origine du récit biblique il n’est pas possible actuellement de le localiser, mais Robert White invite ses auditeurs à se focaliser davantage sur les messages théologiques portés par le déluge :
- l’opposition de Dieu au péché et sa fidélité à son alliance
- Noé, exemple d’un homme juste
- Le déluge comme l’image du renouvellement de la Terre pour le retour du Christ
L’exposé de Lydia JAEGER nous invitera à prendre du recul sur les rapports entre science et théologie,
- Les textes bibliques doivent être interprétés dans leurs contextes historiques originaux
- La science n’a pas autorité sur l’exégèse mais peut fournir des données nouvelles qui nous permet de reconsidérer certaines interprétations
- Il y a peu de science dans la Bible (cela dépend du choix de lecture littéraire que l’on fait des textes) mais la Bible est entièrement fiable quand elle aborde des sujets scientifiques
En résumé
Le RSE propose pour le récit du déluge et plus généralement pour les textes de Gen 1-11 une position médiane entre ce qu’on pourrait appeler la position traditionnelle évangélique fidèle à une lecture littérale et la position adoptée par scienceetfoi.com et d’autres théologiens évangéliques (souvent anglo-saxons) favorable à une lecture littéraire libre de tout concordisme scientifique ou historique.
Le RSE insiste sur l’inerrance absolue des Ecritures qu’il cherche à amoindrir par le fait que la Bible ne contienne que peu de science. C’est là le principal point différentiateur avec d’autres exégètes évangéliques que nous traduisons régulièrement sur ce site et qui sont favorables à une approche moins conflictuelle avec la science moderne, celle de l’inerrance limitée (comme John Walton par exemple) et que nous défendons également, qui consiste à accepter que les auteurs inspirés aient véhiculé le message spirituel inaltéré de Dieu dans un contexte « scientifique » temporel non corrigé par le saint-Esprit (ex : une terre plate soutenue par des colonnes).
Nous avons pu aborder ces différences pendant le temps de questions / réponses mais celui était malheureusement trop court pour traiter réellement d’un tel sujet !..
Lecture traditionnelle :
- Un déluge global a eu lieu sur toute la Terre faisant disparaître tous les hommes et les animaux hormis ceux embarqués dans l’arche chargés de recoloniser la planète il y a environ 5 000 ans.
- le texte nous révèle une histoire réelle.
Malheureusement cette lecture est en contradiction avec l’archéologie et la géologie depuis les années 1840 sans compter les difficultés de repeupler le terre avec le peu d’espèces disponibles dans l’arche etc…
Cette approche met en opposition le texte biblique et l’observation de la nature, Bible et science sont en conflit.
Lecture littéraire « partielle » (RSE) :
- Un déluge local a eu lieu, le récit conserve une base historique mais les détails ne sont pas à prendre au pied de la lettre (symbolique dans les nombres de jours, les âges, lieu flou, etc..)
- il y a une influence des textes du Proche Orient ancien sur le texte biblique mais cela ne nuit pas à l’inspiration du récit biblique.
- il s’est vraiment passé quelque chose mais on ne sait pas vraiment quoi scientifiquement parlant… on ne le saura peut-être jamais, ce n’est pas le plus important, c’est le message spirituel.
Le RSE ne reconnaît pas que la Bible puisse contenir de la science ancienne (une image du monde telle que l’antiquité se le représente par exemple) et préfère y voir des images poétiques.
On tente ici de réconcilier Bible et science mais un mystère subsiste qui ne sera peut être jamais résolu… Après tout cela reste du domaine de la foi.
il y a une stratégie théologique sous-jascente, celle de maintenir une chute historique qui parait plus cohérente avec certains aspects de la doctrine du salut (dogme du péché originel).
Lecture littéraire (Science & Foi) :
- il n’est pas besoin de chercher une correspondance avec un évènement historique et un quelconque déluge global ou local, ce qui compte c’est le message spirituel délivré par le récit.
- L’influence des récits mésopotamiens est évidente au point qu’elle traduit même une vision ancienne du monde que partageaient certainement les hébreux et qui transpire dans le récit biblique (eaux d’en bas qui surgissent, écluses des cieux qui déversent les eaux d’en haut, etc..).
- Dans cette perspective il n’y a aucun conflit entre le récit biblique et les données de la science moderne dont la vocation est de nous enseigner des vérités spirituelles immuables dans un décors imprégné du contexte socio culturel du Proche Orient Ancien.
Cette approche a le mérite de présenter une solution parfaitement cohérente entre foi et raison, il ne subsiste plus de conflit entre Bible et science.
Il faut savoir expliquer scripturairement les faiblesses du dogme du péché originel.