Article 3 sur un total de 4 pour la série :

Quand la science rencontre la religion ♥♥♥


Nous poursuivons la lecture passionnante du livre du physicien théologien Ian Barbour « Quand la science rencontre la religion ».

Le dernier article détaillait les 4 types de rapports que nous pouvons avoir entre la science et la foi, ils sont résumés dans la première ligne du tableau ci-après qui veut synthétiser sous forme matricielle les réponses apportées par chaque point de vue sur les questions qui correspondent aux chapitres du livre  :

  1. Science et religion : ennemies, étrangères ou partenaires ?
  2. Au commencement : pourquoi le big bang s’est-il produit ?
  3. Physique quantique : un défi pour nos présomptions sur la réalité ?

Un prochain article poursuivra avec 3 autres questions.

Pour bien saisir l’approche de l’auteur, il ne faut pas voir ces catégories comme une sorte de progression du nul vers l’absolu, mais plutôt un état des lieux des différents points de vue qui peuvent s’exprimer sur ces sujets. Bien entendu le théologien ne plaidera jamais la cause du conflit, mais un équilibre des trois autres positions selon les contextes des questions posées.

Dans un souci de concision, l’avis de l’auteur n’est pas toujours reporté dans cette synthèse, j’invite nos lecteurs en recherche d’une analyse plus fine et exhaustive à se procurer sans attendre cet ouvrage instructif et de référence.

1. Quatre visions de la science et de la religion


CONFLIT

On trouve d’un côté les littéralistes bibliques qui refusent de reconnaître l’évolution comme une explication recevable de l’univers et de la vie, de l’autre des matérialistes athées revendiquant une incompatibilité de toute forme de théisme avec la science de l’évolution.

INDEPENDANCE

La compartimentation n’est pas motivée simplement par le désir d’éviter des conflits inutiles, mais aussi par un souci de fidélité au caractère distinctif de chaque aspect de la vie et de la pensée.

DIALOGUE

nous ne pouvons nous contenter de regarder la science et la foi comme des langages sans aucun rapport dès lors que ces langages parlent du même monde.

Le dialogue consiste à travailler sur les questions qui se posent aux frontières de la science et d’observer les similitudes méthodologiques qui peuvent exister avec l’approche religieuse.

INTEGRATION

Trois approches théologiques ou philosophiques plaident pour une forme de partenariat plus étendue et plus systématique entre la science et la foi que ne le propose le dialogue :

La théologie naturelle, la théologie de la nature et celle du processus.

Il faudra particulièrement veiller ici à ne pas s’évertuer à faire entrer de force dans un système intellectuel bien défini un domaine aussi riche et complexe que celui de l’existence humaine !

2. Astronomie et création


CONFLIT

Le matérialisme scientifique prétend que l’univers est né du hasard. Des modèles spéculatifs (multivers) ou souvent extrapolés (fluctuations du vide quantique) viennent à l’appui de cette vision des choses.

L’acharnement de certains scientifiques croyants à chercher de la science moderne dans les Ecritures (relativité, théorie des supercordes, etc…) pose plus de problèmes qu’il n’en résout.

INDEPENDANCE

Les récits de la création de Genèse délivrent un message spirituel (un monde créé par et pour Dieu) mais véhiculé par une vision cosmologique en cours à l’époque de leur rédaction. Il n’y a donc pas lieu de chercher dans ces récits de la science moderne. Le sens théologique qui se dégage part de l’émerveillement et de la gratitude de la vie, il s’accommode autant d’une science ancienne que moderne.

DIALOGUE

L’intelligibilité du cosmos est telle, qu’une théorie unifiée de la physique devrait voir le jour. La conviction que le cosmos est intelligible a des racines grecques et bibliques. Un monde créé reçoit sa propre réalité indépendante, distincte du Dieu transcendant.

Einstein parlait d’une « foi profonde dans la rationalité du monde » sans toutefois adhérer à l’idée d’un Dieu personnel. Dans un cadre théiste, le présupposé scientifique trouve cependant une explication dans le fait que Dieu est le point de convergence de la rationalité dans nos esprits et dans le monde.

La contingence du cosmos telle que la science la décrit amène à des questions limites à laquelle elle ne peut elle-même pas répondre telle que : « pourquoi y-a-il quelque chose plutôt que rien ? »

INTEGRATION

Le principe anthropique relève que notre univers possède des paramètres arbitraires qui coïncident très exactement avec les conditions nécessaires à l’apparition de la vie. L’ajustement précis des constantes physiques est exactement ce qu’on attendrait d’un Dieu rationnel dont l’objectif serait d’engendrer la vie et la conscience.

En science, plusieurs modèles cohabitent parfois pour décrire une même réalité, comme les modèles ondulatoire et corpusculaire pour l’électron par exemple.

Il en est de même en théologie ou plusieurs modèles du Dieu créateur peuvent être tirés de la Bible : Artisant, potier, Seigneur, Père, Esprit, Verbe divin… Chaque attribut présente des résonances étonnantes avec la vie cosmique, sociale et individuelle.

La place de l’humanité à la lumière de la cosmologie moderne :

L’immensité de l’espace-temps, hasard et finalité… Tous ces thèmes trouvent des explications compatibles dans le cadre d’une théologie de la nature qui sait revoir certaines doctrines traditionnelles à la lumière des découvertes de la science. En se gardant toutefois de lier irrévocablement des convictions religieuses à une quelconque théorie.

3. Implications de la physique quantique


Les scientifiques sont partagés sur les explications liées à l’incertitude quantique. Depuis Heisenberg, le sentiment qui domine est que la nature serait fondamentalement indéterminée.

CONFLIT

Avec les découvertes et le formalisme de Newton puis de Laplace, se brosse un monde déterministe régi à la manière d’une grande horloge. Certains philosophes des lumières s’emparent de la science pour évacuer Dieu de la scène, les équations remplacent les explications miraculeuses qui étaient alors données au fonctionnement de l’univers.

Les philosophies matérialistes modernes ont opposé le hasard et l’aléatoire de l’indéterminisme quantique à l’intention divine.

La théologie propose 2 réponses à l’indétermination quantique :

  1. Dieu pourrait être à l’origine des choix des particules sans violer les lois naturelles. Il correspondrait en qq sorte aux variables cachées que certains scientifiques comme Einstein voulait ajouter à cette physique pour la rendre déterministe. Mais la variable étant Dieu lui-même ne serait pas locale et ne pourrait donc pas s’assimiler à un niveau pus profond de lois déterministes encore à découvrir.
  2. La loi et le hasard émanent d’un plan divin, le hasard joue un rôle constructif positif. Il y a bien un dessein divin mais avec un plan permettant certaines latitudes.

INDEPENDANCE

L’instrumentalisme est une démarche qui conçoit  l’utilité des modèles et théories humaines en soulignant leur incapacité à décrire objectivement la réalité du monde. Appliquée à la physique quantique, il s’appuie sur le constat fait par Bohr qu’entre 2 observations, nous ne pouvons absolument rien dire de l’atome.

L’interaction inévitable avec l’observateur fait que la réalité nue échappe indéniablement, le monde quantique révèle une limitation conceptuelle fondamentale des connaissances humaines.

Certains théologiens font l’analogie avec notre connaissance de Dieu. La science et la religion sont vues comme 2 langages différents qui opèrent dans des fonctions différentes et révèlent la même limite à accéder à la réalité en soi.

La complémentarité des modèles ondulatoire et corpusculaire de la physique quantique a été étendue par certains pour montrer l’indépendance et la complémentarité entre la science et la foi, dépassant ainsi l’analogie de Bohr qui  avait émis l’idée d’étendre la complémentarité à d’autres disciplines : modèles mécaniques et organiques en biologie, libre arbitre et déterminisme en philosophie, justice divine et amour divin en théologie.

En réponse à l’instrumentalisme, le réalisme critique vient équilibrer ce point de vue en reconnaissant les limites des modèles théoriques, mais en soutenant qu’ils se rapportent au monde réel. Et si la science et la religion évoquent ce même monde, il doit y avoir des opportunités de dialogue plus évidentes.

DIALOGUE

Ici, la physique quantique offre des parallèles conceptuels à des idées qui relèvent des convictions religieuses. Le rôle de l’observateur en physique quantique est très particulier car le résultat de l’expérience en dépend – la réalité nue semble ainsi lui échapper. En relativité, le cadre de référence de l’observateur joue également un rôle fondamental. Une transposition dans le domaine de la foi soulignerait que la connaissance n’est possible que par la participation et que si nous pouvons nous interroger sur notre relation avec Dieu, nous ne pouvons pas dire grand-chose de la nature intrinsèque de Dieu.

L’holisme*  de la physique quantique récuse le réductionnisme s’appuyant sur la physique classique. Un système atomique ne peut être défini comme étant la somme des propriétés de ses sous-systèmes. Par exemple, un atome d’hélium forme un ensemble sans parties distinctives, sa fonction ondulatoire n’est pas du tout les sommes des fonctions ondulatoires des deux électrons qui le composent.

Ajoutez ici, la fonction de non localité de la nouvelle physique et vous découvrez que le monde ne s’explique aucunement par une approche réductionniste.

Certains, comme le proposera Jean Staune en extrapolant sur des expériences liées à l’intrication quantique, voudraient y voir une preuve d’une réalité supérieure au monde physique et pour ainsi dire de l’existence de Dieu. L’auteur de ce livre reste lui plus prudent au regard de la complexité et du niveau très controversé des rapports entre les théories quantiques et de la relativité, même si nous tenons là des arguments puissants qui réfutent le réductionnisme.

*Le holisme se définit globalement par la pensée qui tend à expliquer un phénomène comme étant un ensemble indivisible, la simple somme de ses parties ne suffisant pas à le définir. De ce fait, la pensée holiste se trouve en opposition à la pensée réductionniste qui tend à expliquer un phénomène en le divisant en parties. (WIKIPEDIA)

INTEGRATION

Plusieurs ouvrages ont proposé une intégration systématique de la physique contemporaine avec le mysticisme oriental.  Sur la base qu’elles reconnaissent toutes deux les limites de la pensée et du langage humain.

Des parallèles sont établis entre différentes caractéristiques de la physique quantique et le taoïsme ou le bouddhisme.  La dualité onde/particule par exemple, rappelle la polarité ying/yang.

Une des limites de ces comparaisons reste cependant le fait qu’elles se focalisent sur les similitudes en ignorant les différences souvent importantes. De plus les similitudes sont tirées de contextes radicalement différents. D’autre part, certaines vues qui semblent acquises comme un bloc espace/temps statique et intemporel ne font pas consensus, certains scientifiques traduisent la relativité en termes de temporalité de l’espace plutôt que comme ici, une spatialisation du temps.

Un autre exemple d’intégration consiste à voir Dieu agir au niveau de l’indétermination quantique. La « réduction du paquet d’ondes » célèbre en physique quantique, émanerait de l’action de Dieu et non pas de l’observateur mais sans violation des lois naturelles.

Cependant, l’auteur fait remarquer que l’attribution systématique de l’indétermination quantique à Dieu, ne laisse guère de place à la liberté humaine et mènera à adopter le modèle théologique de la prédestination. D’autre part si Dieu ne fait qu’agir au niveau le plus bas, cela rejoint une explication  réductionniste du monde en profonde contradiction avec la science elle-même !

Le physicien théologien Robert Russel propose une alternative plus équilibrée où Dien influerait seulement sur certains évènements quantiques et agirait aussi à des niveaux supérieurs comme cause descendante. Cette vision des choses, autorise l’intervention du hasard, des lois et de l’action de Dieu dans le monde quantique. Dans ce cas une intervention de Dieu ne violant pas les statistiques de la théorie quantique, elle ne serait pas détectée par la science.


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