
- Le hasard et l’évolution : 1.Qu ‘est-ce que le hasard ?
- Le hasard et l’évolution : Partie 2
- Le hasard et l’action créatrice de Dieu dans le monde
Pascal Touzet, par cette série, veut partager quelques réflexions à propos du hasard, principe bien souvent caricaturé dans les débats philosophiques autour de l’évolution.
Docteur en Génétique, Pascal est enseignant-chercheur dans un laboratoire d’Ecologie et d’Evolution à l’université de Lille.
Il est l’auteur de Création et évolution. De la confrontation au dialogue édité par Croire et vivre.
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Introduction
L’idée de hasard fait partie de notre quotidien. Les jeux de hasard sont populaires d’autant plus s’ils sont promesses (peu probables d’ailleurs !) d’une jolie cagnotte à la clé ! Plus généralement l’idée de hasard est associée à celle de chance ou d’aléatoire, quand un évènement se produit sans que quiconque en ait le contrôle ou indépendamment du mérite ou du travail de celui qui en bénéficie. On utilise aussi les adjectif hasardeux ou aléatoire quand l’issue par exemple d’une négociation est imprévisible : soit parce qu’on ne connait pas les intentions de chacune des parties, soit qu’au moins une des parties est connue pour être lunatique et avoir donc des réactions erratiques. Enfin, on parle d’évènement fortuit ou de coïncidence, quand par exemple j’entends à la radio une chanson qui m’encourage à aller de l’avant au moment même où je suis en train de réfléchir à mon avenir et à la meilleure décision à prendre…une coïncidence que je pourrais interpréter comme un signe….
Un seul mot, le hasard, est donc associé à une diversité de situations et de phénomènes.
Il en va de même pour la théorie de l’évolution pour laquelle le hasard est une notion clé. Cette notion est en effet ambigüe car elle peut signifier différents phénomènes et processus mais aussi reposer sur différents présupposés métaphysiques et philosophiques. Ainsi a-t-on pu parler par exemple de l’évolution comme un processus aveugle, sans direction.
Je propose dans ce premier billet de définir plus précisément ce qu’on entend par hasard. Nous regarderons ensuite dans un second billet comment ces notions sont utilisées dans les sciences de l’évolution. Enfin dans les billets suivants, nous regarderons plus en détails les phénomènes biologiques impliqués, et réfléchirons sur les conséquences philosophiques ou théologiques qu’a le hasard sur notre compréhension du fonctionnement de la Nature, et plus particulièrement en tant que croyant de l’action de Dieu dans le monde.
Définitions
Si la notion de hasard est ambiguë, on peut néanmoins dans un premier temps classer le hasard en deux catégories : le hasard dit subjectif et le hasard dit objectif.
Le hasard subjectif
Le hasard subjectif suggère que l’idée de hasard résulte de notre compréhension incomplète d’un phénomène que nous allons considérer comme aléatoire, comme fruit du hasard. Le hasard n’est donc pas un fonctionnement inhérent au système étudié. Il est considéré comme subjectif car c’est moi qui en tant que sujet observateur conclut qu’il y a hasard. Dit autrement, le hasard n’existe pas, il n’est qu’une approximation que nous faisons pour rendre compte d’un phénomène dont nous ne connaissons pas toutes les causes. Et donc si je suis capable de connaître tous les facteurs, toutes les causes qui conduisent à un phénomène donné, il n’y plus de hasard, seulement la complexité d’un phénomène que j’ai réussi à dénouer.
Le hasard objectif
Au contraire, l’idée de hasard objectif considère que le hasard est une propriété inhérente à la structure du monde réel et qu’elle ne dépend pas de la connaissance que nous en avons. Un hasard objectif peut revêtir différentes réalités :
1. On considère qu’un phénomène est le fruit d’un hasard objectif quand il n’est pas le produit d’une cause intentionnelle, quand il y a absence de dessein. Ainsi le résultat d’un lancé de dé n’est pas le produit d’une intentionnalité quelconque, elle ne dépend que des caractéristiques du dé, qui s’il n’est pas pipé a 1 chance sur 6 de donner un six.
1 Commentaire
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Merci beaucoup Pascal pour cette mise au point salutaire.
Je suppose que « l’incapacité à connaître toutes les causes » que tu évoques, fait référence aux théories des variables cachées.
Comme on dirait bien que l’expérience pousse ces théories dans leurs derniers retranchements (voir Wikipedia « Hidden variable theory »), je crois qu’il faut envisager sérieusement que l’indéterminisme fondamentale de la mécanique quantique soit… fondamentale.Il me semble que cela remettrait complétement en question l’argument de la cause première pour l’existence de Dieu. « Tout ce qui se produit a une cause », commence-t-il. Pas forcément. Pourquoi cet atome de carbone 14 s’est-il désintégré plutôt que celui-ci ? Pour aucune raison. Indéterminisme fondamental.
Qu’en penses-tu ?