Article 1 sur un total de 1 pour la série :

Discussions sur la résurrection de Jésus


Préambule (Science & Foi)

A l’occasion du WE de Pâques, nous lançons une série concernant la résurrection de Jésus. Différents articles nous permettront d’animer une discussion autour de ce sujet qui ne manque pas d’alimenter le sujet science et foi.

Ce premier article est signé Michel Salamolard, prêtre catholique en Suisse et auteur qui est très engagé dans les discussions science et foi. Ce billet fait suite à une réflexion sur le mal naturel déjà publiée sur ce blog en 2018 : LE MAL « NATUREL ». 4 – JÉSUS ET LE NOUVEAU TESTAMENT

Comme invité sur ce blog, les propos de Michel Salamolard  n’engagent pas Science & Foi. Nous avons précisé « ce que nous croyons » dans cette rubrique.


Introduction

La victoire totale, inaugurale et définitive sur le « mal naturel », c’est la résurrection de Jésus, l’expérience pascale à laquelle nous avons part. Telle est le point central de toute la réflexion proposée dans le précédent article. Il convient donc d’en dire maintenant quelles sont les attestations, les signes et les signatures historiques qui rendent cet événement crédible.

C’est évidemment dans le Nouveau Testament, spécialement dans les évangiles, que nous trouverons ces attestations. Mais rappelons-nous toujours que ces textes sont eux-mêmes le fruit d’une expérience, qui les précède, qui les a fait naître et les a portés jusqu’à nous. C’est l’expérience tout ensemble humaine et spirituelle, charnelle et mystique, personnelle et communautaire de la puissance de l’Esprit éclairant notre intelligence, dilatant notre cœur et transformant notre vie.

Cette expérience, celle des chrétiens, toujours à approfondir et à poursuivre, est destinée à rejoindre d’une manière ou d’une autre tous les humains. Tout au long de l’histoire, à toutes les époques, aujourd’hui comme hier, elle témoigne d’un chemin de vie, d’une espérance, d’un salut offert à tous.

Elle concerne donc aussi les personnes qui n’ont pas encore fait cette expérience, mais qui pourraient s’y intéresser, ne serait-ce qu’en curieux, mieux, en chercheurs de sens et en désireux de bonheur.

Pour tous, chrétiens et non-chrétiens, ce sont les textes du Nouveau Testament qui constituent la médiation indispensable pour connaître l’événement de Pâques, sa réalité et sa signification. Parmi ces textes, les plus anciens sont les lettres authentiques de Paul, écrites vingt ou vingt-cinq ans seulement après la mort de Jésus. La résurrection de Jésus en est le thème central, la clé principale de lecture. Pour s’en convaincre, on peut lire ou relire, en guise d’ouverture, le chapitre 15 de la Première lettre aux Corinthiens.

Mais Paul ne fait pas partie des témoins oculaires des événements de Pâques. Son expérience personnelle est déjà le fruit de celle des premiers disciples, femmes et hommes, qui ont bien connu Jésus, qui ont subi le choc de sa mort et reçu le choc encore plus grand de le rencontrer ensuite vivant et plus que vivant. Le témoignage de cette toute première génération chrétienne est rapporté par nos quatre évangiles, écrits entre l’an 70 et l’an 100, fruits mûris d’une expérience de vie, d’une remémoration et d’une transmission orale de l’histoire de Jésus.

Deux signes attestent, dans nos évangiles, la découverte de la résurrection de Jésus par les témoins directs : surprise du tombeau vide et rencontres inattendues avec le Ressuscité. Le premier signe est visible par tous, le second seulement par quelques-uns. On verra pourquoi.

Avant de parler de ces deux signes, rapportés par les quatre évangélistes, il est utile de dire un mot de « signes » tout à fait particuliers mentionnés par les trois Synoptiques (Matthieu, Marc, Luc), spécialement par Matthieu, au moment même de la mort de Jésus.

I. Des « signes » étranges quand Jésus meurt

Les quatre évangiles, écrits évidemment après Pâques, à la lumière de la Résurrection, ne racontent pas la mort de Jésus comme le ferait un simple observateur des faits. En même temps qu’ils rapportent ces derniers, ils veulent en faire comprendre la signification spirituelle. Celle-ci était annoncée de façon voilée dans les Écritures juives. Mais maintenant, le sens de ces Écritures apparaît pleinement réalisé par la mort de Jésus. Le Ressuscité lui-même a fait comprendre aux disciples « dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Luc 24,27.32).

Les quatre évangélistes vont donc raconter les événements de la Passion à travers un récit tout imprégné et enrichi de leur sens profond, où des citations explicites des Écritures jouent un grand rôle, de même que de nombreuses allusions, évidentes pour des familiers de la Bible (hébraïque), moins évidentes pour nous.

JEAN fait cela d’une façon qui lui est propre. Il met dans la bouche de Jésus lui-même une longue explication du sens de sa mort, au cours du dernier repas : la croix de Jésus sera identiquement sa glorification, son élévation auprès du Père et la manifestation de son amour des hommes. Sa manière de raconter ensuite la passion et la mort de Jésus montrent la majesté du condamné. Sa gloire éclate au cœur même de son apparente faiblesse. Sa mort est un accomplissement (cf. Jean 19,30). Il glisse dans sa mort sans cri, sans fracas.

Les SYNOPTIQUES (les trois autres évangiles) recourent à un autre procédé, qui peut nous paraître étrange. Plutôt que de séparer l’énoncé des faits, d’un côté, et leur commentaire, de l’autre, comme ferait un bon journaliste ou un bon biographe d’aujourd’hui, ils vont TISSER ENSEMBLE LE FIL DES FAITS ET CELUI DE LEUR INTERPRÉTATION selon les Écritures.

À nous de devenir assez bons lecteurs pour distinguer l’entrelacs et le rapport de ces deux éléments. Un indice assez évident peut nous mettre sur la bonne piste : c’est le CRITÈRE DE VRAISEMBLANCE. Au sein d’un récit très factuel et parfaitement crédible historiquement, des éléments invraisemblables sont rapportés comme des faits. Ce sont sans aucun doute des éléments de sens, tirés des Écritures, au moyen de citations ou d’allusions.

Les trois Synoptiques, par exemple, mentionnent l’obscurité étonnante qui s’étend sur le pays à partir de midi, « le soleil s’étant éclipsé » précise Luc. C’est invraisemblable non pour des raisons astronomiques, mais à cause du récit même de la Passion, qui paraît bien se dérouler en plein jour. Les notes de nos Bibles de travail décodent pour nous : cette obscurité signifie que le « jour de YHVH, le jour du jugement » est arrivé. La « fin des temps » est là.

Autre exemple : la déchirure du rideau du Temple signifie qu’en Jésus s’accomplit tout ce que l’ancien culte, maintenant obsolète, préfigurait. C’est l’équivalent de l’explication johannique : « Mais lui parlait du temple de son corps ».

MATTHIEU va en rajouter encore : tremblement de terre, ouverture des tombeaux, apparitions de saints ressuscités. Autant de motifs traditionnels par lesquels les Écritures annonçaient le jugement salvifique de Dieu et la résurrection des morts. Rien de factuel en tout cela, mais un trésor de sens pour qui sait lire et comprendre. Ce qui suppose évidemment une bonne connaissance de la Bible. Ou, à défaut, la consultation d’une bonne Bible de travail ou de bons commentaires.

CE SONT LÀ DES « SIGNES » LITTÉRAIRES, DANS LE TEXTE ET NON DANS L’HISTOIRE, comme l’étrange étoile des mages s’arrêtant au-dessus d’une maison.

Venons-en maintenant aux signes dans l’histoire.

II. Le tombeau vide

Le tombeau vide ne prouve rien de la résurrection. Ce signe n’était PAS INDISPENSABLE POUR DIEU. La décomposition du cadavre de Jésus n’aurait nullement empêché sa résurrection. Le don par Dieu d’un corps glorieux et immortel n’est pas la récupération ou le traitement d’une dépouille, d’un squelette ou d’un amas de cendres. C’est une création renouvelée – ou plutôt l’aboutissement transcendant de l’acte créateur commencé lors de la conception d’une personne.

Et pourtant, le signe du tombeau vide était INDISPENSABLE POUR NOUS. Par « nous », il faut entendre ici d’abord les contemporains de Jésus, notamment ses disciples, mais aussi tous ceux et toutes celles que toucherait grâce à eux l’annonce de l’évangile à travers les siècles. Voyons cela de plus près.

POUR LES DISCIPLES DE JÉSUS, femmes et hommes, la découverte du tombeau vide a résonné comme un coup de gong, aussi assourdissant que muet. Le tombeau, bien gardé, n’avait donc pas pu retenir Jésus. Autrement dit, pour la première fois, la mort ne donnait pas la preuve de son implacable puissance. Cette preuve, depuis toujours dans l’histoire humaine, c’est le cadavre et son inéluctable destruction.

Comment croire qu’il s’était passé pour Jésus quelque chose d’absolument inouï, la défaite de la mort, si la présence d’un cadavre prouvait le contraire ? Le signe du tombeau vide a obligé les amis de Jésus à s’interroger, à sortir de leurs évidences, à ouvrir leur esprit et leur cœur. Il les a préparés à accueillir la présence nouvelle du Ressuscité, qui allait bientôt se manifester à eux, à la fois dans sa corporéité et dans sa nouveauté.

Dans le creux du tombeau vide, l’absence du corps ancien crie déjà l’attente du corps nouveau. Ce qu’un ange confirme :

Vous cherchez Jésus le Crucifié ? Il n’est pas ici, il vous précède en Galilée.

Le témoignage rendu par les apôtres le jour de la Pentecôte n’aurait eu aucune chance d’être cru et même entendu si l’énigme du tombeau vide ne l’avait pas précédé. Le cadavre de Jésus dans sa tombe aurait démenti formellement le discours de Pierre. Et l’histoire chrétienne se serait probablement arrêtée là. Étouffée dans l’œuf.

Destiné à tous LES CONTEMPORAINS DE JÉSUS, du moins ceux qui, présents à Jérusalem, avaient vu de près ou de loin sa passion, sa mort et son ensevelissement, ou en avaient entendu parler, le signe du tombeau vide avait de quoi éveiller l’attention, la curiosité et l’intérêt de beaucoup.

POUR NOUS, ce signe n’a pas tout perdu de sa pertinence, loin de là. Le présumé sépulcre de Jésus à Jérusalem est toujours vide. Les recherches périodiques pour trouver de prétendus restes de Jésus de Nazareth n’ont rien donné. En revanche, ces recherches elles-mêmes témoignent de notre ahurissement devant la disparition du corps de ce crucifié dont la nouvelle de la résurrection s’est répandue en quelques années dans tout le pourtour méditerranéen, jusqu’à Rome, semant sur son passage des vies et des communautés nouvelles, dont le témoignage allait bientôt bouleverser l’Empire romain, puis le moyen âge et tous les siècles jusqu’à nous.

N.B. 

La garde placée auprès du tombeau, pour empêcher l’enlèvement du corps, rapportée seulement par Matthieu, jouit d’une bonne plausibilité historique. Au temps de Pâques comme à chaque fête de pèlerinage, le pouvoir romain craignait des troubles et des émeutes, qu’il s’efforçait d’empêcher par la présence de renforts militaires et qu’il n’hésitait pas à réprimer férocement s’il s’en produisait malgré tout. Rappelons-nous l’épisode des Galiléens massacrés par Pilate (Luc 13,1). Si ce même Pilate autorise donc la garde du tombeau de Jésus, ce n’est pas par égard pour les autorités juives, mais pour exclure toute agitation et tout désordre autour de ce Jésus venu de Galilée, suivi de ses disciples, Galiléens eux aussi. Ces gens avaient mauvaise réputation à Jérusalem…

III. Les rencontres avec le Ressuscité

Impossible ici de commenter en détail les rencontres totalement inattendues du Ressuscité avec des femmes et des hommes de ses amis. Concernant ce signe majeur de la réalité de la résurrection, je voudrais seulement noter les caractéristiques qui le rendent crédible. Il y en a trois :

1 Une diversité qui parle en faveur de l’authenticité ;

2 La nature paradoxale du corps ressuscité, impossible à inventer ;

3 Ces rencontres ne pouvaient se produire que dans un contexte d’amour.

1. La diversité, marque d’authenticité

Réparties dans nos quatre évangiles, les rencontres avec le Ressuscité touchent différentes personnes en différentes situations. Rappelons brièvement les principaux bénéficiaires de ces manifestations (à ne pas confondre avec de simples apparitions) : Marie de Magdala, deux disciples en route vers Emmaüs, les Onze apôtres (plusieurs fois), Thomas, Simon-Pierre et quelques compagnons…

Autant de récits variés de rencontres diverses. Cette diversité des narrations parle en faveur de leur authenticité. En effet, voilà tout l’opposé d’un communiqué officiel, mis au point d’un commun accord et repris de façon répétitive par les uns et les autres. Au contraire, chaque personne, chaque petit groupe a vécu ces événements de façon unique. Chaque évangéliste en répercute le souvenir de façon personnelle, sans aucun doute d’après de vivants souvenirs conservés précieusement dans sa proche communauté.

Un récit uniforme et stéréotypé n’aurait pas manqué de paraître hautement suspect, déjà aux contemporains, à nous ensuite. Il aurait eu pour principale vertu celle d’accréditer une théorie du complot, selon laquelle les apôtres se seraient mutuellement juré de s’en tenir à une version convenue, fictive des faits, répétée machinalement. Nos récits, au contraire, sentent bon le vécu dans sa richesse et sa diversité.

Mais cette belle diversité n’empêche pas l’harmonie de l’ensemble, une convergence de tous les récits dans l’essentiel. Cet essentiel est la nature totalement paradoxale et, pour cela, totalement inattendue, imprévisible des rencontres avec le Ressuscité. Cet essentiel commun était impossible à inventer de manière indépendante car dépassant de beaucoup tout ce qu’on pouvait penser et imaginer.

2. La nouveauté impensable du corps de Jésus ressuscité

Je reprends et précise ici quelques éléments du premier point de l’article précédent (L’irruption aussi espérée qu’inattendue du monde nouveau).

Qu’est-ce que le mot « ressusciter » pouvait bien suggérer dans l’esprit ou dans l’imaginaire de ces juifs qu’étaient les disciples de Jésus ? Notre verbe français traduit deux mots, en hébreu comme en grec, indiquant quelque chose de très concret : se réveiller, se relever. Le premier verbe évoque la mort comme un sommeil profond, définitif, une incapacité totale non seulement d’agir, mais aussi de ressentir et de penser, donc d’entrer en relation. Le second suppose que la mort est le contraire de ce qui caractérise l’être humain, sa verticalité et tout ce qu’elle signifie, notamment comme trait d’union entre terre et ciel.

Ces deux significations supposent donc un passage d’un état à un autre, le second (se réveiller, se remettre debout) rétablissant le premier (était de veille, station verticale), que la mort avait entre-temps détruit (sommeil profond, abattement total). Il n’est pas question de l’entrée dans une réalité qui n’appartient pas à notre monde ni à notre expérience.

Pas question non plus de la survie d’une « âme » débarrassée de son encombrante prison que serait le « corps ». Ce dualisme grec, platonicien, est étranger à la pensée hébraïque.

Les morts – ou les endormis, les couchés – étaient censés se trouver dans un état ou dans un lieu appelé le shéol, une sorte de non-vie plutôt qu’une vie, sans être non plus un anéantissement. Dieu pourrait-il un jour les en délivrer ? On l’espérait. Mais ce serait, dans ce cas, par un retour à la vie que nous connaissons. À ce propos, il faut noter une chose capitale. Cette idée de « retour », si contraire aux visions platoniciennes ou égyptiennes d’une « évasion » de ce monde, repose entièrement sur un REFUS DE DÉVALORISER LA VIE QUE NOUS CONNAISSONS AU PROFIT D’UN « AILLEURS » IMAGINAIRE. Encore une particularité de la pensée hébraïque.

On trouve donc chez les prophètes en Israël l’affirmation ou L’ANNONCE QUE LES MORTS REVIVRONT grâce à une intervention divine (voir p.ex. Ésaïe 26,19, Ézékiel 37). Cette espérance ira grandissant, notamment à partir de l’expérience des martyrs d’Israël, morts pour leur foi. Naît en même temps L’IDÉE D’UNE VIE NOUVELLE, certes EN CONTINUITÉ AVEC CELLE D’ICI-BAS, MAIS EN RELATION MEILLEURE, PLUS GRANDE, DÉFINITIVE AVEC CE QU’ON APPELLE LA « GLOIRE DE DIEU », c’est-à-dire le rayonnement de sa présence, de sa plénitude de vie et de son amour.

Ce thème s’exprimera dans l’annonce d’une nouvelle création, ou plutôt d’un renouvellement de la création connue : des Cieux nouveaux et une Terre nouvelle (cf. Ésaïe 65,17 et Apocalypse 21,1).

Mais, autre remarque décisive, l’avènement de ce monde à venir (olam haba) supposait la disparition de ce monde-ci (olam hazé) : ce serait donc pour la « fin des temps », ni pour aujourd’hui ni pour demain.

Or, ce dont les apôtres témoignent n’est rien de moins que L’IRRUPTION DE LA FIN DES TEMPS AU COURS DE L’HISTOIRE encore en marche. En Jésus, par sa mort, le monde nouveau surgit au cœur même du monde ancien. C’est ce qui apparaît clairement à travers les rencontres des disciples avec le Ressuscité, si paradoxales, impensables, inimaginables.

LE CORPS VIVANT DE JÉSUS RESSUSCITÉ, D’UNE PART, N’EST AUTRE QUE CELUI D’AVANT PÂQUES, IL APPARTIENT BEL ET BIEN À L’EXPÉRIENCE QUE NOUS FAISONS TOUS DE NOTRE CORPS. On peut le voir, le toucher, il parle, il mange et boit. Il ne s’est donc pas évadé de son corps, il n’est pas devenu un « pur esprit », il n’est pas dans un ailleurs sans rapport avec la réalité que nous connaissons, faite de matière, d’espace et de temps.

MAIS, D’AUTRE PART, LE CORPS DU RESSUSCITÉ TRANSCENDE TOTALEMENT LES LIMITES DE LA RÉALITÉ PRÉSENTE : matière, espace et temps. Il ne « vient » pas, soudainement il est là, présent. Cette présence atteint par moments, à son initiative, une intensité incroyable, bouleversante, puis se retire et tout semble redevenu comme avant. Et pourtant tout est changé (voir spécialement l’expérience des disciples d’Emmaüs et celle de quelques apôtres en Jean 21).

LA PREUVE EXPÉRIMENTALE DE CE PARADOXE IMPENSABLE (pour des juifs) – l’irruption du monde nouveau en ce monde-ci – SERA DONNÉE AUX DISCIPLES PAR L’EXPÉRIENCE DE LA PENTECÔTE, LE DON DE L’ESPRIT SAINT. Ils seront complètement transformés, tout en restant ce qu’ils sont. Saint Paul le dira en ces termes :

Ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi

Galates 2,20

CE QUI VA SE TRANSMETTRE DÉSORMAIS, CE N’EST PAS SEULEMENT UN MESSAGE, MAIS L’EXPÉRIENCE MÊME DE CE QUE LE MESSAGE ANNONCE – sa preuve expérimentale.

C’est encore cette même EXPÉRIENCE QUE CHACUN DE NOUS PEUT FAIRE, pour autant qu’il veuille bien ouvrir son esprit et son cœur à ce qu’il ne connaît pas encore.

Voici que je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un m’ouvre, j’entrerai… 

Apocalypse 3,20

Pourquoi ne pouvons-nous avoir d’autre preuve que celle de nous laisser rejoindre par le Christ, de lui ouvrir librement la porte ? Pourquoi ne peut-il pas s’imposer, nous contraindre par force ? Pourquoi restons-nous libres face à lui ? C’est ce qu’il faut maintenant examiner.

N.B.

Notons qu’aucune description du corps ressuscité n’est possible. On le voit bien en 1 Corinthiens 15, quand Paul s’y efforce à force d’analogies et de comparaisons tirées de la nature. Le caractère paradoxal des rencontres avec le Ressuscité, rapportées par nos évangiles, reste entier. Mais précisément, c’est par ce caractère paradoxal qu’il manifeste son authenticité. On ne pouvait inventer cela. Personne n’a inventé quelque chose de semblable dans aucune religion ni dans aucune philosophie.

Aucun des apôtres ne pouvait l’inventer non plus. Pourquoi cette impossibilité de décrire le corps ressuscité ? Parce qu’il s’agit d’une expérience à vivre et non d’un objet à regarder. C’est pareil par exemple pour l’amour. De l’extérieur, on peut certes en dire quelque chose, comme font les évangélistes parlant du Ressuscité, mais seule l’expérience de l’amour permet d’en pénétrer la vérité, la réalité. Les mots pour l’exprimer ensuite feront ce qu’ils peuvent, mais n’épuiseront jamais la profondeur de l’expérience qui précède et déborde tout langage.

3. L’amour ne peut se manifester qu’à l’amour

À qui s’interroge sur Dieu, une évidence première s’impose d’elle-même : Dieu n’est pas un objet. S’il était un objet, il ne nous intéresserait pas plus ni moins qu’un champignon ou qu’un volcan. Commet objet de connaissance, nous avons beaucoup mieux que Dieu : l’univers entier et tout ce qu’il contient, nous y compris vu que nous possédons aussi une part objective (taille, poids, mesure, organes, cerveau, etc.).

L’exemple de nos relations humaines

Mais cette dernière affirmation – nous comme objets – nous oblige immédiatement à changer de niveau : de celui des objets à celui des relations interpersonnelles (amitié, amour, haine, indifférence). Si et quand nous nous intéressons vraiment aux autres, quand il s’agit pour nous d’une nécessité vitale, qui touche l’ensemble de notre personne, pour le meilleur ou pour le pire, c’est alors en tant que sujets que nous nous rencontrons, sujets libres, capables d’aimer ou de ne pas aimer, capables d’échanges affectifs et spirituels, capables et désireux de se rencontrer dans le don de soi réciproque.

Nous n’avons pas cette qualité de relation avec tout le monde, c’est impossible, mais avec quelques personnes seulement. Les autres restent lointains, étrangers. Certaines de ces personnes peuvent certes susciter notre admiration ou même quelque chose qui ressemble à de l’amour, mais ce n’est l’amour que d’une image, pour ne pas dire d’une idole. C’est le cas avec les vedettes et les stars en tout genre. Les personnes qui, à l’enterrement de Johnny Halliday brandissaient une banderole avec ce « credo » : « JOHNNY NOTRE DIEU » n’avaient sans doute eu guère de relation très personnelle avec lui. Et celles qui étaient vraiment de sa famille et de ses amis n’avaient ni besoin ni envie de prendre Johnny pour un dieu. Parce qu’elles avaient connu et aimé humainement l’homme Johnny, et non seulement son image.

D’autres êtres humains exercent sur nous un pouvoir, non de fascination comme les stars, mais de contrainte (économique, politique, sociale, militaire). Face à eux, nous n’avons le choix qu’entre une obéissance plus ou moins consentie, plus ou moins extorquée, plus ou moins forcée, d’une part, et, d’autre part, une crainte plus ou moins respectueuse, plus ou moins terrorisée, plus ou moins haineuse. Deux côtés, finalement, d’une même monnaie, avec laquelle nous jouons à pile ou face, au mieux des circonstances.

Vers nos relations à Dieu

Dieu n’est pas un objet. Dieu n’est pas non plus une énergie, une force, un quelque CHOSE qui agit dans l’univers. Ce sont là encore des réalités objectives. Dieu ne fait pas nombre avec les quatre forces naturelles de l’univers (nucléaire forte, nucléaire faible, électromagnétique, gravitationnelle) ou n’importe quelle autre énergie de ce genre qui resterait à découvrir.

Si Dieu n’est pas un objet ni une énergie, mais un sujet personnel, il pourrait nous intéresser, non par curiosité scientifique, mais comme partenaire de relation personnelle.

Mais nous retrouvons ici, avec Dieu, ce que notre expérience purement humaine nous a déjà appris. Notre rapport à Dieu peut être vécu à deux niveaux : celui de l’éloignement ou celui de la proximité. Les deux se justifient.

C’est sans doute au premier niveau, celui de la distance, que les humains ont découvert et découvrent Dieu : distances de la différence, du mystère et de la puissance. À ce stade, Dieu est superstar ou grand patron. Souvent il y a un peu (ou beaucoup) des deux. Il peut susciter l’admiration mais aussi le reproche, l’obéissance mais aussi la révolte, de l’affection mais aussi de la haine, le culte sincère mais aussi le marchandage roublard.

Est-il possible de quitter ce niveau pour accéder à celui de la proximité, de l’intimité, qui permet l’amitié, la relation profonde, qui nous dilate et nous transforme ? Et si oui, comment ? La simple logique, mais largement confirmée par l’histoire des religions, indique deux voies possibles. Ou bien c’est l’homme qui franchit la distance qui le sépare de Dieu ; ou bien c’est Dieu qui s’approche de l’homme. Certes, on peut imaginer, et c’est sans doute toujours un peu le cas, que le mouvement va dans les deux sens, mais l’un des deux prédomine.

Quand l’effort de l’homme est premier, il s’exprime assez spontanément par la mythologie, où l’imagination peut galoper à son aise : portraits et histoires des dieux, « mécanique » de leurs rapports avec les humains… Avec l’avènement de la philosophie, la mythologie montre sa faiblesse aux yeux de la raison. Sans perdre toute valeur symbolique ou pratique, elle est dépouillée de sa crédibilité. C’est l’effet salubre de la philosophie. Mais cette dernière échoue également dans sa prétention à en dire beaucoup plus et beaucoup mieux que la mythologie en ce qui concerne la divinité, l’existence de celle-ci, et surtout sa nature. Il suffit d’organiser un débat entre un philosophe athée de haut niveau et un philosophe croyant de même niveau pour constater que chacun est capable d’argumenter contre Dieu ou pour Dieu, sans que ni l’un ni l’autre ne l’emporte de façon démonstrative.

Quand Dieu vient à l’homme

Or, voilà que nous trouvons dans l’histoire des hommes un petit peuple qui vit une tout autre expérience. Il ne connaît Dieu ni par la mythologie, qu’il rejette, ni par la philosophie, qu’il ignore. Son expérience religieuse consiste à croire que Dieu lui parle et s’approche, franchissant lui-même la distance de sa transcendance, pour établir avec ce peuple une alliance intime et personnelle, où Dieu s’engage à fond, où l’homme est appelé aussi à s’engager de tout son cœur.

C’est toute cette histoire, celle d’Israël, qui aboutit à Jésus, en qui Dieu et l’homme ne font plus qu’un, selon la foi chrétienne. En Jésus, ce Dieu révèle enfin son visage, celui d’un amour inconditionnel et infini. En Jésus, Dieu se donne à l’homme totalement, jusqu’au bout, jusqu’à la croix, jusqu’à prendre sur lui l’ignorance, les fautes, la haine des hommes. En Jésus ressuscité, Dieu fait connaître et inaugure son immense projet : prendre tous les humains dans sa vie et dans sa plénitude, les diviniser.

L’amour ne peut être connu et reçu que par l’amour

Saint Jean, dans sa Première Lettre, a donné de la foi chrétienne le plus lumineux, le plus court et le plus époustouflant résumé qui se puisse rêver :

Dieu est amour.

Jean 4,8.16

Il ne s’agit pas là d’une belle théorie, mais très exactement de la quintessence du message et de la vie même de Jésus, comme aussi de sa mort.

On dit souvent à très juste titre que Jésus fut condamné à cause de sa prétention à être l’égal de Dieu, blasphématoire aux yeux des autorités juives (cf. p.ex. Marc 14,64 et Jean 10,33). Il faut ajouter une précision. LE VISAGE DE DIEU QUI SE MANIFESTAIT DANS L’ENSEIGNEMENT ET DANS LA PRATIQUE DE JÉSUS ÉTAIT LE VISAGE MÊME D’UN AMOUR INCONDITIONNEL ET INFINI. Un Dieu source de vie, un Dieu qui pardonne, un Dieu qui rassemble, un Dieu de tendresse, un Dieu qui prend sur lui nos faiblesses, UN DIEU QUI SE DONNE JUSQU’AU BOUT afin que les humains aient la vie, en abondance.

LES CHEFS RELIGIEUX DE L’ÉPOQUE AVAIENT DE DIEU UNE TOUT AUTRE IMAGE, qui se reflétait aussi dans leur comportement. Un Dieu calculateur et punisseur, un Dieu moralisateur et vengeur. Il serait faux de penser que cette image était celle du « Dieu de l’Ancien Testament ». Il s’agissait au contraire d’une caricature, d’une trahison du Dieu de Moïse et des prophètes. Jésus dénonce cette tromperie, cette hypocrisie par des mots clairs (p.ex. Matthieu 9,12-13 et 23,23) et par tout son comportement avec les petits, les pauvres et les pécheurs : c’est envers ces derniers surtout qu’il agit en égal de Dieu, accordant généreusement et gratuitement un pardon qui libère et guérit.

Ce qui vient d’être dit explique pourquoi il était IMPOSSIBLE QUE LE RESSUSCITÉ SE MANIFESTE AUX AUTORITÉS QUI L’AVAIENT CONDAMNÉ À MORT. Un tel scénario, digne de Hollywood, correspondrait parfaitement à ce qu’on attend spontanément d’un héros : qu’il manifeste sa puissance et triomphe de ses adversaires en les confondant, en les punissant de leur méchanceté et de leur aveuglement. Apparemment terrassé, vaincu, le héros resurgit vainqueur et terrasse ses ennemis qui, eux, ne s’en relèveront pas. Une telle victoire est celle du plus fort, du plus habile, du mieux armé. Elle écrase et humilie. Ce n’est pas la victoire de l’amour, mais celle de la force.

Efforçons-nous de comprendre LA LOGIQUE DE L’AMOUR, bien différente de celle de la force ou de la ruse. Quelles sont les signes et les effets de l’amour ? On peut donner la réponse générale suivante. L’amour fait naître et renaître autour de lui la vie, la joie. Il éveille et réveille en chacun l’estime de soi, le goût de vivre pleinement, la capacité d’aimer à son tour. L’amour crée des liens intimes, profonds, durables. Il donne de vivre en alliance.

C’est un tel amour que Jésus a manifesté en toutes ses rencontres, à un degré extrême, divin. Mais pour produire vraiment ses effets de vie et de joie, l’amour n’a pas seulement besoin d’être offert, mais aussi d’être reconnu et reçu comme tel. L’offre d’amour est certes l’élément premier, fondateur. Mais son accueil et sa fécondité sont suspendus à l’acceptation libre des destinataires. L’amour offert peut être aussi méconnu ou rejeté. Nous le savons d’expérience.

Ceci pose une question décisive. Quelle est LA LOGIQUE DE L’AMOUR FACE AU REFUS, AU REJET ? On peut répondre assez évidemment ceci. Le propre de l’amour authentique est de se maintenir quand il est rejeté. Si l’amour dont il s’agit possède la dimension divine, il continuera de s’offrir à celles et à ceux qui n’en veulent pas. Il prendra dans ce cas le nom de pardon, de miséricorde, de compassion, avec ce que cela peut impliquer de sacrifice, de don de soi.

Nous voyons parfois que l’amour parental atteint cette perfection envers un enfant coupable ou en détresse profonde. On le voit aussi quand un fils ou une fille continue d’aimer et de rencontrer un père ou une mère devenue démente. On le voit de façon maximale dans le testament spirituel d’un Christian de Chergé, l’un des martyrs de Tibhirine :

S’il m’arrivait un jour – et ça pourrait être aujourd’hui – d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivant en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille, se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays. Qu’ils acceptent que le Maître Unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal. Qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ? Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes, laissées dans l’indifférence de l’anonymat. […]

Cette vie perdue totalement mienne et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette JOIE-là, envers et malgré tout. Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô mes amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis ! Et toi aussi, l’ami de la dernière minute, qui n’aura pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « À-DIEU » envisagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.

Quand il rencontre l’aveuglement, le rejet, la haine, la violence, le mépris, l’amour continue d’embrasser ceux et celles qui ne veulent pas de lui. « L’amour excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout. » (1 Corinthiens 13,7). C’est en tout cas vrai, au plus haut point, de l’amour divin. Tel est l’amour vécu par Jésus jusqu’à l’extrême (cf. Jean 13,1) et par les meilleurs de ses disciples, tel un Christian de Chergé, parmi d’autres, innombrables (cf. Apocalypse 7,9).

Nous voici au pied de la CROIX, regardant celui que nous avons transpercé (cf. Jean 19,37). De son côté coulent pour nous l’eau de la vie et le sang de l’amour. La haine et la violence ont transformé le Crucifié en fontaine de pardon, de tendresse et de salut pour ceux-là même qui l’ont condamné.

Mais QUI PEUT COMPRENDRE CELA, CETTE LOGIQUE DE L’AMOUR CRUCIFIÉ, sinon celle ou celui qui croit en l’amour, qui l’accueille ? Qui ne comprend pas ou ne veut pas comprendre cette logique peut rejeter l’amour alors même que l’amour s’offre à lui avec cette intensité bouleversante. On entend la raillerie : « Si tu es Fils de Dieu, descends de la croix ! » La méprise est totale, dramatique. Alors que Dieu donne la preuve suprême de sa divinité d’amour, on réclame de lui la preuve de sa capacité à nous résister, à nous contraindre, à nous vaincre par force.

L’AMOUR NE PEUT ÊTRE RECONNU QUE PAR L’AMOUR. C’ÉTAIT VRAI DURANT LA VIE DE JÉSUS, CE FUT ENCORE PLUS VRAI AU CALVAIRE. CE SERA ENCORE PLUS VRAI À LA RÉSURRECTION.

Le visage divin de l’Amour, qui s’était manifesté tout au long de la vie de Jésus, de façon cependant voilée par son humanité de chair, atteint sa totale et resplendissante vérité sur la Croix, dans le don total de lui-même en faveur de nous tous.

Rencontrer le Ressuscité n’est donc rien d’autre que de s’ouvrir à la présence de l’amour infini qui maintenant se révèle de façon éclatante.

LA VÉRITÉ DU RESSUSCITÉ, C’EST SON AMOUR. IL NE PEUT SE MANIFESTER QU’À CELLE ET À CELUI DONT LE CŒUR ATTEND CET AMOUR, plus ou moins consciemment. Le cœur des disciples de Jésus, femmes et hommes, abritait ce désir. Il était en eux comme une flamme tremblotante, une mèche allumée, que la mort de Jésus n’avait pas étouffée complètement. Une braise encore rougeoyante que l’Esprit de Jésus pouvait ranimer.

L’Amour ne pouvait se manifester à des esprits fermés, à des cœurs mauvais, sans qu’ils soient anéantis, non par l’Amour lui-même, mais par la prise de conscience terrible et immédiate, dans la lumière aveuglante de l’Amour, de leurs ténèbres intérieures, du mensonge qui les habitait.

Ils étaient comme des prisonniers volontairement enfermés depuis longtemps dans un lieu de totale obscurité – c’est peut-être le sens symbolique de « l’obscurité qui se fit sur tout le pays » (Marc 15,33 et //). Un passage instantané à la pleine lumière, celle de l’Amour, eût été insupportable, comme ce fut d’ailleurs le cas pour Paul sur le chemin de Damas :

Il faisait route et s’approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait : « Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu ? — « Qui es-tu, Seigneur ? » demanda-t-il. Et lui : « Je suis Jésus que tu persécutes. Mais relève-toi… » Saoul se releva de terre, mais, quoiqu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien… Trois jours durant, il resta sans voir, ne mangeant et ne buvant rien.

Actes des Apôtres 9,3-9

Trois jours, le temps de mourir et de revivre, comme Jésus… Paul n’avait pas pris part à la condamnation de Jésus. Il n’était donc pas dans le même aveuglement que les autorités romaines et juives qui avaient voulu la mort du Messie. Un « traitement de choc » pouvait ouvrir son cœur sans le briser.

Pour d’autres personnes en refus d’aimer et d’être aimées, prisonnières encore du mensonge et de la haine, il est à craindre que la révélation de l’Amour, révélant du même coup leur péché, soit insupportable. On peut penser à Judas. Ou encore, dans la fiction littéraire, au commissaire Javert dans Les Misérables : la prise de conscience d’avoir été sauvé par celui qu’il prenait pour un criminel irrécupérable l’écrase et le pousse au suicide.

De telles personnes seront rejointes par l’Amour d’une autre façon, moins soudaine, moins aveuglante, mais tout aussi efficace. Elles pourront se laisser toucher par le témoignage des apôtres, pas seulement celui de leur parole, mais avant tout celui de leur transformation au feu de l’Amour. Ce témoignage, s’il est authentique et fruit de l’amour, leur offrira dans le même mouvement et la connaissance de leur faute et le pardon sans reste de cette dernière et le don d’une vie nouvelle.

C’est ce qui se passe à la Pentecôte. Luc rapporte cette expérience de l’Esprit saint incendiant le cœur des disciples, mettant sur leurs lèvres un langage que tous comprennent, le langage de l’amour extrême offert maintenant à tous :

Jésus le Nazôréen, cet homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes, cet homme vous l’avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies – mais Dieu l’a ressuscité […] Que toute la maison d’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous aviez crucifié. […]

Que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don de l’Esprit. Car c’est à vous qu’est destinée la promesse, et à vos enfants, ainsi qu’à tous ceux qui sont au loin, aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera.

Actes des Apôtres 2,22…39

Vous l’avez livré, vous l’avez crucifié : laissez-vous plonger (= baptiser) dans le pardon de vos péchés, recevez de don de l’Esprit. L’eau de la vie, le sang de l’amour que Jean, le visionnaire, a vu jaillir du côté du Crucifié rejaillit maintenant sur tous ceux que la Parole d’amour touche à présent au cœur.

L’expérience de Jésus mort et ressuscité par amour se communique aux témoins qu’il avait choisis, et, à travers ces derniers, cette même expérience est offerte à tous. Tel est le trésor que l’Église a pour mission de partager tout au long de l’histoire…

Vie et amour sont affaire d’expérience

Redisons qu’être chrétien est avant tout une EXPÉRIENCE DE VIE DANS L’ESPRIT de Jésus. Il ne s’agit pas seulement ni d’abord de l’adhésion à un enseignement, à une doctrine. Il ne s’agit pas seulement non plus de prendre Jésus pour exemple et de l’imiter de notre mieux. Il s’agit encore moins d’observer scrupuleusement des pratiques rituelles ou d’obéir à des préceptes imposés « d’en-haut » et du dehors.

Jésus resuscité nous communique son Esprit, qui se joint à notre esprit, comme dit saint Paul. Dès lors, l’Esprit de Dieu, l’Esprit d’amour, qui unit le Père et le Fils, devient le principe le plus intime de notre être et de notre devenir. Il nous donne de comprendre l’enseignement, la vie et la personne de Jésus. Il nous donne de vivre comme lui à notre manière. Il éclaire notre conscience. Il nous donne de vivre en alliance les uns avec les autres. Il inspire notre compréhension de la Bible. Il nous donne de célébrer notre joie, notre louange, notre reconnaissance. Il nous donne d’accueillir la vie divine dans les gestes sacramentels de notre Église, avant tout dans l’eucharistie. Il nous donnera un jour de mourir vers le Père, comme Jésus. Il nous donne aussi de témoigner « par amour et douceur, non par force », comme disait François de Sales.

Ce que nous chrétiens avons à offrir au monde, aujourd’hui comme hier, ce qui peut toucher les cœurs ouverts et disponibles, c’est le témoignage de notre vie et de notre amour aussi sincère et généreux que possible.

CONCLUSION : Tous heureux et sauvés dans et par l’amour

Pour conclure, l’Amour divin ne laissera personne au bord du chemin. Ni de celui du bonheur en cette vie ni de celui du bonheur du Ciel. Tous sans exception seront rejoints par l’Esprit saint, d’une manière appropriée à chaque personne, quelle que soit sa situation, sa foi, sa religion, sa philosophie. Rejoints librement pour répondre librement.

Pour tous, chrétiens ou non, le chemin du bonheur et du salut consiste à aimer son prochain, de son mieux. C’est le cœur universel de l’évangile.

Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous, en nous son amour est accompli. […] Dieu est Amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui.

1 Jean 4,12.16 ; cf. aussi Romains 13,8-10

C’est aussi la chose la plus exigeante, la plus décapante pour le vieux fond d’orgueil et d’égoïsme qui nous bloque ou ralentit trop souvent notre marche. Ceux qui acceptent consciemment de vivre dans l’Esprit de Jésus et au sein de son Église ont accès non seulement à des ressources spirituelles hors du commun, mais peuvent puiser à la source même de l’Amour révélé en Jésus Christ.

Qui boira de l’eau que je lui donnerai (= l’Esprit) n’aura plus jamais soif. L’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle.

Jean 4,13-14

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