Un grand merci à « Pascal », fidèle commentateur sur ce blog  (qui n’est pas « Pascal Touzet », généticien et membre de notre équipe « science et foi »), pour sa citation de Spurgeon (1877) concernant les rapports entre science et théologie. Spurgeon est en effet bien connu dans les milieux évangéliques, pour ses sermons, mais aussi pour les cigares qu’il fumait après ceux-ci « à la gloire du Seigneur » 😉 . Il ne s’agit pas pour nous de ternir sa réputation ou de diminuer l’impact de son ministère, mais de réfléchir ensemble à ses propos sur ce sujet particulier.

« Nous sommes invités, frères, le plus sérieusement du monde à nous éloigner de l’ancienne foi de nos pères à cause de prétendues découvertes de la science.

Qu’est-ce que la science ? La méthode par laquelle l’homme essaye de cacher son ignorance. C’est déplorable, mais c’est la réalité. Ne soyez pas dogmatiques en théologie, mes frères, disent-ils, c’est une iniquité ; mais pour des hommes de science, c’est un comportement correct. On nous demande de ne jamais affirmer quelque chose haut et fort ; mais les scientifiques, eux, ont le droit de clamer avec effronterie ce qu’ils ne peuvent pas prouver, et ils demandent de notre part une foi beaucoup plus crédule que celle de nos croyances. Il nous faudrait, en vérité, prendre nos Bibles et conformer, mouler notre croyance dans les enseignements toujours mouvants d’hommes soi-disant scientifiques ! Mais quelle folie ! Hé bien ! Remontez-le, ce cortège de la science – de la fausse science – on en trouvera les traces dans le monde entier : théories abandonnées, faux raisonnements volés en éclats, hypothèses jetées aux oubliettes, hommes jadis adulés aujourd’hui ridiculisés ; ce sont des actes de notoriété universelle. Vous les reconnaîtrez facilement, les endroits où ces érudits ont mobilisé leur esprit et leur intelligence : partout, c’est jonché des détritus de leurs théories. » »

Cette citation de Spurgeon est assez fascinante elle soulève des questions tout à fait intéressantes et très actuelles :

Dans cette citation, Spurgeon affirme que :

  • Certaines affirmations de la science remettent en cause l' »ancienne foi de nos pères ».
  • La science évolue sans cesse, elle ne peut donc faire aucune affirmation définitive sur la réalité.
  • Les scientifiques interdisent aux croyants le droit de faire des affirmations « dogmatiques »
  • Les scientifiques sont incapables de prouver les théories qu’ils avancent.
  • La science ne peut et ne doit pas modifier notre façon de comprendre la Bible.

 

Ces affirmations me semblent relever à la fois

  • d’un réflexe de « défense » par rapport aux extrapolations rationalistes de certains, au nom de la science.
  • d’une méconnaissance de ce qu’est la science, et une « théorie scientifique »
  • d’un manque d’ouverture vis à vis des découvertes de la science pour éclairer l’interprétation biblique

 

 Un réflexe de « défense » par rapport aux extrapolations rationalistes de certains, au nom de la science.

Cette citation mérite certainement d’être contextualisée. Ecrite en 1877, en Angleterre, quelques années après la publication de l »‘Origine des espèces », de Darwin et en pleine montée en Europe du positivisme, du rationalisme, de l’athéisme au nom de la « science » (scientisme), et du libéralisme théologique avec l’évacuation du surnaturel dans l’interprétation des Ecritures au sein d’un certain nombre de facultés de théologie. Les chrétiens « conservateurs » répondront plus tard à cette tendance par le courant dit « fondamentaliste » et la publication des « Fundamentals ». Voir notre article :  Quelle fut la réponse des chrétiens à la théorie de Darwin ?

Il faut souligner que Darwin n’était pas athée, mais agnostique, à la fin de sa vie, et que ses correspondances privées et ses écrits montrent qu’il a toujours été tourmenté par les implications religieuses de ses découvertes. Certains scientifiques se sont emparés de la thèse de Darwin pour en faire une extrapolation religieuse, comme Thomas Henry Huxley surnommé « Le bouledogue de Darwin ».

Aujourd’hui, certains athées militants comme Richard Dawkins ou Jerry Coyne ont ressuscité les thèses du 19ème siècle et ils attaquent la foi chrétienne avec les mêmes arguments, s’appuyant sur les peurs collectives liées au fanatisme religieux. C’est le courant du nouvel athéisme. Nous répondons sur ce site aux thèses de ce courant « anti-chrétien », non pas en attaquant la science (comme le fait Spurgeon), mais en dénonçant l’utilisation philosophique malhonnête des découvertes scientifiques.

Une méconnaissance de ce qu’est la science, et une « théorie scientifique »

Se sentant attaqué dans ses convictions les plus profondes et ne disposant probablement pas d’une connaissance suffisante pour évaluer  la méthode scientifique  et les découvertes de la science, celles de Darwin à une époque où celles-ci étaient discutées, y compris au sein de la communauté scientifique, on peut comprendre (mais pas approuver) les propos de Spurgeon.

Encore aujourd’hui, et comme en témoigne le rejet de l’évolution chez beaucoup de croyants et de pasteurs, beaucoup pensent qu’une « théorie scientifique » est une simple « hypothèse ». Ce n’est pas le cas. Pour qu’une théorie scientifique soit reconnue, il faut qu’elle passe par l’épreuve d’une multitude de tests qui permettront de la valider ou de l’invalider. Une seule observation peut suffire à renverser une « théorie », c’est le fameux exemple du fossile de lapin que l’on retrouverait datant du cambrien, et qui pourrait à lui seul remettre tout en cause!

Aucune observation à ce jour n’est venue invalider l’hypothèse selon laquelle tous les êtres vivants, l’homme y compris possèdent un ancêtre commun.  Toutes les données collectées comme que la lecture des génomes confirment ce fait par plusieurs voies complètement indépendantes et spectaculaires. Ceci malgré tous les efforts des « créationnistes anti évolutionnistes »  pour démontrer le contraire.

Les scientifiques cherchent encore à comprendre les mécanismes de cette évolution, ils progressent pas à pas car la situation est complexe! Mais l’ascendance commune de toutes les formes de vie est attestée « au delà du doute raisonnable »…

Spurgeon évoque le caractère mouvant des résultats de la science. Ce point est particulièrement important. Oui, les théories scientifiques évoluent et il est arrivé dans l’histoire des sciences que l’on renonce à certaines d’entre elles, comme l’éternité de notre univers remplacée par la théorie du Big Bang aujourd’hui bien établie. Pourtant, depuis l’avènement de la science moderne, il faut bien comprendre que les théories s’affinent progressivement et ne s’annulent pas les unes les autres, c’est le cas de la relativité d’Einstein, venue pallier aux déficiences de la mécanique de Newton et l’englober sans l’invalider dans un cadre plus vaste. Le physicien Antoine Bret, membre de notre équipe explique très bien le côté « poupées russes » des théories scientifiques dans cet article. Il désacralise aussi la science dans cet article.

Ainsi, même si la science doit se garder de tout « dogmatisme », certaines théories (comme par exemple le modèle héliocentrique du système solaire) sont confortées par tellement d’observations convergentes qu’il serait vraiment très improbables qu’elles soient remises en cause et que l’on reviennent en arrière.

 

Un manque d’ouverture vis à vis des découvertes de la science pour éclairer l’interprétation biblique

Nous en venons à la question la plus délicate pour les chrétiens, en particulier pour les évangéliques: la place de la science dans l’interprétation des Ecritures. Il est certain que plusieurs découvertes de l’archéologie et de la science sont venues ébranler certaines interprétations de la Bible. C’est par exemple le cas en ce qui concerne les origines biologique de l’humanité, et en général le caractère historique des 11 premiers chapitres de la Genèse (d’Adam à Noé). Les chrétiens doivent regarder ces problèmes en face, c’est ce que nous nous efforçons de faire sur ce site. C’est une expérience parfois douloureuse, mais les chrétiens du 21ème siècle ne peuvent plus répondre aux progrès de la science comme Spurgeon l’a fait. De nombreux théologiens et scientifiques évangéliques, plus sensibles à ces questions que la majorité de la communauté évangélique, proposent des réponses très intéressantes. Nous nous efforçons de les communiquer.

En reconnaissant que les Ecritures ont été écrites d’un point de vue scientifique et historique avec les connaissances de leurs auteurs (ceci est particulièrement flagrant si on reconnaît que la structure du cosmos dans la Bible est celle partagée par tous les peuples de l’Antiquité), nous sommes aujourd’hui libérés du souci de chercher à défendre la « véracité scientifique  » des Ecritures (le « concordisme scientifique »), et nous pouvons replacer celles-ci dans leur contexte culturel en la matière.

Il ne s’agit pas de devenir des libéraux, de rationnaliser la Bible en niant les miracles, mais simplement de reconnaître les résultats de la démarche scientifique pour les questions QUI SONT SUSCEPTIBLES D’ETRE SOUMISES A LA METHODE SCIENTIFIQUE. Ce n’est évidemment pas le cas de la naissance virginale du Christ et de sa résurrection. On y croit ou on n’y croît pas. Et nous y croyons!

Nous sommes aussi invités à faire la différence dans la Bible entre les récits d’événements vécus par des témoins oculaires ou recueillis chez des témoins directs (les évangiles), et ceux pour lesquels personnes n’était présent (la création de l’homme). Le degré d’inspiration est le même, mais notre regard sur l’historicité ne peut pas être le même!

 

 

Conclusion

Les questions soulevées par Spurgeon sont d’une redoutable actualité pour les rapports science/foi chez les évangéliques. Il y a probablement mieux à faire sur ce sujet que la réaction de ce grand homme de Dieu. Nous bénéficions du recul de l’histoire. La question qui se pose aujourd’hui est

Les évangéliques seront-ils capables d’éviter la « crise moderniste » qui pourrait se profiler à l’horizon ?

Je le souhaite de tout cœur pour l’avancée du Royaume de Dieu et la pertinence de la foi chrétienne !