Article 2 sur un total de 3 pour la série :

Plaidoyer pour une conception chrétienne et réaliste de la guerre


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I.2 Le pacifisme est plus réaliste sur ses motivations

Les théories de la guerre juste qui tentent de donner un cadre moral à la guerre seraient

un artifice bancal [tenté] de donner un vernis moral à l’appétit des souverains pour la chair à canon [1].

Nicolas TAVAGLIONE

La guerre ne peut aboutir à une véritable paix. Le pacifisme est ainsi réaliste, car il met en lumière les subversions politiques des préceptes moraux qui sont censés conduire à l’élaboration des concepts de la guerre juste. En voici quelques exemples. Il est largement possible pour un État d’accommoder les critères du jus ad bellum (critères d’engagement de la guerre) et du jus in bello (critères déterminant la conduite de la guerre) au « but poursuivi par sa politique extérieure » [2] en sorte que le recours à la force militaire ne se fasse que dans l’intérêt de l’État requérant. De guerre « juste » à guerre « profitable » il n’y a qu’un pas qu’il est facile de franchir. 

Poursuivons avec cette déclaration du droit international qui affirme qu’un État doit porter secours à un État allié si celui-ci est menacé dans son intégrité [3]. Selon D. BATTISTELLA, ce principe est en réalité mis à mal par le fait que les États alliés n’acceptent d’aider l’état agressé que si leurs intérêts personnels sont menacés par la perte de l’« équilibre des puissances » [4] engendrée par le conflit. Ainsi la notion de justice est subtilement remplacée par la loi du chacun pour soi. Le critère de « l’intention juste » serait en réalité la recherche non pas de la paix stricto sensu, mais plutôt d’une stabilité durable et d’une trêve pérenne qui éviteraient les dépenses inutiles et couteuses qu’un conflit engendrerait.

Le critère de « l’ultime recours » serait lui aussi sujet à un gauchissement mercantile. « L’État répugne aux risques inutiles et couteux » [4b] qu’entrainent les guerres dont l’issue est souvent aléatoire. Enfin, le critère de « proportionnalité » de la contre-attaque pourrait être également le fruit d’une appréciation intéressée portant sur la capacité de l’État à pouvoir faire de « l’adversaire d’un jour […] l’allié du lendemain ».

Enfin, les conflits armés ne donnent aucun résultat convaincant et la violence ne résout jamais rien. L’instabilité du reste du monde et la poursuite des conflits (Sahel, Proche-Orient…) montrent que les guerres menées par les États « Chrétiens » ne sont pas d’une grande « utilité ». Pour N. BLOUGH, une guerre en appelle systématiquement une autre par esprit de vengeance. Il suggère que si la théologie de la guerre juste est réellement « juste » il faut pouvoir démontrer son efficacité. 

I.3 Le pacifisme s’inspire de la réalité de la vie et de la mort du Christ

Seule la position pacifiste est en mesure d’adopter une approche sérieuse et respectueuse du « sermon » sur la montagne de Jésus. Pour C. BAECHER, il faut rejeter les « interprétations sélectives » [5] du « sermon » sur la montagne qui suggèrent que l’enseignement du Christ ne s’applique qu’aux relations interpersonnelles. Le commandement d’aimer son ennemi doit être valable tous les jours et dans toutes les circonstances.

« La raison d’État » ne peut donc l’emporter sur l’enseignement de Jésus. En ce sens, pour un chrétien, seul le refus de porter les armes peut entrer en résonnance avec l’enseignement de Christ.

L’œuvre du Christ sur la croix est le signe par excellence de l’amour de l’ennemi[6].

Claude BAECHER

Christ a incarné le « sermon » sur la montagne en mourant sur la croix. Il réalise ainsi son enseignement et dévoile ce qu’est le véritable, le réel, chemin de « l’amour incarné, vécu dans le temps et dans l’espace »[7] qui montre « la vie à laquelle les disciples du Christ sont appelés ». La conduite d’une guerre est incompatible avec la notion d’amour. 

En sommes, le pacifisme est suffisant pour garantir une paix durable entre les êtres humains. Il est lucide au sujet des raisons qui sous-tendent la doctrine de la guerre juste. Il est davantage fidèle à l’enseignement biblique. 

Nous développerons dans les 2 prochains posts la position soutenant que l’approche pacifiste de la guerre n’est peut-être pas si réaliste que cela.


Notes

[1] Nicolas TAVAGLIONE. La guerre en question. Presses universitaires de Lyon. 2015. P132

[2] Julie SAADA. La guerre en question. Presses universitaires de Lyon. 2015. P18

[3] Article 5 du traité de l’Atlantique Nord : « Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord. » https://mjp.univ-perp.fr/defense/otan1949.htm.  Consultée le 31/12/2019  

[4] Dario BATTISTELLA. La guerre en question. Presses universitaires de Lyon. 2015. P153

[4b] Ibid. P156

[5] Claude BAECHER. HOKMA N°55. De quelques « crucifixions » du sermon sur la montagne. Le Cerf, 1994. P36

[6] Neal BLOUGH. La foi chrétienne et les défis du monde contemporain. Excelsis. 2013. P263

[7] Ibid p264


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